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J'aime bien Balzac

Je commençais à fatiguer, à force, de de cantonner mes lectures aux sphères économique et politique. J'ai donc ouvert un roman, et j'ai choisi (pas tout à fait au pif), Eugénie Grandet de Balzac. Eh bien quel malin, ce père Grandet (et moi qui voulait en finir avec la finance et l'économie...) ! A un moment, son frère de Paris fait faillite (enfin, plus exactement, est ruiné et peut donc être déclaré en faillite si un de ses créanciers l'assigne en justice). Le Père Grandet qui ne veut pas rater l'occasion de se moquer du Parigot (c'est un provincial qui vit à Saumur) et de faire un bon coup, envoie un de ses amis banquiers ( des Grassins) afin de convaincre les créanciers de nommer un liquidateur sans que son frère ne soit déclaré en faillite, ce qui serait une tâche insupportable sur le nom des Grandet. A vrai dire, Grandet se fiche, sur le fond, de la tâche et de son frère (qui s'est de toutes façons suicidé) mais il ne veut pas rater l'affaire. Et, pour donner du poids à sa demande, il rachète lui-même quelques créances de son frère (les subprimes de l'époque, en somme). Or, Grandet est un malin et immensément riche : il a une réputation de grippe-sou avéré, spécialiste des coups fumants. Et il est patient. Mis en confiance, les créanciers s'imaginent que leurs créances valent quelque chose et qu'elles vont rapporter. Et Grandet attend...un an, deux ans, trois ans, plusieurs années de suite, tout en proposant aux créanciers de leur racheter leurs créances, mais, à un prix bien inférieur à ce qu'elles sont censées représenter. Au fil du temps, certains créanciers abandonnent, et d'autres, désespérant d'en tirer quelque chose, acceptent finalement de les revendre.

Il faut préciser que le malin Père Grandet, avait utilisé les fonds produits par la liquidation de la succession pour verser 47% à tous les créanciers, de quoi les mettre en appétit. Le temps passant, certains renoncèrent, oublièrent leurs créances ou finirent par accepter de les solder à 10%, à peine, de leur montant...

Je trouve toutefois que la fin fait un flop, dans ce récit, avec cette pauvre Eugénie promise à une canonisation...Je sentais bien que le Charles, élevé comme un prince, verserait tôt ou tard dans un égoïsme et un cynisme purs et durs, et que son mariage avec une aristocrate ne se ferait pas...

J'avais lu, plus jeune, quelques ouvrages de Balzac : le lys dans la vallée, César Biroteau, le Père Goriot et la peau de chagrin. Je rapproche souvent le Père Goriot du Roi Lear. Deux filles ingrates, dans les deux cas. Mais je me souviens que plus jeune, Balzac m'ennuyait souvent. Aujourd'hui, plus âgé, je prends plaisir à lire ses longues descriptions et ses raisonnements. J'ai fini Eugénie Grandet, et je commence les Paysans. Les premières lignes sont une lettre décrivant un château de province magnifique. En les lisant, je me vois bien installé dedans :-)

 

Commentaires

  • Moi aussi j'aime bien le père Balzac :-)
    J'avais fait une note de lecture de ce bouquin (moins savante que la tienne !) quand j'étais en quatrième.
    Je m'étais alors renseigné sur les monnaies qui composent le dizain. Balzac avait le sens du détail.
    Pour le Lys dans la vallée, j'ai réussi à en présenter un passage en fac sans avoir lu le roman !
    Mon roman préféré de cet auteur reste la Peau de chagrin.

  • @ Thierry
    En revanche, il y a un truc que je n'ai pas capté dans Eugénie Grandet, c'est le profit que tire de la situation le Père Grandet. A la fin du passage auquel je fais référence, il est question d'une rente à 115 et d'une revente, mais là, je n'ai pas capté...pas même s'il y avait un rapport avec les créances !
    J'aimais bien aussi la peau de chagrin (normal quand on est jeune...).
    Le Lys dans la vallée, je m'en souviens très mal : c'est une histoire d'amour et il y a quelqu'un qui s'appelle Mortsauf dedans (la comtesse, je crois), voilà ce dont je me souviens...

