Plusieurs de mes lecteurs ont vécu comme une provocation mes prises de position en faveur d'une euthanasie contrôlée mercredi dernier. Koz s'est même déplacé pour me signifier à quel point il était outré de la reductio ad absurdum à laquelle je me complaisais à ramener une part de son argumentation. En fait, je crois surtout que c'est le "réacosphérique" du titre qui l'a surtout vexé (juste un petit appeau de rien du tout, quoi...). Il n'en reste pas moins qu'un sujet aussi délicat ne souffre à mon avis pas de positions tranchées et mérite, dans tous les cas, la controverse. Do, qui lit, me semble-t-il, assez souvent mon blog, a réagi vivement, avec une argumentation qui mérite amplement le détour. Je reproduis donc son commentaire ici...
Le problème est que ça se fait ailleurs et que les dérives sont bien trop tentantes pour résister à une loi, qui de toutes façons finit très vite par dériver avec elles!
En Hollande, il y a 50% d'euthanasies qui se passent sans l'avis du médecin (et donc consentement de la personne) alors que c'est légal: ça veut dire que quand c'est légal, c'est considéré comme acquis, et même si la personne concernée n'est pas d'accord; il y a assez de gens concernés par sa mort qui, eux, sont d'accord, parce que tout simplement, c'est lourd, une personne en fin de vie, et au quotidien, su la loi ne la défend pas, ses proches ne pourront ou ne voudront pas toujours le faire.
Et je ne parle pas de toute cette frange de personne âgées, (qui a été étudiée, je ne le dis pas par imagination), qui accepte de se faire euthanasier à cause de la pression (active ou passive) de son entourage: coût de la maison de retraite, coût des soins, héritage, coût des retraites pour la collectivité, etc...
si on parle de l'avortement, ce n'est pas seulement pour parler du respect de la vie, mais aussi de la façon dont la loi et la pratique dérivent quand on ouvre des brèches sur la protection des plus faibles: au début, on nous a vendu l'avortement pour les filles de 15 ans qui s'étaient fait violer par 15 types! Alors évidemment, c'est tellement contre nature que les gens ont été d'accord! mais aujourd'hui, on a 250 000 avortements pour 750 000 naissances (environ), et des militants trouvent que ce n'est pas encore assez, et militent pour que ce soit inscrit aux droits de l'homme et qu'on fasse des campagnes de promotion!
Or une naissance, c'est normalement une joie.
Qu'en sera-t-il pour l'euthanasie?
Peut-on être assez fous pour croire que nous empêcherons l'état de faire pression sur les familles pour qu'elles favorisent ce mode de fin de vie, qui économiserait des sommes astronomiques en retraites et en soins hospitaliers?! QUe ferez cvous quand il ne remboursera plus la maison de retraite ni les soins après un certain âge ou dans certaines affections comme la démence ou les cancers: aurez vous le choix, individuellement? et le vieillard, lui, aura-t-il le choix, face à ses enfants au bord du gouffre financier?
Science fiction? eh bien non, c'est ce qui arrive aux parents d'enfants handicapés : depuis qu'on leur propose de les avorter, on a supprimé une grande partie des aides et des centres qui les hébergeaient, sans compter la recherche au sujet de leur maladie (0€ de recherche publique en France pour la trisomie 21, première cause de retard mental...) et c'est devenu extrêmement lourd pour les parents et leurs autres enfants, qui ont tout à leur charge.. c'est comme ça. On avait pas dit ça dans la loi pour l'avortement des enfants handicapés, mais la réalité c'est est celle là, c'est pas les belles phrases des philosophes de comptoir qui s'agitent sur les cas des autres avec leurs peurs à eux, mais sans jamais être allés visiter un centre de soins palliatifs, bien souvent.
Commentaires
La liberté c'est la liberté de choisir l'euthanasie pas besoin de discuter du sexe des anges!
Belle antithèse, mais je préférais la thèse et je me garderais bien d'en faire une synthèse !
Pour autant, il me semble que l'argument fondamentale qui doit sous-tendre ce débat délicat, c'est bien la liberté de chacun de pouvoir choisir de vivre ou de mourir !...je dirais même qu'il soit malade ou non n'est pas tellement la question !...sauf que lorsqu’on est gravement malade, on ne peut pas nécessairement se donner la mort soi même.
Je suis en conséquence d’avis que ce droit soit très clairement affirmé !
