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balzac - Page 2

  • Commencer un livre par le milieu ?

    Souvent, quand j'envisage l'achat d'un livre, ou simplement sa lecture, je jette d'abord un oeil au début, puis, très rapidement, je vais chercher une page quelque part au milieu du livre et je lis un extrait.

    Le problème, c'est quand le passage m'accroche : je ne puis m'empêcher de poursuivre sur ma lancée...

    Cela m'est arrivé récemment avec la Duchesse de Langeais d'Honoré de Balzac, et cela m'a réservé une surprise. J'ai commencé la lecture de l'ouvrage un peu avant que Montriveau décide d'ignorer la duchesse à la fois par dépit et par amour. Balzac boucle son récit en accéléré, relatant comment Montriveau recrute un équipage pour tenter de revoir la duchesse, réfugiée dans un couvent carmélite quasiment inaccessible en Espagne. Je n'aime pas ces fins d'histoire qui tombent comme un cheveu sur la bonne soupe d'une trame bien filée et bien menée. Seulement voilà, j'ai fait ce que je ne fais pas toujours : j'ai repris le livre depuis le début et ai découvert que la fin figure au début, mais relatée d'un autre point de vue. Et elle occupe tout un chapitre, avant d'introduire, dans le chapitre suivant, non l'histoire, mais toute une réflexion sur l'aristocratie et son déclin, en ce premier tiers de XIXème siècle.

    On y voit d'ailleurs Balzac déplorer la dégénérescence d'une aristocratie incapable d'être ce que son nom même signifie, c'est à dire le pouvoir des meilleurs. Parce que les aristocrates ne sont plus les meilleurs, conclut Balzac, ils ne sont plus capables de tenir entre leurs mains les rênes du pouvoir.

    En choisissant cette approche (assez risquée avec Balzac, en raison de la diversité de ses personnages et de la complexité et des intrigues et des relations qu'ils entretiennent entre eux), j'ai finalement eu une perspective très différente du livre, de son histoire et de son dénouement.

    Parfois, je fais pire : je commence un livre par la fin. Je suis sûr qu'il existe des ouvrages où la fin du récit se déroule en plein milieu du livre. Que le déroulement des faits coïncident ou non avec celui du livre, finalement, le choix de débuter par la première page ou non est quelque chose de très arbitraire.

    Livrons-nous à une petite comparaison : en latin, l'ordre des mots n'est pas le même qu'en français. Cela ne gêne pas plus que cela les Romains de placer un complément d'objet direct en tête de phrase, de le faire suivre du sujet, puis de placer quelques circonstances et d'ajouter le verbe. En poésie latine, ils font même pire en séparant par exemple un nom et son adjectif épithète et en intercalant au beau milieu un groupe de mots, qui peut être le COD, le verbe, le sujet de la phrase, bref, tout ce que l'on voudra.

    Et pourtant, les phrases des Romains ont bien un sens, et surtout, les idées et les notions leur viennent à l'esprit dans l'ordre dans lesquels ils énoncent chaque mot. L'apparent galimatias que forme l'ensemble pour qui tente de traduire la pensée du Romain antique faisait pourtant bien sens pour lui. 

    Pourquoi cette comparaison ? Eh bien parce que je tends à penser qu'il en va à peu près autant des livres. Toute lecture est une interprétation (tiens, je fais mon constructiviste, moi, pour une fois) et on arrive aussi bien à comprendre un livre en traduisant sa pensée qu'en la suivant (comme la traduction d'un texte latin, en somme). Rien n'empêche donc de le commencer par son milieu, sa fin, ou n'importe quel autre choix.

    Oulah, j'ai les neurones qui ont tourné, et du coup, les oreilles qui fument, moi. Voilà un sujet qui mérite bien chaîne et tag. On ne va tout de même pas donner du caviar à des cochons : il faut au moins des blogues littéraires pour répondre à un défi de cette nature. Hé hé, j'en connais tout de même quelques uns :-)

    On m'a dit que Gaël est écrivain. Il doit certainement avoir un avis sur le sujet, dans ces conditions. Ferocias qui suit l'actualité des peuples du soleil, y compris l'actualité littéraire, doit bien pouvoir donner aussi un avis (enfin...quand il aura fini de déchiffrer les Codex aztèques, ce qui devrait bien lui prendre un soleil supplémentaire au moins...).

    Thierry qui fait oeuvre d'écrivain depuis quelque temps est très certainement qualifié pour exprimer le sien aussi. AsTeR, de Sulfure et contre-sulfure (y'a culture dans le titre de son blog) qui réduit la religion à une histoire de théière ou non, pourra bien également considérer ma question.

    Reste enfin l'inénarrable Didier Goux qui vient faire de temps à autre un tour par ici, nourrit les chardonnerets, mais envisage de s'en faire un parka et conchie Fellini plus que tout ou presque...Celui-là, qui croule sous les livres pas finis, va bien avoir une petite idée aussi sur la question...

    Goddam, en fait, j'ai fait le tour des blogues littéraires que je connaissais*. Honteux, non, pour quelqu'un qui se pique de temps à autre de littérature... Si, je connais Stalker aussi, mais c'est généralement de trop haut niveau pour moi : il cite et analyse chez lui toute une série d'auteurs aux noms  barbares (ou civilisés, qui sait !) que je ne connais ni d'Éve ni d'Adam, à quelques rares exceptions près.

    Ah, j'oubliais la question : alors, commencer un livre par le milieu, hérésie ou non ? :-)

    * je connais tout de même la République des livres, d'Assouline, même s'il m'assomme deux fois sur trois quand j'en lis un billet...

  • Ça vaut combien, un paysan ?

