J'ai écouté avec beaucoup d'attention Marielle de Sarnez expliquer la nécessité d'un grand emprunt à l'échelle européenne, et elle m'a convaincu. A vrai dire, en règle générale, je suis sceptique avec la doxa keynésienne. Je fais toutefois une exception : j'ai toujours pensé qu'une relance par la demande pouvait fonctionner si elle ne ratait pas ses objectifs (le développement de nouvelles technologies, et, in fine, une Révolution industrielle !) et si elle était générale, en tout cas, au moins au niveau d'un continent.
Mais ce qui m'intéresse, dans le point de vue de Marielle de Sarnez, c'est qu'elle n'aborde pas la chose sous un angle idéologique : elle ne propose pas une relance par la demande parce que Keynes, ce serait bien, et le libéralisme, ce serait mal, mais tout simplement parce qu'elle estime que cette crise est une crise de confiance. Or, pour venir à bout de cette crise, il faut avant tout rétablir la confiance. Se lancer dans de vastes réformes, exproprier les méchants capitalistes, taxer Total and co, ce n'est pas ça la priorité, à mon sens, au contraire, tout chambouler pourrait contribuer à semer la panique. L'important, c'est de calmer le jeu, les réformes viendront après. Cela n'empêche pas d'avoir en tête une idée du projet de société que l'on veut par la suite, mais l'important, c'est de parer au plus pressé.
C'est en substance ce que pense Marielle de Sarnez, et elle fait très justement remarquer qu'un plan européen commun montrerait une véritable solidarité entre les pays d'Europe. Or, la solidarité, c'est une valeur qui prend d'autant plus de poids lorsque la défiance est généralisée. Donc, oui, parvenir à trouver un accord entre pays européens pour générer une relance par la demande commune à l'échelle européenne, avec des objectifs ciblés, que Marielle de Sarnez esquisse (énergies renouvelables, économies d'énergie, isolation thermique) cela me paraît une bonne idée, voire une très bonne idée. En ce qui concerne l'énergie, je constate une avancée positive et décisive puisque ADLE, Verts et PS ont formé une majorité sur des amendements limités afin de cibler les aides dans le sens qu'évoque Marielle de Sarnez.
Cela dit, seul un groupe politique profondément européen peut parvenir à mettre en place une politique commune digne de ce nom en dépassant les visions nationales à court-terme. A mon avis, c'est clairement l'ADLE en Europe et le MoDem en France qui ont, plus que tous les autres groupes et partis, cette identité européenne profonde, sans qu'elle fasse débat comme cela peut être le cas chez les Socialistes ou les Conservateurs.
Commentaires
Proposer benoîtement de donner à l'UE la capacité de contracter une dette, c'est in fine pousser pour une intégration encore plus forte des pays européens dans l'UE. Ce renforcement de l'Etat européen ne se traduira pas par une diminution du volume de l'Etat européen, donc a priori je suis contre cette idée.
Ensuite, relancer par la demande comme vous dites, ce n'est qu'un jeu de bonneteau qui permet aux politiciens de plutôt privilégier tel ou tel secteur.
Injecter X milliards dans une banque demande de prélever X milliards quelquepart. Ces X milliards, prelévés par l'impôt, auraient pu servir aux gens à acheter des vêtements, des livres, etc. Au lieu de cela, ils vont renforcer les fonds propres de la banque.
Comme disait Bastiat, il y a ce que l'on voit et ce que l'on ne voit pas : dans ces histoires de relance par la demande, lorsqu'on en fait le bilan, on ne compte que ce qui est positif.
Voir le blog de Jean Quatremer qui fait la part belle à cette initiative du Modem (B. Lehideux) au Parlement européen:
http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2009/03/vers-un-emprunt-europ%C3%A9en-.html
Avec toutefois une fausse note (et de taille): les députés du Modem n'ont pas pu participer au débat an Parlement sur leur projet car ils étaient convoqués à Paris pour discuter campagne électorale. C'est quoi ça??? Ca ne pouvait pas attendre jeudi? M'enn...
