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Euthanasie : liberté ou suicide ?

J'arrive un peu après la bataille à propos du débat sur l'euthanasie, mais j'avoue que c'est un thème qui me travaille.

Je m'étais déjà prononcé en faveur d'une euthansaie contrôlée ; aujourd'hui, je m'interroge sur le lien, sans doute ténu, qui associe l'euthanasie active et la liberté. Plus exactement, je me pose la question suivante : se donner la mort est-il une expression de nos droits naturels ?

En posant cette question, je marche sur un champ de mines : le fil est très ténu entre le suicide et l'euthanasie. J'ai toujours considéré, au cours de mon existence, que le suicide coïncidait avec l'anéantissement de tout espoir. Or, quand je m'interroge moi-même, et que je pèse la balance de mes maux à venir, puisqu'ils sont sans doute inévitables, je tends à penser que la somme des contrariétés et des souffrances, quand elle devient trop importante, l'emporte sur le désir de vivre. 

Le désir de vivre n'est pas seulement l'émanation de notre instinct de survie mais aussi l'espoir de jours meilleurs : c'est cela surtout qui nous rattache à l'existence me semble-t-il.

Notre tolérance aux afflictions de toute sorte est très variable d'un individu à l'autre. L'émotivité de chaque individu, j'imagine, accentue dans un sens ou dans l'autre nos espoirs.

Je ne sais si nous avons peur de la mort ou peur de ne plus vivre. Quand j'envisage pour mes vieux jours l'euthanasie plutôt que la décrépitude sans fin, j'ai le sentiment qu'elle ne sera pas possible tant que l'existence me sera tolérable. Et, tant que j'ai envie de vivre, j'ai peur de la mort. En fait, je pense bien que j'ai peur de ne plus vivre.

J'envie ceux qui sont portés par leur foi : j'ai eu une grande-tante et une grand-mère très croyantes, impliquées dans la charité et la solidarité. Ce sont elles qui m'ont vraiment instruit en religion. Quand j'étais petit, je croyais qu'elles étaient des saintes, et une fois, je me souviens d'avoir posé très sérieusement la question à l'une d'entre elles.

J'envie également ceux qui sont capables de faire du suc de l'existence une force intérieure profonde. Quand je songe à la mort, à ma mort, parfois, j'ai constamment présents à l'esprit les derniers mots qu'Épicure adressa à ses amis en mourant. La lettre à Idoménée, rapportée par Cicéron, en fait état : parce qu'il était entouré de ses amis et proches, en dépit de ses souffrances, il affirmait partir dans la joie en se souvenant de tous les bons moments qu'il avait passé avec eux.

Partir dans la joie. Moi, je me représente la mort comme une affreuse agonie. Je n'imagine pas d'autres remèdes qu'une euthanasie douce et rapide pour s'en débarasser au plus vite.

Et comme je n'ai pas la foi, je ne m'imagine pas de vie meilleure ailleurs. Pour moi, mon corps ne redeviendra que poussière et rien d'autre.

Je n'imagine pas de mort volontaire sans submersion sous l'angoisse (j'exclus de ce champ, toutefois, le sacrifice). L'angoisse me paraît l'un des pires maux humains dans le domaine de l'esprit.

Toutefois, si un jour je voulais en finir avec l'angoisse, j'estimerais profondément attentatoire à ma liberté et à mes droits que l'on m'en empêche.

Je reconnais toutefois qu'une telle affirmation est gênante car elle légitime de fait le suicide. Je pense néanmoins que le suicide n'est pas une issue normale pour de jeunes gens ou des hommes et des femmes dans la force de l'âge et en bonne santé. Cette observation seule me semble suffisante pour tracer la nécessaire frontière entre l'euthanasie et le suicide.

Commentaires

  • Mhmm...

    A mon avis, tout vient de cette phrase : "je fais ce que je veux" (ici, avec ma vie). De là, il faut définir deux types de suicides : le rationnel et l'irrationnel.

