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Euthanasie et cris d'orfraie réacosphériques

Tiens, c'est mon affreux libéral de service qui va faire une drôle de tronche en lisant mon billet : le voilà qui soupçonne ces vieux barbons de sénateurs de vouloir buter les vieux parce qu'ils s'apprêtent à légaliser l'euthanasie. Et en plus il prend à témoin la cathosphère.

Je n'ai jamais eu cette sorte d'adoration assez étrange des conservateurs et des chrétiens pour la vie en tant que telle (pas qu'eux d'ailleurs : à gauche, l'idée chrétienne que toute vie doit être préservée à fait aussi son chemin chez les laïcs). La vie, à mon sens, est d'abord ce que l'on décide d'en faire. Dans l'Antiquité, les platoniciens, les stoïciens, les épicuriens n'hésitaient pas à appeler à devancer la mort et ne la craignaient pas. 

Autant de terrifiants soupçons m'incitent à la plus grande réserve lorsque l'on évoque l'avortement, car on ne peut en aucun cas parler de choix pour une vie qui éclot autant, à l'inverse, pour une existence qui s'achève, la pensée consciente me paraît capable de fixer elle-même quel doit être son terme.

Je crois qu'il faut bien distinguer l'euthanasie du suicide consécutif à une pathologie mentale, qu'elle soit permanente ou temporaire. Koz craint qu'une loi sur l'euthanasie marque la fin du développement des soins palliatifs. Je ne le crois pas. Je crois surtout que l'euthanasie en marque la limite.

Sophisme que celui d'Hashtable et Koz qui associent peine de mort et euthanasie. L'euthanasie n'est pas une peine, c'est une délivrance. Rien à voir avec une peine judiciaire. Hashtable affirme que les lois actuelles sont suffisantes, et de citer la loi 22 avril 2005 du code de la santé publique. Dans la loi actuelle, qui juge de la pertinence ou non de soins curatifs ? Le médecin et exclusivement le médecin. Allons, mon affreux libéral favori : alors ? On n'est plus assez grand pour savoir ce que l'on peut faire ou non de son existence ? On ne parle pas d'une euthanasie de confort, en la circonstance. Le sujet est grave et sérieux. 

Toute personne capable, majeure, en phase avancée ou terminale d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, lui infligeant une souffrance physique ou psychique, qui ne peut être apaisée ou qu'elle juge insupportable peut demander à bénéficier d'une assistance médicalisée permettant par un acte délibéré une mort rapide et sans douleur.

Ouf, on demande enfin l'avis du mourant en phase terminale, puisque l'amendement en appelle au jugement de ce dernier. On a enfin le droit de dire "j'ai mal" sans qu'un bon praticien ne vienne répliquer "mais non mais non, ne faites pas l'enfant, mon ami, voyons...". Ce n'est pas un choix de bien-portants pour les mourants, mais au contraire celui des mourants à la place des bien-portants. Seul un ressuscité pourrait juger, et encore, de la pertinence ou non de cette demande. Voilà qui clôt ce point.

Koz pense qu'en légalisant l'euthanasie, note société rompt avec l'interdit de donner la mort : faux ! c'est l'individu qui fait ce choix, pas la société à sa place (comme dans la peine de mort ou l'avortement, par exemple). Il assimile l'euthanasie à un jugement de valeur sur la qualité de l'existence d'autrui. Que vient faire cette réflexion sur la dignité dans ce débat ? Il ne s'agit pas de dignité mais de souffrance, ne jouons pas avec les mots, svp.

L'euthanasie n'est pas une démission collective : elle marque les limites de notre savoir médical et le choix désespéré mais raisonné, pour autant qu'il puisse l'être, de l'individu au terme de son existence. Et ce n'est pas le fruit d'une société matérialiste et égoïste mais au contraire qui se penche sur la souffrance de l'un des siens.

La mort ne doit pas être hâtée, se récrie Koz, c'est un moment qui doit être vécu. Ah bon. Ah, c'est mieux d'agoniser le plus longtemps possible, alors ? On peut aussi s'immoler au chalumeau pour faire durer le plaisir.