  • J'aime beaucoup Balzac et on comprend combien on assiste à un retour en arrière actuellement en lisant César Birotteau ou les Illusions Perdues...
    dans ceux qui sont moins "à thèse", mes préférés sont La femme de 30 ans, la FIlle aux yeux d'Or et la Maison Nucingen
    Il faut aussi relire les pages du Bonheur des Dames de Zola et celles de La Curée sur la spéculation commerciale-boursière-immobilière-financière. C'est stupéfiant.
    bon, je ne me lance pas là dedans, mais le roman du XIXe, si chiant soit-il pour des jeunes qui ne peuvent plus apprendre le passé simple et du vocabulaire un peu étendu parce qu'ils ne lisent plus cette langue-là qui ne se parle plus, est un émerveillement permanent pour comprendre le monde moderne et ses régressions droitières.
    Quoiqu'en dise Jacques Marseille.

  • @ L'Hérétique
    Pour le passage que tu évoques, je ne puis te dire sans avoir le texte sous les yeux.
    Pour le Lys dans la vallée, il y a de ça ! Je te l'affirme en n'ayant toujours pas lu ce bouquin ! Le grand art était de prononcer MorTsauf comme la prof :-)

    @ FB
    Je plussoye ! Le monde que nous connaissons est en partie l'héritier de ce XIXe siècle.
    De Zola, en cette même classe de quatrième, nous lûmes l'Assommoir. Sans faire mon croûton, je crains que de telles oeuvres ne deviennent illisibles par les générations futures du fait d'un rétrécissement de leur champ lexical.

  • @ Thierry
    J'ai donné le lien de l'oeuvre sur wikisource dans le billet. Pour retrouver le passage, cherche le mot "cinquième" avec firefox ou internet explorer, et tu vas tomber direct sur la zone. Il faut reprendre, quelques lignes plus haut, à partir du moment où il Des Grassins parvient à convaincre les créanciers de placer leurs titres chez le notaire.
    @ FB et Thierry
    Oui, on trouve beaucoup de problématiques qui existent encore aujourd'hui. Balzac dresse un portrait des créanciers qui n'est pas triste dans son livre. Tenez, pour votre édification...

    «Généralement, le créancier est une sorte de maniaque. Aujourd’hui prêt à conclure, demain il veut tout mettre à feu et à sang ; plus tard il se fait ultra-débonnaire. Aujourd’hui sa femme est de bonne humeur, son petit dernier a fait ses dents, tout va bien au logis, il ne veut pas perdre un sou ; demain il pleut, il ne peut pas sortir, il est mélancolique, il dit oui à toutes les propositions qui peuvent terminer une affaire ; le surlendemain il lui faut des garanties, à la fin du mois il prétend vous exécuter, le bourreau ! Le créancier ressemble à ce moineau franc à la queue duquel on engage les petits enfants à tâcher de poser un grain de sel ; mais le créancier rétorque cette image contre sa créance, de laquelle il ne peut rien saisir. »

    ça m'a fait rigoler, parce qu'aujourd'hui, ce genre de créanciers n'existe plus : ce sont à la place de grands groupes froids qui ont le temps devant eux. C'était une autre époque...

  • @Thierry P: ben moi je pense que c'est l'inverse, par débile égalitarisme par le bas, on ne fait plus lire ce genre de textes qui sont discriminants en effet (passé simple, champ lexical, descriptions) et DONC ils deviennent illisibles
    Et pour moi on assiste en ce moment à un retour à cette sauvagerie des origines en enjambant gaiement tout le XXe siecle... loi du plus fort, valorisation de la rente par rapport au travail (il y a un très beau passage dans germinal sur les actionnaires de la mine ), taxes au lieu d'impôt sur le revenu etc...
    @l'Hérétique
    la rente est un placement d'état à très longue durée et elle ne varie qu'en cas de révolution ou autres, vraisemblablement là les journées de 1830... quand elle est à 115, c'est à dire à +15% par rapport au placement fait, Grandet vend et retire la plus value au lieu de se faire "servir la rente", ce qui est très rare; et çà n'a pas de rapport avec les créanciers
    (de mémoire; ce soir je rouvre eugénie grandet... y a jamais de sucre chez moi...)