    Le suicide "à la japonaise" (je tombe exprès dans Clichéland), ie celui de la honte, de la peur de l'échec ou encore du désespoir, est à mon avis la chose la plus irrationnelle possible dans une vie (puisqu'elle en sonne le glas). C'est un aveu de faiblesse et un déni de la vie elle même alors qu'il n'y a, scientifiquement parlant, aucune raison de ne pas espérer.
    Plus simplement, si on partait tous du même principes, peu vivraient encore...

    Ensuite, il y a ce qu'on peut appeler le suicide rationnel. Pas celui du "All Hope Is Lost" (les deus ex machina existent aussi dans la vraie vie), plutôt celui scientifique du coma irréversible, de ce qui empêche(ra) tout simplement de vivre (les sentiments et le bonheur n'entrent pas en jeu, juste le fait de vivre). L'arrêt d'une souffrance insupportable peut en faire partie ou encore comme tu en parles si bien du sacrifice.

    Ces deux formes de suicide sont protégées par le "je fais ce que je veux de ma vie". L'un est idiot, irréfléchi, puéril et profondément irresponsable ; l'autre est logique (cet adjectif se suffit à lui-même).

    A mon avis, si la société intervient, c'est dans cet avis de rester logique : la société a besoin de vous, le suicide ne mène à rien. De là, je suis pas contre que le gouvernement ou je ne sais quelle autorité empêche quelqu'un de mettre fin à ses jours pour des raisons futiles ; puisque, objectivement, sa mort est une perte. Joie ou pas joie, honnêtement, je doute que la question sois là.

  • Entièrement d'accord sur le fait que le suicide soit absurde chez les plus jeunes ou les personnes dans la force de l'âge.

    Ce sur quoi je m'interroge, c'est d'abord sur l'opportunité d'une interdiction. Si un jeune est désespéré au point de vouloir en finir, il finira par y arriver, même si on l'en empêche une fois, deux fois, trois fois.. De la même manière que les lois contre les armes n'ont jamais empêché les criminels de s'en procurer.

    C'est ensuite sur son honnêteté intellectuelle. Au nom de quoi un État qui autorise le tabac et les alcools forts (le premier est une drogue, les seconds des poisons) aurait -il une quelconque légitimité pour interdire le suicide? Surtout si ce même État mène une politique "suicidaire" (excusez le mauvais jeu de mots) sur le plan économique et condamne sa jeunesse à un avenir sans espoir.

    Elphyr, si la société a besoin de quelqu'un, qu'elle le lui fasse savoir! Si on en fournissait des preuves à tous ceux tentés de mettre fin à leurs jours, le nombre de tentatives diminuerait drastiquement.

  • Je ne sais pas si vous connaissez l'auteur Terry Pratchett, célèbre pour le Disque-Monde (héroic-fantasy burlesque). Il est atteint d'une maladie dégénérative et a récemment pris part au débat, a travers un documentaire troublant, notamment :

    http://en.wikipedia.org/wiki/Terry_Pratchett:_Choosing_to_Die

  • Le suicide comme acte libre ? Voire. Emile Durkheim, il y a un siècle, a déjà mis à mal cette idée...

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Suicide

  • Pour ce qui nous concerne, nous avons fait le choix d'une aide active à mourir. A la lecture de notre blog: http://www.over-blog.com/profil/blogueur-3568581.html
    vous comprendrez pourquoi.

  • Faut-il aider un tétraplégique à se suicider ?

  • @Erasmus
    A mon sens, s'il le demande, oui.

  • http://www.youtube.com/watch?v=mN9Dipgqdtw
    Dslée :ppp

  • Je pense que tu intellectualises trop, et que de ce fait tu nies la notion même de liberté individuelle. Ce qui est pourtant étrange pour un libéral... J'avais déjà noté ça lorsque tu parlais de la fumette.