Je donne en revanche complètement quitus à Koz de s'inquiéter de dérives. L'extension envisagée en mars 2008 aux enfants déments est 200% inadmissible. L'euthanasie doit impérativement finir là où s'arrête le libre choix de l'individu. Ce devrait être un préambule clair et affirmé.

A nous d'être vigilants. Il est vrai que pour ma part, je me suis toujours opposé à la peine de mort en raison des graves et lourdes dérives auxquelles elle a donné lieu quand elle a été appliquée, y compris en démocratie. Si jamais il s'avérait que l'euthanasie aboutisse par la suite à des dérives semblables (mises à mort sans consentement éclairé des individus) bien entendu, ma position sur le sujet évoluerait radicalement. De tous les arguments que donne Koz, c'est d'ailleurs le seul qui me semble véritablement recevable.

Je juge d'ailleurs très inquiétant et regrettable que ce soit un parti libéral et démocrate, l'OVLD (Parti libéral et démocrate flamand), membre de l'ADLE, qui promeuve cette extension par la voix de Bart Tommelein.

Cette proposition me paraît très grave et me paraît aux antipodes de la philosophie libérale qui place l'individu, sa responsabilité et ses choix au coeur de l'action humaine. Au minimum, elle exigerait de demander l'avis de l'enfant (l'âge de décision est évalué à 7 ans en Belgique). Mais je peine à déterminer comment le consentement d'un enfant pourrait être éclairé. Je crois toutefois comprendre que l'intention de Bart Tommelein n'était pas foncièrement mauvaise, puisqu'il s'agissait de prendre en considération la souffrance de l'enfant.

Ce qui m'a révolté, in fine, c'est la mention de la démence qui me semble 100% hors de propos dans de telles circonstances. 

Enfin, concernant l'enfance, j'ai quelque peine à associer à ce qu'elle représente l'idée de fin de vie. L'enfance, c'est la vie qui commence. On ne peut présager de son issue.

 

Commentaires

  • "On ne parle pas d'une euthanasie de confort, en la circonstance. Le sujet est grave et sérieux. "

    Non, sans blague ? L'enfer étant pavé de bonnes intentions, on prendra bien soin d'aborder la question sous cet angle, bien sûr.

    Bon. Et concrètement, combien de cas en France ? N'y a-t-il rien de plus urgent, actuellement ?

  • @h16
    Tu ne vas tout de même pas faire valoir que l'opportunité de la chose est ton seul argument ?

  • le problème est que ça se fait ailleurs et que les dérives sont bien trop tentantes pour résister à une loi, qui de toutes façons finit très vite par dériver avec elles!
    ne Hollande, il y a 50% d'euthanasies qui se passent sans l'avis du médecin (et donc consentement de la personne) alors que c'est légal: ça veut dire que quand c'est légal, c'est considéré comme acquis, et même si la personne concernée n'est pas d'accord; il y a assez de gens concernés par sa mort qui, eux, sont d'accord, parce que tout simplement, c'est lourd, une personne en fin de vie, et au quotidien, su la loi ne la défend pas, ses proches ne pourront ou ne voudront pas toujours le faire.
    Et je ne parle pas de toute cette frange de personne âgées, (qui a été étudiée, je ne le dis pas par imagination), qui accepte de se faire euthanasier à cause de la pression (active ou passive) de son entourage: coût de la maison de retraite, coût des soins, héritage, coût des retraites pour la collectivité, etc...

    si on parle de l'avortement, ce n'est pas seulement pour parler du respect de la vie, mais aussi de la façon dont la loi et la pratique dérivent quand on ouvre des brèches sur la protection des plus faibles: au début, on nous a vendu l'avortement pour les filles de 15 ans qui s'étaient fait violer par 15 types! Alors évidemment, c'est tellement contre nature que les gens ont été d'accord! mais aujourd'hui, on a 250 000 avortements pour 750 000 naissances (environ), et des militants trouvent que ce n'est pas encore assez, et militent pour que ce soit inscrit aux droits de l'homme et qu'on fasse des campagnes de promotion!
    Or une naissance, c'est normalement une joie.
    Qu'en sera-t-il pour l'euthanasie?