Certes des précautions sont à prendre car la liberté va, bien entendu, de paire avec la responsabilité, il faut donc s’assurer que le demandeur a la capacité de l’assumer cette responsabilité. Cependant, on ne peut pas faire, comme le font en réalité les détracteurs de l’euthanasie, comme si les malades étaient tous des irresponsables, que leur condition de malade par essence, les empêchait de prendre une décision de cette importance !
La difficulté, c’est lorsqu’il faut prendre la décision à la place du malade qui ne peut pas l’exprimer clairement lui-même (coma, handicap extrême…) !...dans ce cas, il faut évidemment prendre un maximum de précautions mais il ne faut pas, pour une question de principe moral ou religieux, exclure de « laisser mourir » un malade qui souffre ou qui n’a plus aucune chance de retrouver une vie digne de ce nom (je pense aux légumes que l’on garde sous perfusion des années et des années)!
Je le répète, la question est délicate et l'enjeu trop important pour que l'on risque les dérives, malgré tout et justement parce que l'enjeu est extrêmement important, n'en faisons pas une affaire de principe !
La vie à tout prix est une connerie, l’humanisme doit primer sur le religieux !
bonsoir,
Ayant connu une dame de 55 ans inscrite à une assos "le droit de choisir sa fin de vie" qui recevait livres et brochures sur les moyens de se suicider, j'ai des doutes sur ce que proposent ceux qui en parle si librement. Cette dame, fragile a terminé sa vie sous un TGV comme la méthode lui indiquait de le faire. Elle n'avait aucune maladie autre que psychiatrique mais sa famille n'arrivait pas à la faire soigner puisqu'elle ne le désirait pas. Cette association n'avait fait aucune étude sur l'état mental de cette dame et lui a proposé le pire.
> c'est bien la liberté de chacun de pouvoir choisir de vivre ou de mourir !
Pas vraiment, on parle plutôt de la liberté de vos proches de vous achever dans la « dignité », c-à-d quand vous ne pouvez pas donner votre consentement.
> sous un TGV comme la méthode lui indiquait de le faire
J'espère que c'est une blague. Ça embête tout le monde : les voyageurs de tout le réseau, la sncf, les flics qui ramassent les morceaux et l'IJ qui doivent l'identifier. Ah j'allais oublier le plus important, le conduteur qui est traumatisé à vie.
Il y a des moyens plus propres quand même.
Dany,
Tu es rentrée? Super :)
Passe te rendre visite, dès que mon dernier me rendra mon bureau.
Des bises
Il faudrait citer des sources sur la Hollande, ce n'est pas du tout ce qu'on peut entendre par ailleurs (émission l'automne dernier sur France Inter je crois)... encore une querelle de chiffres ?
L'imagination est plutôt ici du côté de l'exagération/généralisation et des phantasmes "d'élimination des vieux" : l'euthanasie discutée actuellement n'est absolument pas dans ce cadre mais concerne des cas rigoureusement définis et restreints (sans parler des conditions & procédures associées). Il n'est pas question de l'appliquer à toute personne âgée en perte d'autonomie et recevant des soins, mais uniquement à des cas extrêmes de fin de vie médicalement reconnus (quel que soit l'âge, d'ailleurs), en tant que solution *possible* (et non automatique) disponible parmi d'autres (soins palliatifs, etc). Tant que le pronostic vital n'est pas sérieusement mis en cause, l'envisager est hors de propos (on passerait alors à autre chose, le suicide assisté, mais c'est un débat distinct).
Et comme, bien entendu, le libre choix doit appartenir en premier lieu à la personne concernée et non être influencée par la douleur ou les pressions sociales ou financières, il convient d'établir des procédures rigoureuses (demande réitérée, si possible anticipée, double expertise médicale, etc). J'avais proposé un jour, une sorte de carte comme il en existe pour le don d'organes, qui comporterait diverses informations exprimant les souhaits de la personne (don d'organes, inhumation ou crémation, possibilité et modalités d'un recours à une euthanasie, etc).
On a d'ailleurs constaté que dans de nombreux cas, les personnes n'y avaient pas eu recours, le simple fait de savoir que la possibilité leur restait offerte ayant eu un effet apaisant.
Très grosses bises Dany,
Tu sais que douloureux pour moi d'intervenir ce sujet, trop cotoyé la mort l'année passée, mais auparavant aussi.
Ton passage seul m'importe.