à Chitah: "Ce renforcement de l'Etat européen ne se traduira pas par une diminution du volume de l'Etat européen, donc a priori je suis contre cette idée." Bien curieuse position de principe pour un adepte d'un parti profondément européen (enfin j'espère bien qu'il le reste). Pour moi par je suis fédéraliste européen, donc pour des institutions et politiques européens plus efficaces, plus cohérentes et démocratiques (mais pas au sens de la démocratie directe style référendum, entendons-nous bien, mais au bon vieux sens de la démocratie représentative où on prend la peine de s'intéresser aux institutions, aux politiques et aux candidates et d'aller voter).
Ceci dit, ici il ne s'agit pas du tout de renforcer les compétences des institutions européennes, mais d'aider certains Etats membres à mieux gérer leur dette (voir l'article de Jean Quatremer que j'ai cité qui l'explique très bien). Ceci dans le cadre des Traités et structures existantes: La Banque européenne d'investissements peut donner des crédits à l'investissement, qui sont garantis par les Etats membres. Il s'agit donc d'une initiative visant à renforcer ce système afin de redonner la confiance dans le contexte actuel, tout en faisant jouer la solidarité entre les Etats membres. C'est très bien et ça prouve qu'au PE, grâce à la proportionnelle, le Modem et le groupe auquel il appartient l'ALDE) peuvent se faire entendre.
@ Chitah
Évidemment qu'il faut privilégier un secteur plutôt qu'un autre. Ce n'est pas demain la veille que vous pourrez promouvoir des technologies nouvelles autrement.
Et en ce qui me concerne, je suis bien sûr très favorable à une intégration plus forte des États européens.
Vous êtes contre ?
@LHérétique
Dans une crise forte, avoir au moins un plan avec une volonté politique marquée parait bon.
Bien qu'étant ignorant de "cinétique" et de beaucoup de "règles", je me permet deux
remarques,
1) Pour beaucoup Il n'y a pas les "méchants Capitalistes", seulement des Capitalistes si l'on peut dire "corporatifs" qui, malgrè l'évidence des manques des méthodes employées trouvent toujours des bonnes raisons pour freiner une évolution plus marquée.
2) Je trouve que l'écologie n'est pas que une fin en soi, mais qu'elle doit aussi accompagner avantageusement des projets enthousiasmants et rentables.
Je pense que Marielle de Sarnez va dans ce sens.
@Chitah
Dans l'absolu, je ressens comme vous. Mais dans l'urgence d'une crise forte ?
Quelle tendance préconiseriez vous ?
@ Chui Kalm
Tout à fait d'accord. Mais je ne comprends pas comment tu peux penser comme Chitah, du coup...
@A l'Hérétique et Chitah
Je précise qu'effectivement (décidément lire et répondre trop vite est vraiment néfaste),
Je ne suis absolument pas d'accord avec Chitah pour son PREMIER PARAGRAPHE j'ai même un AVIS OPPOSE,
puisque que justement je suis pour plus d'état européen (et sans tarder), et que je trouve que justement l'intérêt principal des vues de Marielle est d'y inciter.
C'est pour la suite, la relance par la demande, méthode qui dans l'ABSOLU et exprimée brute n'est pas apte me convaincre, je questionne Chitah.
Un tel plan de relance n'aura de sens que lorsque les banques auront réglé définitivement le problème des produits toxiques. Actuellement bon nombre de banque ne jouent pas leur rôle c'est à dire accorder du crédit car elles ne savent pas quoi faire de leurs produits toxiques.
l'argent prêté par les états ne sert pour l'instant aux banques qu'a refaire leurs fonds propres et donner confiance aux citoyens pour qu'ils ne retirent pas leur argent.
Le plan de relance d'Obama est fondé en grande partie sur le fait que les banques refassent du crédit. Que va-t-il se passer si elles ne le font pas ?
divergences au sein du G20
http://www.lepoint.fr/actualites-economie/le-g20-lieu-de-divergences-sur-l-opportunite-de-depenser-plus/916/0/325400
@Europium
Les joueurs d'échecs disent :
"il vaut mieux un plan, même si on n'est pas sûr qu'il soit bon, que pas de plan du tout".
Qu'en penser pour l'Europe dans la crise ?
la planification logique ( ... ) n'a jamais marchée
plus sérieusement, il est nécessaire que tout plan de relance soit en adéquation avec les leviers classiques de l'économie...sinon ça ne fonctionnera pas!!!!
Un grand économiste (français par ailleurs) a identifié précisément causes, conséquences et moyens pour sortir de cette crise.