    Disposer de notre vie tel que nous l'entendons est un droit inaliénable. Le suicide en fait partie. Le devoir d'une société est de protéger des jeunes ou des personnes en difficulté contre un irréparable qui peut résulter d'une pulsion momentanée... Mais au-delà, comme l'a signalé un des intervenants sur ce billet, si une personne veut à tout prix mourir, on ne peut pas l'en empêcher. Et fort heureusement d'ailleurs!

    On ne peut pas condamner quelqu'un à vivre, ce serait absurde!!!

    Il en est de même avec l'euthanasie, qui effectivement n'est rien d'autre qu'un suicide assisté... Le principal, c'est de trouver un cadre dans lequel on est sûr des motivations profondes de celui ou celle qui le veut.

  • @Elphyr
    On n'a pas toujours la possibilité de se suicider soi-même. Le faire dans une solitude affreuse est quelque chose d'épouvantable, au demeurant.
    @Gaël
    Je connais Pratchett mais j'ignorais son histoire.
    @JF
    Je n'ai justement pas le sentiment d'intellectualiser : au contraire, j'exprime un ressenti profond.
    Je suis bien d'accord avec ta conclusion.
    @Paul Pierra
    Votre histoire est terrible. Les conditions dans lesquelles votre enfant a fini son existence sont épouvantables. Je ne comprends pas qui a interdit de lui administrer massivement de la morphine afin d'apaiser ses souffrances.
    Ma grande-tante a évité une longue et pénible agonie parce que les médecins qui étaient aux côtés de ma famille ont choisi de soulager sa douleur quels que soient les risques. C'est ce qui devrait faire jurisprudence. Je comprends que vous soyez hantés.
    La loi Léonetti évoque pourtant les soins palliatifs : ils ne devraient pas cesser sous le prétexte de ne pas s'acharner.

  • @JF,
    Me souviens fort bien de mon beau-père qui se laissait partir, ou voulait partir, mais qui lors du décès de son fils a eu un sursaut, me souviens de ses paroles:" ma chérie, tu vas avoir besoin de moi et tes enfants aussi; je vais me battre" et qui a fait promettre à d'autres proches de rester présents à nos cotés s'il ne gagnait pas son combat.
    Il se fixait des objectifs au jour le jour qui peuvent très anodins pour certains, comme se déplacer pour amener nos zoulous d'amour déjeuner au restaurant...Il a été si heureux de pouvoir le faire une dernière fois.

  • @Martine
    Oui, mais parfois, il n'y a plus d'énergie pour rien.

  • @l'héré,
    Vous poussez le bouchon un peu trop loin.
    J'ai cliqué sur le lien quand à vos billets passés, dans lesquels j'évoquais l'accompagnement auprès une amie, il s'avère que j'ai appris la maladie de mon beau-père le jour des obsèques de son époux...Un peu de dé&licatesse ne nuierait pas...Il m'en a beaucoup couté pour trouver la force de réagir sur ce billet.

  • @ Martine et l'Hérétique

    L'euthanasie est bien évidemment un sujet extrêmement délicat. C'est pour ça que j'ai écrit précédemment qu'il faut qu'une personne soit vraiment sûre de vouloir partir avant de procéder à l'irréparable. Cette certitude ne peut être acquise qu'avec le temps... C'est à dire qu'il faut juger dans la durée la volonté du malade à nous quitter. Et que bien évidemment si ce malade, au dernier moment, veut faire marche arrière, il faut faire marche arrière... On n'est quand même pas au Texas lors d'exécutions capitales!

    Mais qu'on le veuille ou non, les euthanasies se pratiquent. Hier, aujourd'hui et demain. Et c'est tant mieux de mon point de vue. Ce qui manque, c'est un cadre légal. Il n'y a plus qu'à...

  • @JF,
    Du meme acabit pour moi que le Texas...
    Nous n'avons pas aboli la peine capitale pour l'autoriser sous une autre forme aussi "séduisante" puisse-t-elle paraitre.

