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Ça vaut combien, un paysan ?

Le monde rural est en ébullition. Les paysans ne parviennent plus à vivre de leur production. Hasard ou coïncidence, je lis actuellement les Paysans d'Honoré de Balzac. Et j'ai repensé au discours que tient Fourchon au Comte et à la Comtesse de Montcornet au chapitre V, les ennemis en présence :

Les bourgeois volent au coin du feu, c'est plus profitant que de ramasser ce qui traîne au coin des bois. Il n'y a ni gardes-champêtres, ni garde à cheval pour m'sieur Gaubertin qu'est entré ici, nu comme eun var , et qu'a deux millions ! C'est bientôt dit : voleurs ! V'là quinze ans que le père Guerbet, el parcepteur de Soulanges s'en va e'd 'nos villages à la nuit avec sa recette, et qu'on ne lui a pas core demandé pas deux liards. Ce n'est pas le fait d'un pays e'd 'voleurs ? Le vol ne nous enrichit guère. Montrez-moi donc qui de nous ou de vous aut'bourgeois ont d'quoi viv 'à ne rien faire ? [...] eh ! bien, qué différence y a-t-il donc entre moi et ce brave, s't 'honnête père Niseron, un vigneron de soixante-dix ans, car il a mon âge, qui pendant soixante ans, a pioché la terre, qui s'est levé tous les matins avant le jour pour aller au labour, qui s'est fait un corps ed 'fer et eune belle âme ! Je le vois tout aussi pauvre que moi.

Plus de 150 après, on en est toujours là ; j'exagère à peine : les paysans continuent à piocher la terre et gagnent toujours aussi peu...A témoin le discours que François Bayrou tenait le 17 mai dernier. 6 mois après, rien n'a changé et la colère explose...

Les paysans, j'en parle, puisque personne n'en parle pour les raisons que vous savez. Les paysans se sentent aujourd'hui en situation d'abandon absolu, parce qu'ils ont naturellement des tracteurs et des champs qui représentent un capital, mais ce que l'on ne voit pas, c'est le revenu à la fin du mois.

Il y a des centaines de milliers de paysans français qui vivent avec entre 700 et 800 € de revenu par mois et personne n'entend leur cri silencieux de détresse, notamment eu égard aux orientations qui sont en voie d'être prises et auxquelles je vous demande de réfléchir. Car ce sont à la fois des décisions européennes et des décisions de gouvernement.[...]...en défendant les exploitations familiales, nous ne défendons pas des intérêts, nous défendons l'intérêt général d'avoir une tradition agricole, un entretien des paysages, une culture de la transmission, des valeurs paysannes en France. Et nous considérons que c'est aussi important que de faire baisser le prix du lait de 4 ou 5 centimes.

Nous acceptons de payer des produits à leur prix, à condition que nous sauvions la société à laquelle nous tenons.

Commentaires

  • La question posée (volontairement sans doute) provoquante est raccoleuse et donne envie de lire le "billet". Hélas, et pardon d'être un peu critique, la réponse me semble plutôt "à côté de la plaque".

    Jouons la "courte" : la rémunération des agriculteurs est déterminée pour l'essentiel, d'une part par les réglementations européennes (quotas, subventions, etc.), d'autres part par le marché, c'est à dire par l'offre et la demande, dans un contexte intenationnalisé hautement compétitif.

    Entre le producteur et les consommateurs, viennent se loger les intermédiaires (grossistes, transformateurs, distributeurs) qui se goinfrent de marges excessives en nous faisant payer les produits bcp trop cher et en les achetant au plus bas coût possible aux agriculteurs.

    La question n'est donc pas de savoir si nous acceptons de payer plus cher "pour sauver la société à laquelle nous tenons", mais comment pouvons-nous faire pour contrôler, en restant dans une logique de libre échange, les marges intermédiaires en augmentant les prix d'achats à la production et en réduisant si possible les prix pour le consommateur final, tout en préservant, voire en améliorant la qualité des produits.

    La résolution de cette quadrature du cercle, dans laquelle différents secteurs d'activité doivent être pris considération, est bien trop complexe pour y apporter une réponse en qq lignes sur un blog. Corinne Lepage, entre autres, a écrit des choses très intéressantes sur ce sujet. ça doit pouvoir se retrouver sur ses différents sites.

    Une constante aux diverses solutions possibles est qu'il faut aussi raisonner en terme de "durabilité" et cesser de faire faire des milliers de kilomètres en bateau, en avion, en camion, à ce que nous mangeons contre tout bon sens.

    P.S. : je crois qu'il va falloir changer le lien vers le blog de Christophe Ginisty de catégorie ;)

  • Il y a le discours et il y a la réalité de chacun.
    Tous les paysans ne sont pas logés à la même enseigne.
    Y aurait-il des priviligiés de fait ? Ont-ils les faveurs des règlementations et subventions européennes? Avec la bénédiction de leurs organisations syndicales et professionnelles?
    François Bayrou a raison. Il se fait le porte-parole des sans-voix, mais c'est tout un système qui est à changer, à faire évoluer dans un premier temps : le productivisme c'est terminé! Le pétrole vert de la France, c'est du passé.
    Les connaisseurs verront peut-être le lien. La questions des subventions, de leur attribution et des bénéficiaires existe de la même manière, aujourd'hui, dans le domaine des energies "vertes"

  • @ Christophe Rabiet
    Il y a en effet le problème des marges des intermédiaires mais pas seulement : songez, par exemple, à l'expérience de paysan.org : cela a raté parce que cette coopérative innovante avait mal calculé les coûts de stockage, de transport et d'invendus. Et au final, les prix n'étaient pas inférieurs à ceux des super-marchés mais au contraire supérieurs.
    Je crois que Bayrou a raison de parler du prix que nous pouvons ou non consentir à payer. Nos paysans ne peuvent pas s'aligner sur le dumping social pratiqué ailleurs ou plus simplement sur le niveau de vie des pays émergents.
    Pour Ginisty, je vais le passer du côté des apostats :-)
    @ anamo
    sans doute, mais le monde rural n'en est pas moins en voie de disparition.

  • Je me demande comment cela est possible avec une PAC qui débourse 50 milliards d'euros pour l'agriculture européenne chaque année. Une explication: Nous vivons une crise économique sans précédant qui a fait chuter les prix. Mais ils remontent et la tendance à long terme est à la hausse. Donc attention aux subventions tous azimuts.

    Il faut créer les conditions d'une agriculture durable, mais il faut voir aussi que les agriculteurs se plaignent immédiatement quand ça va mal et son bien silencieux quand ça va bien. Ce qui est ma foi normal.

  • Quelques infos complémentaires en vrac :

    - Les revenus des agriculteurs ont chuté de 10 à 20 % en selon le ministère. Qui accepterait une telle situation ?

    - Pour de nombreux agriculteurs, plus ils produisent, plus ils perdent d'argent.

    - Chez les agriculteurs aussi il y a beaucoup de suicides. Qui en parle ?

    Voir entre autres le dossier consacré au sujet sur le site de Libé :
    http://www.liberation.fr/societe/0101597451-agriculteurs-rassemblements-et-blocages-prevus-dans-toute-la-france

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