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tour triangle

  • Tour Triangle, mi-figue, mi-raisin

    Les élus UDI du Conseil de Paris ont été un peu vite en besogne en affirmant que le centre soutiendrait la construction de la Tour Triangle chère à Anne Hidalgo. Pour commencer, ils oublient qu'ils ne sont pas les seuls centristes élus et qu'à ma connaissance, le MoDem parisien s'est résolument prononcé contre par la voix de Yann Werhling.

    Même si je me suis opposé assez souvent à ce projet, en réalité, j'oscille beaucoup. Je ne parviens pas à trouver le projet architectural laid. C'est le reste, en fait, qui me laisse dubitatif. C'est la méthode socialiste, qui m'irrite. Unibail annonce une performance énergétique pour sa tour que je soupçonne d'être énergétivore au possible avec toute la climatisation dont elle aura besoin. J'admettrai d'être convaincu par une expertise impartiale, mais pas celle d'Unibail, évidemment, et pas davantage celle de la Mairie de Paris dont les méthodes ne m'inspirent pas confiance.

    Cela dit, créer un quartier d'affaires dans la zone avec un édifice au design inhabituel, ce n'est pas forcément idiot. Il y a le Parc des Expositions juste en-dessous, l'hyper-connectée Issy-les-Moulineaux juste en face, il y a donc un potentiel. 

    Les arguments mensongers, en revanche, c'est d'affirmer que les habitants du 15ème vont en profiter. Je n'en crois rien. Les moyens de communication vont être saturés et la tour triangle ne résoudra en rien les problèmes de coût du loyer dans l'arrondissement. Cela m'étonnerait, par exemple, que les familles du quartier aient une priorité sur la crèche. En réalité, elle sera à l'usage des individus aisés qui travailleront sur place. 

    Le centre de santé, ça, en revanche, c'est une bonne idée. Reste à voir quels prix y seront pratiqués, mais  en effet, dans un contexte de désertification médicale de la capitale, on ne peut qu'approuver sa présence.

    Le projet est séduisant, mais 75% de bureaux, c'est beaucoup. Il y a déjà 15% de bureaux vides dans la capitale. Cette proportion aurait un sens si elle était adossée à un projet de conversion des bureaux de centre-ville en logements. Je n'ai rien vu passer de tel pour l'instant à l'Hôtel de Ville.

    Avec tout ça, je ne me suis pas fait une religion.

    Pour être honnête, si le projet voit le jour, j'envie ceux qui auront les moyens de se payer la suite de l'hôtel qui figure à la page 8 du projet. 

     Au fond, je tends à penser que le principe est bon. Je n'aime pas trop les méthodes utilisées pour le faire passer en force, mais avec de sérieux ajustements, je pense que je tendrais à voter ce projet si j'étais un élu du Conseil de Paris. Dans les ajustements, il y a trois points qui m'ennuient :

    - il est une très bonne chose que ce projet soit financé sur des fonds privés, mais une très mauvaise que le constructeur ne règle pas de taxes foncières pendant 80 ans. A qui incombera par la suite l'entretien de la tour ? Ce n'est pas très clair mais il est certain qu'avec le vieillissement des matériaux, ce sera cher.

    - c'est très triste d'avoir fait disparaître la pépinière d'entreprises. Cela a certainement plus de sens que de se contenter de construire des bureaux.

    - il y a beaucoup de bureaux vides à Paris. Si on leur faisait un sort pour les transformer tous en logements, je ne serais pas contre l'édification d'autres tours triangles aux différentes portes de Paris. Mais tout cela suppose un projet de fond pensé et une détermination solide. 

    A la Mairie de Paris de présenter un projet convainquant sans passer par des artifices peu honorables (le vote à bulletins secrets pour espérer une trahison dans les rangs de l'opposition, par exemple).

  • Tours triangles, querelle des Anciens et des Modernes ? Vraiment ?

    Je l'ai commenté ici, Bertrand Delanoë, avec l'aval du tout Paris politique, à l'exception des Verts, du MoDem et de deux élus du Parti de Gauche, a avalisé la construction de monstres d'acier et de verre aux portes de Paris. Yves Contassot, l'un des chefs de file parisiens des Verts s'est exprimé sur son blogue à ce sujet. Par delà la voracité énergétique de ces monstres d'un nouveau genre, leur impact sur leur environnement, leur absence de toute visée sociale, Contassot est surtout heurté par la concession qui est faite à une société privée. C'est un discours assez classique chez les écologistes.