  • @ FB
    "je pense que c'est l'inverse, par débile égalitarisme par le bas, on ne fait plus lire ce genre de textes qui sont discriminants en effet"
    Et bien en fait, je pense que nous sommes d'accord sur les conséquences. Pour les causes, c'est vrai que si on ne propose pas de tels textes, on aura vite fait de passer à la trappe notre patrimoine.
    En seconde, notre prof avait attaqué en nous collant à Proust. Et nous avions aimé cette découverte.
    L'égalitarisme par le bas est une cata.
    Si c'est être élitiste de vouloir continuer à faire lire la Princesse de Clèves, et bien, soyons fiers de l'être.
    Notre langue est si belle et si riche, souhaitons que ne se constituent pas des ghettos de gens qui en auraient plus toutes les clés. Le processus hélas me semble en marche avec le fin lettré qui loge au 55 fbg St Honoré. Il me semble qu'il aurait déclaré avoir aimé les "Roujon-Macard" ou un truc de cet acabit.

    @ L'Hérétique
    Merci du lien. Je lis ça et te ferai un commentaire de texte :-)

  • J'ai trouvé le texte.
    Ca commence pas fort pour ma mémoire :-( J'ai écrit dizain alors que c'est douzain... Il faut dire que l'inflation a fait des ravages depuis le XIXe siècle !
    Bon, j'y retourne !

  • Je regrette de lire peu. Je pense que Balzac (faut il "sauter" les longues descriptions ? ), "La Princesse de Clève", sont toujours très aptes à intéresser.
    Et dire que Balzac était toujours sans le sou, ce qui l'inçitait à turbiner littérairement (en buvant moults cafés).
    En Seconde il y avait des fans de Balzac, pour ma part je trouve que son "top" est "Les Illusions Perdues" dans le milieu du journalisme où des traits frappants de comportements sont certainement encore ceux d'aujourd'hui.

  • @ L'Hérétique
    Bon si j'ai bien suivi (!), le Père Grandet retirait de l'inscription à la rente d'Etat à 5%, des intérêts pour un montant de 100.000 livres annuels (d'où la mention des 600.000 francs au total => 6 annuités ?).
    S'il revendit 115 francs des titres achetés à 80, il réalise par ailleurs une confortable plus-value de plus de 45%.

  • Connaissez-vous " le curé de Tours" remarquablement moderne par sa sobriété sur le fond et la forme ? Je vous recommande la visite de la maison de Saché ( près de Tours) un endroit sublime pour son cadre et enrichissant pour l'esprit ( musée Balzac) .

  • @ Thierry
    j'ai bien compris la plus-value, mais je ne vois pas le rapport avec la liquidation des biens de son frère.
    @ CK
    Je ne l'ai pas sous la main, mais j'ai la forte tentation de laisser de côté les Paysans pour entamer les Illusions perdues que je ne connais que de réputation. Splendeurs et misères des courtisanes, est-ce que c'est la suite ?
    @ FB
    ah, vous vous souvenez du sucre :-)

  • @ cf
    je l'ai vu dans la bibliographie mais j'avoue que je ne connais que peu Balzac. Je ne l'ai pas lu. Mais bon, là, je crois que je suis parti sur un cycle balzacien :-)

  • @ L'Hérétique
    Si je me mets dans la peau du Père Grandet, il semblerait avoir placé une partie du montant de la succession de son frère en rente et en faisant poireauter les créanciers, il réalise une double bonne affaire.
    Mais ce n'est que ma clé de lecture que je dois en partie au voyage de la bonne. Mais FB peur avoir raison en ne voyant pas de liens entre les deux.

  • oups mon index à ripé sur le clavier :-)
    Lire : "Mais FB peut..."

  • @L'Hérétique
    "Splendeurs et Misères des Courtisanes" est
    bien la suite des "Illusions Perdues".

  • pour le placement je ne crois toujours pas que c'est l'héritage du frère mais bien la rente due à la spéculation sur les biens nationaux car elle semble être ancienne dans le livre...
    et oui Splendeurs et Misères est bien la suite des Illusions perdues...( dont Proust disait que la mort de Lucien de Rubempré était une de ses plus grandes peines) mais il est plus psychologique que "socio-politique"

  • Rien compris à cette affaire de chateaux, j'espère qu'il ne s'agit pas de chateaux en Espagne ! ;D

  • @ FB
    Je ne suis pas sûr que les spéculations sur les biens nationaux étaient encore tolérées sous Charles X, époque à laquelle je situe l'action.
    Il s'agit donc peut-être d'un placement que le Père Grandet avait fait discrètement mais dans la mesure où Des Grassins a géré les créances du frère Grandet, le doute persiste.
    Qui aurait la réponse ?