    Peut-on être assez fous pour croire que nous empêcherons l'état de faire pression sur les familles pour qu'elles favorisent ce mode de fin de vie, qui économiserait des sommes astronomiques en retraites et en soins hospitaliers?! QUe ferez cvous quand il ne remboursera plus la maison de retraite ni les soins après un certain âge ou dans certaines affections comme la démence ou les cancers: aurez vous le choix, individuellement? et le vieillard, lui, aura-t-il le choix, face à ses enfants au bord du gouffre financier?

    Science fiction? eh bien non, c'est ce qui arrive aux parents d'enfants handicapés : depuis qu'on leur propose de les avorter, on a supprimé une grande partie des aides et des centres qui les hébergeaient, sans compter la recherche au sujet de leur maladie (0€ de recherche publique en France pour la trisomie 21, première cause de retard mental...) et c'est devenu extrêmement lourd pour les parents et leurs autres enfants, qui ont tout à leur charge.. c'est comme ça. On avait pas dit ça dans la loi pour l'avortement des enfants handicapés, mais la réalité c'est est celle là, c'est pas les belles phrases des philosophes de comptoir qui s'agitent sur les cas des autres avec leurs peurs à eux, mais sans jamais être allés visiter un centre de soins palliatifs, bien souvent.

  • en plus, et surtout, et personne ne le sait ET PERSONNE NE LE DIT DANS LES MEDIAS! (et pourquoi?)

    on PEUT déjà endormir le malade qui souffre et attendre sa mort dans le sommeil.

    la seule chose qu'on ne peut pas faire, c'est la provoquer intentionnellement. ce n'est pas hypocrite, c'est se concentrer sur le soulagement du malade au lieu de se concentrer sur le fait de donner la mort, de maîtriser la mort.

    en somme, c'est rester médecin, parent, enfant, humain, ...au lieu de devenir meurtrier.

  • Bonjour à tous,
    Merci César pour ton billet. Il me replonge quelques années en arrière (cela fera 7 ans en mars).

    Ma bien-aimée belle-mère, atteinte d'un cancer en phase terminale, avait choisi l'euthanasie, les drogues ne soulageant absolument pas ses douleurs. Elle était profondément catholique, et si elle avait pu être soulagée, elle n'aurait sans doute pas choisi cette issue.

    Je dois dire que j'étais avant ce jour-là pour l'euthanasie, mais je ne savais pas quel chagrin cela pouvait causer aux proches. J'ai été contre quelques mois durant par après, puis j'ai passé par-dessus mon chagrin, en voyant combien pour elle cela avait été préférable.

    Tant de semaines à souffrir la faim en permanence, bien que perfusée, son corps rejetant toute nourriture, et les douleurs, la morphine inutile.

    Et la gifle 3 mois après, quand on reçoit la facture détaillée de l'hosto : le nombre d'aiguilles, de seringues, les quantités de Penthotal, les honoraires des 2 médecins pour l'assistance, de l'infirmière... Au moins, chez le véto, tu as un "forfait euthanasie". (Ben oui, il faut penser à tout quand on légifère, car la question de la facture détaillée à l'hôpital vient régulièrement aussi sur le tapis en France).

    Bon, je vois que c'est encore un Belge qui fout la m... La dernière pétition que j'ai lancée (avec succès), c'était contre le projet de loi d'un C&V qui voulait abaisser l'âge de la majorité sexuelle à 14 ans... faut faire gaffe à tout dans ce pays, même quand le gouvernement fédéral est aux abonnés absents...

  • @do
    Intéressant votre point de vue. je vais le publier comme billet sur le blogue.

  • > Euthanasie et cris d'orfraie réacosphériques

    Donc quand on n'est pas favorable au fait de butter des gens malades, on est réac ? De mieux en mieux !

  • @Bob
    tsss tsss : tu entretiens la confusion entre gens malades et individus vivant une agonie interminable. Une différence de taille, non ?
    Tout le raisonnement d'Hashtable et une large part de celui de Koz repose sur cette confusion entretenue volontairement ou non.