    C'est surtout l'argumentation de l'élu démocrate Jean-François Martins qui a retenu mon attention, car je trouve qu'il pointe une problématique urbaine majeure.

    Je me suis rendu à plusieurs reprises sur un forum consacré à l'architecture moderne et aux grands projets à l'oeuvre dans les plus grandes villes du monde. On y lit à tous les coups la même exaspération envers tous ceux qui s'opposent à la "création architecturale artistique". On les y voit en permanence ramené au conservatisme, à l'étroitesse d'esprit. On y salue corollairement l'esprit des "bâtisseurs" et autres "visionnaires".

    Il n'est donc pas étonnant d'y trouver de fervents partisans d'un Delanoë et consorts. Il y a dans ces débats toujours l'idée sous-tendue que les "bâtisseurs" incarnent l'avenir et leurs opposants, au contraire, la réaction. Une nouvelle querelle des Anciens et des Modernes, en somme.

    En architecture, le nec plus ultra, c'est de bâtir toujours plus haut, toujours plus audacieux, toujours plus grand. S'il le pouvait, Delanoë qui n'a de cesse que de relever le plafond de construction des immeubles à Paris, imiterait la mode venue d'Asie et d'Abou Dhabi, pour la plus grande gloire de l'échevin local qu'il est. Il se rêve en nouvel Haussmann, rasant l'existant pour construire le Paris que la génération suivante admirera.

    Or, c'est une logique que Jean-François Martins retourne avec une très grande pertinence, en observant que la volonté de bâtir toujours plus haut et plus grand, cela remonte à Babel. Le goût du gigantisme froid et métallique est aussi celui des derniers totalitarismes de la planète : les tours immenses écrasent leurs habitants, les ramenant, comme en Corée du Nord, à des dimensions liliputiennes dignes des atomes humains qu'observe un Micromégas.

    Or, le futur, la modernité, ce n'est pas nécessairement cet écrasement qui travaille (ravage ?) nos villes modernes. Ce n'est pas non plus le critère  qui devrait dominer de sa masse toute la pensée esthétique dans l'urbanisme. 

    Jean-François Martins, qui est aussi un élu du 14ème arrondissement qu'il connaît bien, rappelle à cet égard le désatreux exemple de la Tour Montparnasse. Penser que c'est un monstre qui doit faire l'identité d'un quartier est une erreur grossière, en somme, bien loin de ramener le quartier à une dimension humaniste, ou, au contraire, c'est le petit, l'infiniment petit, même,  qui fait  la richesse de ces villages dans la ville que sont les quartiers.

    Bertrand Delanoë rêve de l'Olympe, il se voit, dieu parmi les dieux planant au milieu des hauteurs. Très logiquement, toute sa pensée est construite autour de la verticalité, de la même manière, au demeurant, que ses décisions sont elles aussi verticales.

    Jean-François Martins, observe enfin, que la verticalité génère des ruptures dans la ville ; or, aux portes de Paris, elles marqueraient fatalement une séparation avec la proche banlieue, à l'heure où l'on évoque de plus en plus Paris et sa banlieue comme une grande métropole.

    Ce que conclut l'élu du MoDem, c'est que la rupture architecturale n'est pas nécessairement synonyme de verticalité, choisissant en  exemple des bâtiments, pour le compte, tout en rondeurs.

    Je dois être honnête : quand j'ai vu le projet des tours triangle pour la première fois, j'ai été séduit par leurs caractéristiques esthétiques. Sur le fond, je pense même que ce ne serait pas laid en soi dans l'espace parisien. Ce ne serait pas laid, certes, mais pas humain non plus.

    Les tours triangles me font parfois songer aux grandes pyramides des pharaons, traces, peut-être que Bertrand Delanoë souhaite laisser à l'humanité : mais pour combien d'esclaves et de miséreux, contraints d'entasser par le passé, pierre sur pierre pour ériger un édifice à la gloire des rois des rois ?