Ce qui est marrant c'est qu'il est mort en 1990 et qu'il n'a jamais abordé de manière structurée le thème des crises.
Contrairement à lui, je n'ai pas grand espoir : on craint les bulles mais, dans le cadre des "leviers classiques de l'économie" on a besoin de la bulle.
Je ne peut éviter d'imaginer Friedrich et John M., buvant du thé à Cambridge en train de se marrer grassement.
@ Claudio
A qui tu penses ?
Je cherche à comprendre cette idée d'emprunt européen : en quoi cela change-t-il les choses de devoir un euro avec notre casquette d'européens, plutôt qu'un euro avec notre casquette de Français ? Il me semble que la logique est la suivante : notre dette française nous étouffe ; avec une monnaie nationale, l'équilibre se retrouverait en dévaluant (= en prenant acte de notre appauvrissement), comme le fit Poincaré en son temps. Si l'Europe, et plus précisément la zone euro, emprunte (alors qu'elle n'a aucun actif pour gager cet emprunt), cela revient à transformer de la monnaie étrangère en euros, donc devrait conduire mécaniquement à une dévaluation de l'euro (merci aux économistes de passage de corriger si je me trompe).
@Europium,Claudio ou autre Economiste de Passage
Peyrelevade a dit le 10 février dernier
(recopié de son blog) :
"
La crise bancaire n’est pas terminée, notamment aux Etats-Unis où elle a pris naissance et probablement au Royaume-Uni.
La situation américaine est assez simple à décrire. Les pertes potentielles du secteur bancaire sont aujourd’hui estimées à 1800 milliards de dollars, soit 12% du PIB, décomposées en 1100 milliards de pertes sur prêts non remboursés et 700 milliards de dépréciation de titres (rappelons que la perte du Crédit Lyonnais a représenté moins de 1% du PIB français. Les autorités américaines ont donc une douzaine d’équivalents du Crédit Lyonnais simultanément sur les bras).
Le montant total en fonds propres du secteur bancaire américain est du même ordre de grandeur que les pertes annoncées. Il est donc potentiellement insolvable, ce dont on va s’apercevoir progressivement dans les semaines et mois qui viennent.
Barack Obama a donc le choix entre deux solutions et il sera très intéressant de savoir laquelle il choisira :
1. soit la nationalisation de l’ensemble des banques concernées. C’est la solution la meilleure pour le contribuable puisque les actionnaires sont expropriés pour une valeur nulle (qui reflète ce que vaut réellement chaque établissement) mais la plus éloignée de la tradition américaine.
2. soit la constitution d’une gigantesque « bad bank » où les actifs compromis sont rachetés par l’Etat puis gérés par lui à ses risques et périls. Cette solution est malaisée pour deux raisons :
a. comment fixer le prix de rachat de la myriade d’actifs compromis ? S’il est trop bas, on n’aide pas les banques à sortir de leurs difficultés
b. et s’il est élevé (artificiellement), on fait un gigantesque cadeau aux actionnaires privés.
Bonne chance, Barack ! Sa décision à venir est probablement un préalable au redémarrage de l’économie américaine, donc de l’économie mondiale, donc de l’économie française. Prions pour qu’il aille vite, c’est plus décisif que nos plans de relance.
"
Modestement,
C'est la 2ème solution qui a été choisie ?
Les Etats-Unis d'Europe euh... pardon
L'Union Européenne a-t-elle des problèmes comparables ?
Ne peut-elle agir en s'inspirant du moins en partie de la méthode Américaine ?
Sinon comment agir en en profitant éventuellement pour "mettre plus d'état" dans l'Europe ?
@ Fred
On est sur un problème de confiance. Un emprunt solidaire aura une propension plus forte à générer de la confiance qu'une somme d'emprunts individuels.
@ Chui Kalm
Hélas, oui, je crains la même chose que Peyrelevade, notamment avec les Credit Defauklt Swaps. Ces saloperies sont systématiquement hors-bilan et il paraît qu'elles représentent des montants monumentaux...
@L'Hérétique
ah..., là dur à appréhender si on n'est pas spécialiste, mais intuitivement quand même les Américains (USA) quand ils sont au pied du mur, normalement ils savent s'y mettre (plus unis).