  • C'est un sujet extrêmement délicat et toujours douloureux. Un sujet grave.
    Il me semble que ce qu'il faut impérativement garder à l'esprit, c'est qu'une décision comme celle-ci ne peut et de doit pas être prise par une seule personne (je ne parle pas de la volonté de la personne malade). C'est toute une équipe qui y réfléchit et se décide lorsqu'on envoie par exemple un peu plus de morphine ou lorsqu'on débranche une machine ou encore lorsqu'on ne fait plus de traitement autre que le soulagement de la douleur.
    C'est surtout là qu'est le danger de la dérive je crois. A mettre en parallèle de policiers qui feraient eux mêmes la justice.
    Lorsqu'il y a jugement d'une faute grave, le juge, même s'il est le meilleur de tous est obligé de partager sa sentence avec un jury...

  • J'adore les interventions de personnes qui n'ont jamais été directement concernées, qui ne connaissent rien aux hopitaux et procédures mais qui ont un avis sur tout et n'import nawak.

  • Ce que je veux dire, c'est que même si c'est la volonté de la personne souffrante d'en finir, si une seule personne répond immédiatement à cette demande, elle risque de faire une erreur.
    On peut en effet admettre qu'une personne souffrant à la fois de façon aiguë et chronique puisse dans un moment de dépression réclamer légitimement l'euthanasie. (Ou que l'on puisse la demander à sa place.) Malgré tout, il suffit parfois d'un changement de traitement décidé par un autre médecin de l'équipe, pour voir la personne malade se raviser. Regrettant même d'avoir eu ce découragement passagé.
    Oui, c'est très très difficile à apprécier.
    Et chacun a des cas douloureux dans sa famille.

  • @Francoise,
    Bonne nuit.

  • Je regrette la reduction ad absurdum des arguments que j'évoque. A quoi cela sert-il de prétendre que j'affirme qu'il faudrait mourir en souffrant le plus longtemps possible ? Ca n'est guère honnête.

    Oui, la suggestion paraît insensée, mais je ne la fonde pas sur une quelconque idée personnelle. A ce sujet, je me réfère surtout à l'expérience de Marie de Hennezel, psychologue en soins palliatifs, et qui s'est notamment beaucoup occupé des malades du Sida au début des années 90. Dans ce billet http://www.koztoujours.fr/?p=698 à propos de son livre (préfacé par François Mitterrand), je relatais un certain nombre d'exemples qu'elle donne.

    Pour ne citer qu'un exemple :

    "Imaginons-nous seulement ce que peut attendre une personne qui agonise ? Marie de Hennezel raconte le cas de Marcelle, femme âgée qu’elle a vu la première fois comme une forme avachie dans un lit, en pleine confusion mentale, échevelée, tentant d’enjamber les barrières qu’on avait mises à son lit. Chaque fois que sa fille entendait, dans le flot incohérent de ses paroles, le mot « mourir« , elle la reprenait, lui affirmant qu’elle était là pour qu’on la soigne, et pour guérir. Une soignante et Marie de Hennezel lui demandèrent de lui accorder un instant seules avec sa mère. Celle-ci s’est alors tournée vers la soignante : « je vais mourir« . L’infirmière lui répondit : « nous serons là jusqu’au bout« . Marcelle, « à [leur] grande surprise« , s’est alors redressée. Elle a fait entrer sa fille, et lui a dicté ses dernières volontés."

    Vous écrivez aussi : "Dans la loi actuelle, qui juge de la pertinence ou non de soins curatifs ? Le médecin et exclusivement le médecin".

    C'est faux. Si l'on veut parler de la loi Léonnetti, désormais codifiée, il faut encore la connaître.

    L’article L. 1111-10 du Code de la Santé Publique dispose que « lorsqu’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, décide de limiter ou d’arrêter tout traitement, le médecin respecte sa volonté après l’avoir informée des conséquences de son choix ». Lorsque le droit emploie le présent de l'indicatif, il s'agit d'une obligation. Le médecin n'a pas le choix : il doit respecter le choix du malade.