    Le monde rural est en ébullition. Les paysans ne parviennent plus à vivre de leur production. Hasard ou coïncidence, je lis actuellement les Paysans d'Honoré de Balzac. Et j'ai repensé au discours que tient Fourchon au Comte et à la Comtesse de Montcornet au chapitre V, les ennemis en présence :

    Les bourgeois volent au coin du feu, c'est plus profitant que de ramasser ce qui traîne au coin des bois. Il n'y a ni gardes-champêtres, ni garde à cheval pour m'sieur Gaubertin qu'est entré ici, nu comme eun var , et qu'a deux millions ! C'est bientôt dit : voleurs ! V'là quinze ans que le père Guerbet, el parcepteur de Soulanges s'en va e'd 'nos villages à la nuit avec sa recette, et qu'on ne lui a pas core demandé pas deux liards. Ce n'est pas le fait d'un pays e'd 'voleurs ? Le vol ne nous enrichit guère. Montrez-moi donc qui de nous ou de vous aut'bourgeois ont d'quoi viv 'à ne rien faire ? [...] eh ! bien, qué différence y a-t-il donc entre moi et ce brave, s't 'honnête père Niseron, un vigneron de soixante-dix ans, car il a mon âge, qui pendant soixante ans, a pioché la terre, qui s'est levé tous les matins avant le jour pour aller au labour, qui s'est fait un corps ed 'fer et eune belle âme ! Je le vois tout aussi pauvre que moi.

    Plus de 150 après, on en est toujours là ; j'exagère à peine : les paysans continuent à piocher la terre et gagnent toujours aussi peu...A témoin le discours que François Bayrou tenait le 17 mai dernier. 6 mois après, rien n'a changé et la colère explose...

    Les paysans, j'en parle, puisque personne n'en parle pour les raisons que vous savez. Les paysans se sentent aujourd'hui en situation d'abandon absolu, parce qu'ils ont naturellement des tracteurs et des champs qui représentent un capital, mais ce que l'on ne voit pas, c'est le revenu à la fin du mois.

    Il y a des centaines de milliers de paysans français qui vivent avec entre 700 et 800 € de revenu par mois et personne n'entend leur cri silencieux de détresse, notamment eu égard aux orientations qui sont en voie d'être prises et auxquelles je vous demande de réfléchir. Car ce sont à la fois des décisions européennes et des décisions de gouvernement.[...]...en défendant les exploitations familiales, nous ne défendons pas des intérêts, nous défendons l'intérêt général d'avoir une tradition agricole, un entretien des paysages, une culture de la transmission, des valeurs paysannes en France. Et nous considérons que c'est aussi important que de faire baisser le prix du lait de 4 ou 5 centimes.

    Nous acceptons de payer des produits à leur prix, à condition que nous sauvions la société à laquelle nous tenons.

  • J'aime bien Balzac

    Je commençais à fatiguer, à force, de de cantonner mes lectures aux sphères économique et politique. J'ai donc ouvert un roman, et j'ai choisi (pas tout à fait au pif), Eugénie Grandet de Balzac. Eh bien quel malin, ce père Grandet (et moi qui voulait en finir avec la finance et l'économie...) ! A un moment, son frère de Paris fait faillite (enfin, plus exactement, est ruiné et peut donc être déclaré en faillite si un de ses créanciers l'assigne en justice). Le Père Grandet qui ne veut pas rater l'occasion de se moquer du Parigot (c'est un provincial qui vit à Saumur) et de faire un bon coup, envoie un de ses amis banquiers ( des Grassins) afin de convaincre les créanciers de nommer un liquidateur sans que son frère ne soit déclaré en faillite, ce qui serait une tâche insupportable sur le nom des Grandet. A vrai dire, Grandet se fiche, sur le fond, de la tâche et de son frère (qui s'est de toutes façons suicidé) mais il ne veut pas rater l'affaire. Et, pour donner du poids à sa demande, il rachète lui-même quelques créances de son frère (les subprimes de l'époque, en somme). Or, Grandet est un malin et immensément riche : il a une réputation de grippe-sou avéré, spécialiste des coups fumants. Et il est patient. Mis en confiance, les créanciers s'imaginent que leurs créances valent quelque chose et qu'elles vont rapporter. Et Grandet attend...un an, deux ans, trois ans, plusieurs années de suite, tout en proposant aux créanciers de leur racheter leurs créances, mais, à un prix bien inférieur à ce qu'elles sont censées représenter. Au fil du temps, certains créanciers abandonnent, et d'autres, désespérant d'en tirer quelque chose, acceptent finalement de les revendre.

    Il faut préciser que le malin Père Grandet, avait utilisé les fonds produits par la liquidation de la succession pour verser 47% à tous les créanciers, de quoi les mettre en appétit. Le temps passant, certains renoncèrent, oublièrent leurs créances ou finirent par accepter de les solder à 10%, à peine, de leur montant...

    Je trouve toutefois que la fin fait un flop, dans ce récit, avec cette pauvre Eugénie promise à une canonisation...Je sentais bien que le Charles, élevé comme un prince, verserait tôt ou tard dans un égoïsme et un cynisme purs et durs, et que son mariage avec une aristocrate ne se ferait pas...

    J'avais lu, plus jeune, quelques ouvrages de Balzac : le lys dans la vallée, César Biroteau, le Père Goriot et la peau de chagrin. Je rapproche souvent le Père Goriot du Roi Lear. Deux filles ingrates, dans les deux cas. Mais je me souviens que plus jeune, Balzac m'ennuyait souvent. Aujourd'hui, plus âgé, je prends plaisir à lire ses longues descriptions et ses raisonnements. J'ai fini Eugénie Grandet, et je commence les Paysans. Les premières lignes sont une lettre décrivant un château de province magnifique. En les lisant, je me vois bien installé dedans :-)