  • Comme c'est dit plus haut, si quelqu'un veut se suicider, euthanasie ou pas, il y arrivera. Il faut juste que sa volonté de non-vie dépasse sa volonté de vivre.
    Alors si on peut les aider à mourir dignement et éviter d'autres morts (sauter d'un pont peut causer de graves accidents de la route), c'est notre devoir de le faire. Si on peut éviter qu'ils se suicident, c'est aussi notre devoir (toujours objectivement parlant, un mort si ce n'est un martyr ne sert à rien).

  • @Elphyr
    Oui, je suis d'accord, mais ce qui est difficile à propos de la fin de vie c'est de juger à partir de quel moment l'existence devient insupportable ou non : une telle appréciation varie en fonction des individus. Une loi ne devrait se fonder donc que sur leur seule volonté pour exécuter un acte d'euthanasie.

  • Petite contribution en passant : il me semble qu'en matière de législation, la question n'est pas ce que l'on VEUT faire mais ce que l'on PEUT faire. C'est-à-dire que la loi ne peut pas autoriser quelque chose en s'en remettant à la "bonne volonté" des individus.

    Dès lors, toute éventuelle législation sur l'euthanasie doit prendre en compte les risques de dérives (j'entends par là les risques de voir des gens euthanasiés malgré eux par des proches pour des motifs aisés à imaginer). Et comme en la matière c'est d'abord la prévention du risque qui importe, on peut tout à fait imaginer que cette considération puisse empêcher toute législation sur le sujet.

  • La différence selon moi entre le suicide assisté et l'euthanasie, c'est que dans le second cas, la décision n'émane pas de l'intérréssé.

    Je me souviens ( car ça m'a choqué) d'une dame à l'hôpital qui expliquait à une femme en tenue colorée ( mais je me souviens plus si c'était une tenue rose ou bleue, ou autre) qu'il faudrait en finir avec (sa mère ? Sa grand mère ? autre ? je ne l'ai jamais su) car elle ( elle = celle qui parlait !!!) souffrait trop de la voir comme ça !

    Et ça ! je suis contre !!

    Autant je suis pour la mise en place d'un système de suicide médicalement assisté ( au législateur de fixer le cadre)

    Autant je suis pour que le juge puisse avoir assez de latitude pour son verdict pour les procés d'euthanasie dite active.

    Autant je suis convaincu que la bonne solution soit "euthanasie interdite" avec comme dit plus haut, une large part de latitude pour le juge afin de n'avoir pas à systématiquement condamner les gens "coupables".

  • Dignité ? Parlons-en, justement ! Car l´homme n´est pas qu´un animal supérieur. Nous avons une conscience. Nous savons qu´un jour nous mourrons. Il est normal de laisser faire la nature, aidée par l´art médical pour soulager la souffrance. Mais pourquoi faire un suicide assisté ? Si un malade veut en finir, il est capable de le faire tout seul, sans une loi en prime, et les proches sont capables aussi de préparer le cocktail. Pourquoi exiger cela de ceux dont la profession est de soigner, de soulager la souffrance, d´accompagner la vie jusqu´au bout ?
    Ou alors, on pourrait instituer des « maisons de la mort » avec un personnel juste qualifié pour cela. Après tout, on a supprimé la peine de mort, on n´a plus de bourreaux, mais ça peut se réinventer pour nos vieux. Au moins on est cohérent : qui veut vivre, va a l´hosto, qui veut mourir, va a la maison de la mort, les vaches, pardon, les « fins de vie », seront bien gardés.
    Mais, au fait, j´y pense : pourquoi ne pas imiter la nature ? La Nature avec un grand N. Dont on parle tant et tant ? Pourquoi ne pas être « vert » jusqu´au bout ?
    Dans la nature les feuilles tombent le moment voulu, les animaux meurent en paix le moment venu. Il n´y a que l´homme qui va se laisser voler sa mort ?

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