    Dans ce cas, l’article 1111-10 prévoit que « le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l’article L.1110-10 », lesquels « visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage ». Au titre de ces soins, comme le décrit le guide « droit des malades et fin de vie », le médecin peut administrer une sédation, faisant perdre conscience au malade.

    Quant aux dérives, comment expliquez-vous qu'elles interviennent aux Pays-Bas, alors qu'on ne cesse de mettre en avant ses critères de minutie ? Comment expliquez-vous qu'un pays qui aurait mis tant de garde-fous se soit pris des remontrances de la part de la Commission des droits de l'Homme des Nations Unies au sujet du taux trop élevé d'euthanasie ?

    etc etc.

    J'aurais aimé que vous ne fassiez pas le choix de caricaturer mon propos.

  • @Koz
    La seule reductio ad absurdum, c'est celle du chalumeau.
    Je connais la loi Léonetti, je l'ai abondamment commentée ici-même, mais pour l'indicatif présent, je ne savais pas qu'il portait une telle valeur en droit. Dont acte.

    Je n'ai évidemment pas caricaturé votre propos (en dehors du titre qui avait pour objet d'attirer l'attention du chaland, je vous le concède) puisque je reprends votre objection sur les situations en Belgique et en Hollande, observant qu'elles pourraient me faire radicalement évoluer sur l'euthanasie.

    J'ai lu votre billet sur Marie de Hennezel avant de répondre à votre billet et à celui d'Hashtable. Je suis bien d'accord que l'on n'imagine pas, en effet, ce que peut bien attendre quelqu'un qui agonise petit à petit. Raison de plus pour envisager la palette de ses options.

  • Réac ? Soit ! J'assume... De fait, je me fiche du qualificatif qu'on peut m'apposer à cause de mon opinion sur la fin de vie des êtres humains.

    Je suis totalement opposé à l'euthanasie, et pas seulement à cause de la consonnance détestable des deux dernières syllabes.

    Non, la vie n'est pas seulement ce qu'on en fait. Cette vision qui consiste à croire que l'on maîtrise son destin n'est que la croyance en une illusoire toute-puissance dont l'homme s'est servi au fil des âges pour conjurer ses terreurs ancestrales face à l'inconnu de son devenir.

    La vie nous appartient seulement en partie. De fait, elle nous échappe pour beaucoup. L'homme responsable est celui qui admet que sa vie appartient à plus large que la sphère étroite de son propre égo.

    La vie n'est pas seulement un bien individuel mais il existe une interdépendance qui fait que chacun est comptable d'une part de sa vie auprès de sa filiation, sa famille, son groupe, la société des humains.

    Les restes de solidarité sociale, tout ce qui tourne à l'assistance aux personnes en danger montre que la société humaine considère depuis bien longtemps que la vie n'est pas seulement affaire de choix (éclairé ?) individuel. Sinon, on laisserait depuis longtemps mourir tous les désespérés et tous les idiots décérébrés qui prennent le risque de partir se balader en mer par gros temps et sans gilet de sauvetage ou vont faire du ski hors piste en plein redoux...

    Les pulsions de mort sont tellement omniprésentes qu'elles indiquent, en creux, qu'il y a quelques chose de l'ordre de la dignité humaine à oeuvrer pour tout ce qui va, au contraire, dans le sens de la vie. Il est bien plus courageux d'aider quelqu'un à vivre plutôt qu'à mourir.

    Aider quelqu'un à vivre demande un investissement (matériel, psychique, relationnel, etc) dans la durée. Aider quelqu'un à mourir réclame seulement, ou à peu près, la pression d'un pouce sur le piston d'une seringue durant quelques secondes...

    L'euthanasie, sous des dehors compassionnels n'est qu'une plongée dans les eaux glauques de la barbarie. Celle qui réduit la personne à une valeur marchande, à une valeur hédoniste ou à une valeur purement fonctionnelle.

    Toutes les dérives sont permises, dès lors que l'autorisation légale d'abréger activement les jours de quiconque est donnée.