    @ Martine
    Froidfond est bien en France, rassurez-vous :-)

  • @Thierry,
    Euh comment dire, depuis le temps...Votre conseil de me sentir rassurée, ne me rassure pas du tout mais alors vraiment pas!!!
    Perso, après la Princesse de Clèves, compteriez-vous me faire "avaler" la famille Grandet?
    Par-dessus la tete après le XVIII...Le XIXè, ca va durer lontemps? Ainsi? Nous sommes au XXIè !!

  • @ Martine
    Vous évoquiez des châteaux en Espagne... Je vous ai rassuré sur la nationalité de Froidfond, ni plus, ni moins.

    A votre question : "Le XIXè, ca va durer lontemps?", je réponds 100 ans :-)))

    Ceci dit, libre à vous, encore heureux, de choisir vos lectures à votre guise.
    Mais sans connaissance de nos racines, on va pas loin.
    Si je vous dit que je viens de relire Diderot, vous risqueriez de me faire une poussée d'urticaire :-)) Alors, considérez que je ne l'ai pas dit !!!
    @+

  • @Thierry,
    Ma précedente réponse, ne passant pas?
    Une autre: ai recu aujourd'hui, un délicieux courrier ( pas courriel) de ceux qui pansent bien des blessures, et effacent bien des coups.
    Alors votre dernier commentaire me laisse totalement indifférente.
    Bien joué les hurlements en faveur d'une taxe carbone!!!!

  • Thierry,
    :D
    D'abord, je ne fais pas d'urticaire, je ne fais que de l'eczéma :))
    Pfff, Diderot, je l'aime bien.
    Avez-vous entendu? Taxe carbone...Résultat: pied au plancher sur le nucléaire...Top!!! N'est-ce pas? :(((( grrrr...
    Bien joué!!!
    http://www.youtube.com/watch?v=rq6l-YGBwXo

  • @L'hérétique,

    Je ne vous pas reproche votre grille de lecture d'Eugénie Grandet, c'est la vôtre et elle se respecte comme elle se doit : simplement, le Père Grandet, c'est tout simplement l'histoire d'un laboureur matois qui s'enrichit à la révolution dans le commerce du bois, de la tonnellerie et de la vigne avec les terres attenantes; le personnage central reste tout de même Eugénie, qui incarne parfaitement le statut de la femme dans l'histoire de l'Europe bourgeoise du XIXe siècle (voyez Anna Karenine de Tolstoï) : elle est généralement belle, ingénue et peu au fait des affaires de dot, réglées effectivement par le père; en somme, la femme bourgeoise du XIXe n'a qu'à se faire belle, à porter un corset bien seyant, et bien sûr se taire devant père et mari et le règne de la rente foncière et immobilière.
    J'ai lu les commentaires de vos internautes : petit détail : les biens nationaux ont été accaparés par la les bourgeoisies d'Empire et le règne stérile de Charles X ne change pas grand chose à la donne, à l'exception peut être du majorat, qui souhaitait redonner du lustre à une noblesse d'Ancien Régime en voie de reconversion dans ses stratégies d'alliance matrimoniale : un bien indivis d'un seul tenant d'une certaine taille pouvait redonner droit à haute noblesse, mais l'application de cette disposition législative (paradoxe !) resta très marginale.
    Pardonnez ma prolixité, mais j'adore le sujet.
    Dernier petit détail : je vous recommande la lecture d'un ouvrage de Balzac assez méconnu, le cabinet des Antiques : c'est l'histoire d'un jeune homme d'une antique noblesse de province qui, sous la Restauration, s'éprend d'une jeune noble parisienne galante et fort dispendieuse. Perdu dans ses rêves d'Ancien Régime, le jeune homme se grise et accablé de dettes, il rejoint le vieux château paternel.

    Amicalement,
    Pierre Jourdan.

  • Bonjour Jourdan

    En fait, je pense que plusieurs interprétations se superposent. Je me suis intéressé aux aspects psychologiques, mais d'un point de vue historique, je "plussoie" tout à fait votre commentaire.
    On m'a parlé du Cabinet des Antiques. Il faut que je termine les Paysans d'abord (j'en suis encore au début, un peu perdu dans les filiations entre Tonsard, Vertmichel et Fauchon...)

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