Je l'ai commenté ici, Bertrand Delanoë, avec l'aval du tout Paris politique, à l'exception des Verts, du MoDem et de deux élus du Parti de Gauche, a avalisé la construction de monstres d'acier et de verre aux portes de Paris. Yves Contassot, l'un des chefs de file parisiens des Verts s'est exprimé sur son blogue à ce sujet. Par delà la voracité énergétique de ces monstres d'un nouveau genre, leur impact sur leur environnement, leur absence de toute visée sociale, Contassot est surtout heurté par la concession qui est faite à une société privée. C'est un discours assez classique chez les écologistes.
C'est surtout l'argumentation de l'élu démocrate Jean-François Martins qui a retenu mon attention, car je trouve qu'il pointe une problématique urbaine majeure.
Je me suis rendu à plusieurs reprises sur un forum consacré à l'architecture moderne et aux grands projets à l'oeuvre dans les plus grandes villes du monde. On y lit à tous les coups la même exaspération envers tous ceux qui s'opposent à la "création architecturale artistique". On les y voit en permanence ramené au conservatisme, à l'étroitesse d'esprit. On y salue corollairement l'esprit des "bâtisseurs" et autres "visionnaires".
Il n'est donc pas étonnant d'y trouver de fervents partisans d'un Delanoë et consorts. Il y a dans ces débats toujours l'idée sous-tendue que les "bâtisseurs" incarnent l'avenir et leurs opposants, au contraire, la réaction. Une nouvelle querelle des Anciens et des Modernes, en somme.
En architecture, le nec plus ultra, c'est de bâtir toujours plus haut, toujours plus audacieux, toujours plus grand. S'il le pouvait, Delanoë qui n'a de cesse que de relever le plafond de construction des immeubles à Paris, imiterait la mode venue d'Asie et d'Abou Dhabi, pour la plus grande gloire de l'échevin local qu'il est. Il se rêve en nouvel Haussmann, rasant l'existant pour construire le Paris que la génération suivante admirera.
Or, c'est une logique que Jean-François Martins retourne avec une très grande pertinence, en observant que la volonté de bâtir toujours plus haut et plus grand, cela remonte à Babel. Le goût du gigantisme froid et métallique est aussi celui des derniers totalitarismes de la planète : les tours immenses écrasent leurs habitants, les ramenant, comme en Corée du Nord, à des dimensions liliputiennes dignes des atomes humains qu'observe un Micromégas.
Or, le futur, la modernité, ce n'est pas nécessairement cet écrasement qui travaille (ravage ?) nos villes modernes. Ce n'est pas non plus le critère qui devrait dominer de sa masse toute la pensée esthétique dans l'urbanisme.
Jean-François Martins, qui est aussi un élu du 14ème arrondissement qu'il connaît bien, rappelle à cet égard le désatreux exemple de la Tour Montparnasse. Penser que c'est un monstre qui doit faire l'identité d'un quartier est une erreur grossière, en somme, bien loin de ramener le quartier à une dimension humaniste, ou, au contraire, c'est le petit, l'infiniment petit, même, qui fait la richesse de ces villages dans la ville que sont les quartiers.
Bertrand Delanoë rêve de l'Olympe, il se voit, dieu parmi les dieux planant au milieu des hauteurs. Très logiquement, toute sa pensée est construite autour de la verticalité, de la même manière, au demeurant, que ses décisions sont elles aussi verticales.
Jean-François Martins, observe enfin, que la verticalité génère des ruptures dans la ville ; or, aux portes de Paris, elles marqueraient fatalement une séparation avec la proche banlieue, à l'heure où l'on évoque de plus en plus Paris et sa banlieue comme une grande métropole.
Ce que conclut l'élu du MoDem, c'est que la rupture architecturale n'est pas nécessairement synonyme de verticalité, choisissant en exemple des bâtiments, pour le compte, tout en rondeurs.
Je dois être honnête : quand j'ai vu le projet des tours triangle pour la première fois, j'ai été séduit par leurs caractéristiques esthétiques. Sur le fond, je pense même que ce ne serait pas laid en soi dans l'espace parisien. Ce ne serait pas laid, certes, mais pas humain non plus.
Les tours triangles me font parfois songer aux grandes pyramides des pharaons, traces, peut-être que Bertrand Delanoë souhaite laisser à l'humanité : mais pour combien d'esclaves et de miséreux, contraints d'entasser par le passé, pierre sur pierre pour ériger un édifice à la gloire des rois des rois ?
Commentaires
Le problème principal est que c'est vendu comme un moyen de densification.
Dans le cadre actuel du code de l'urbanisme, c'est une escroquerie.
Cela augmenterait à la marge la densification (d'environ 15%), mais cela poserait d'énormes contraintes, en termes d'énergie par exemple, notamment en raison des normes de sécurité.
Il faudrait assumer une diminution des normes pour les ascenseurs, par exemple.
Cela serait savoureux alors que c'est le mouvement inverse que l'on constate. Les syndics de copropriété qui ont dépensé des sommes folles pour se ré-équiper en matériel performant et satisfaisant les nouvelles normes apprécieront.
Euh...La mode est venue de Dubai plutot non?
Ceci dit, bien avant: en Arabie Saoudite.Et encore auparavant Hong Kong etc.
Dubai est particulière, il est vrai qu' elle a construit sur des remblais pour gagner des kilometres de plages, misant sur le tourisme pour l'après pétrole.
Bah, Paris construit bien des plages sur les quais... :DDD Oups, dslée.
En accord avec le reste, vais visiter les liens.
@martine
zut, c'est Dubaï, vous avez raison, il faut que je corrige.
arguer du côté soviétique ou pétro-dollars des tours c'est un peu facile: le gigantisme vient aussi (et surtout?) des États-Unis, historiquement, et les gratte-ciels sont le symbole des réussites économiques de New York, de la City of London, etc.