    On peut objecter que la loi encadrera ces autorisations en fixant les cas. Peu importe, dès lors que le basculement est opéré dans le sens des pulsions mortifères une dynamique perverse est enclenchée. Les débordement seront juste considérés comme de "regrettables dérives" inévitables au service d'une juste cause.

    L'exemple de l'avortement devrait éclairer les yeux des concitoyens. Les textes concernant l'IVG, votés, à l'époque, contre l'opinion d'une forte majorités de Français, étaient destinés à répondre à des situations exceptionnelles et visaient à réduire le nombre des avortements clandestins.

    On sait ce qu'il en est advenu. Le nombre d'avortements annuels dans ce pays est de l'ordre de 200.000 (donc, si je ne me trompe, supérieur à ce qu'il était dans les débuts des années 70).

    Aujourd'hui, sous la pression des différents lobbies favorables à l'avortement, l'opinion des jeunes générations a subi un retournement : l'avortement est devenu la normalité ; y être seulement opposé est devenu pour beaucoup synonyme de crime et d'obscurantisme intolérables !

    Et l'on continue de voir des femmes, très jeunes ou non, qui font appel à l'IVG pour des situations qui auraient relevé d'une simple programmation contraceptive...

    Pas besoin d'être devin, il en sera vite de même à l'égard de l'euthanasie. Les dérives des pays qui nous ont devancés dans cette libéralisation sont à ce propos édifiantes.

    D'ailleurs, la pression d'une approche strictement économique dans le domaine des orientations de la santé indique clairement vers quoi on se dirige. Il est clair qu'entre une piquouze et de longues semaines (voire d'années) de traitement, le choix - in-petto - des gestionnaires est vite fait.

    Entre l'euthanasie et les soins palliatifs, il n'y a pas photo en termes de budget. Abréger les vies coûtera moins cher que construire des lieux appropriés, former des équipes et consacrer des sommes élevées aux frais de fonctionnement.

    Il est d'ailleurs urgent pour les technocrates de la santé publique d'y penser car les générations pléthorique du baby-boom vont très bientôt faire partie de la clientèle-cible !

    Qui va édicter les critères de ce que doit être une vie digne ?

    Eh oui, car chacun a une vision personnelle de ce qu'est la dignité.
    Va-t-il falloir, par exemple, euthanasier les chômeurs de longue durée dont la vie est en décalage complet avec une société de consommation et de plaisirs à laquelle ils n'ont définitivement plus accès ?

    Quant aux infirmes moteurs qui ne peuvent plus se déplacer, entendre ou voir (par exemple, les accidentés de la route ; mais pas seulement eux) dont la vie sociale et individuelle est très gravement handicapée, d'aucuns parmi les privilégiés de la vie considèrent que cette vie gravement handicapée ne vaut pas d'être vécue ; en tout cas, ils n'en voudraient aucunement pour eux-mêmes.

    Que fera-t-on lorsqu'un jour quelqu'un décidera (ça viendra, n'en doutons pas un instant, toujours avec un habillage hypocritement compassionnel) de la légalité de la suppression de vie des personnes dans ces situations d'infirmité transitoire ou définitive ?

  • Juste un complément, à la relecture de mon texte.

    Ma formulation "aider quelqu'un à mourir" est ambiguë (tout comme les questions des sondages mettant en avant une faveur des français envers l'euthanasie). Surtout quand j'y adjoins, en symétrie, la piquouze fatale

    Si "aider" à mourir se résume, comme la loi semble bientôt s'y orienter, à donner la mort à une personne, toute ma personne se révolte à cette conception barbare.

    Toute véritable aide ne peut être qu'un accompagnement (médical, psychique, relationnel) positif et non une précipitation active de l'heure de la mort.

    Ce qui est en jeu, c'est l'aide aux mourants qui sont tristement abandonnés à une solitude désespérante sur la dernière ligne de leur vie. Et c'est cette solitude qui est indigne ! L'indignité est plutôt du côté de la société qui abandonne et non pas du côté des incurables et des mourants.

  • Un grand merci, Coucy, de votre admirable contribution. Je suis entièrement en phase avec vous. La seule préoccupation d'une société humaniste ne peut être que le respect de la dignité, rien d'autre.

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