Je me posais la question de la pérennité du modèle "publicitaire" pour assurer un financement décent au gratuit sur la Toile, en novembre dernier. Il semble bien que mes sombres prédictions se soient réalisées...Bakchich.info ne tiendra plus guère qu'un mois, AgoraVox est au plus mal, Rue89 et Mediapart ne se portent guère mieux. Je l'ai dit il y a 15 jours : la tenaille se referme sur la presse, et c'est inéluctable. Et pour moi, la cause en est claire : c'est la satanée culture du gratuit qui a vu le jour sur la Toile et massaccre tout sur son passage : parce que la Toile était l'univers du collaboratif à sa naissance, ses usagers ont imaginé construire un modèle non-marchand. Il vaut mieux être clair dès le départ : on ne peut pas se réclamer du non-marchand et vivre avec si on ne l'est pas à 100% dès le départ. Tous ceux qui ont espérer surfer sur cette vague et y développer un modèle économiquement viable s'y sont cassés les dents. Quant à la publicité, elle ne pouvait pas tout financer indéfiniment : je suis plus que sceptique sur la publicité sur la Toile, dont l'effet premier est surtout d'agacer l'internaute.
Je crois qu'un modèle non-marchand peut coexister à côté d'un modèle marchand, mais je ne crois ni ne souhaite qu'il le remplace. Et d'ailleurs, c'est une illusion d'imaginer qu'il puisse le remplacer : quelqu'un remportera forcément la mise d'une manière ou d'une autre.
Commentaires
Sauf que Mediapart n'est justement pas un site gratuit.
L'économie d'Internet est fragile, parce que l'info n'est pas une marchandise.
Je pense que le modèle publicitaire peut fonctionner pour la musique et pour la vidéo sur internet, mais c'est vrai que pour l'info c'est moins sur.
Le problème est que la plupart des gens (moi y comprit) ne regardent même pas les pubs (et je ne parle pas de ceux qui ont un filtre). Du coup les infos sont beaucoup moins chères, et ce n'est pas viable. Pour la télé et la musique, si on a pas le choix, ça pourrait rapporter plus.
Eh bien je ne suis pas d'accord (et pour les mêmes raisons) : il existe des zines internet gratuites et rentables (libertaddigital, huffingtonpost, par exemple).
Comme pour bien d'autres trucs, c'est d'abord une question de contenu et pas seulement de support (gratuit ou pas).
Regardons un peu : tous les médias que tu cites sont ... à gauche et majoritairement antisarkozyste ; ils ont une lecture terriblement sociale-démocrate de l'actualité et sont animés par des journalistes traditionnels de l' "école française" avec tout ce qu'elle comporte comme biais. Bilan : certes, il y a des articles de qualité, mais présentés toujours avec le même oeil, celui qu'on retrouve dans Le Monde, dans Libé, dans Charlie Hebdo, ... Et le fait que les rédacteurs de ces journaux sont passés par ces nationaux renforce encore l'impression.
Je prends toujours l'exemple de la revue médicale "Prescrire", http://www.prescrire.org/.
Contrairement à toutes les autres revues médicales, gavées de pub par les labos, elle refuse complètement la pub, et même est vigilante à ce que des conflits d'intérêt évidents ou cachés n'entachent pas ses articles.
Du coup, elle peut se permettre entre autres vérités qui blessent) d'écrire "N'apporte rien de nouveau" ou même "Ah non" à côté du nom d'un médoc. Ce que vous ne verrez nulle part ailleurs.
Oui mais... chaque numéro (mensuel) coûte 28 euros. Et la revue semble pourtant bien se porter.
@Hervé : "l'info n'est pas une marchandise" ? Elle est bien bonne, celle-là.
Et que croyez-vous que soit coté à la bourse, tous les jours, si ce n'est l'info ?
Il paraissait évident depuis longtemps que la publicité ne pourrait plus être la source de revenus universelle pour toutes les prestations fournies par Internet surtout lorsque les annonceurs se seront aperçus que tout le monde s’en tape !
Les messages publicitaires sont tellement nombreux sur Internet que les internautes n’y portent généralement plus attention. Le taux de clic ne cesse de diminuer : la moyenne du taux de clic sur l’e-publicité est passée de 1% en 1999 à 0.15% en 2006 (source Nielsen Media Research).
D’une manière générale, les études montrent que le taux de clic et l’attention accordée par les internautes aux bannières publicitaires diminuent fortement.
Malheureusement, comme vous le dites, on s’est habitué au gratuit ou devrais-je dire au « faux gratuit » parce que chacun sait (ou devrait savoir) que rien n’est gratuit au final.
Entre les consommateurs qui considèrent que tout devrait-être gratuit sur Internet et qui en conséquence trouvent normal de (voler) pirater ce qui ne l’est pas et les entreprises du Net qui se sont illusionnées (qui s’illusionnent) parce qu’elles ont pris comme exemple quelques réussites (dont notamment celles qui offrent du gratuit pour mieux vendre d’autres prestations associées), il va être difficile d’en sortir.
@ h16
C'est vrai qu'ils n'apportent pas grand chose en termes de perspective. On monte un webzine libéral ?
@ Cultive ton jardin
Sans doute, mais les 28 euros couvrent les frais de publication. Ce n'est pas un modèle marchand.
Les médias ont souvent eu une stratégie de gratuit. La TV s'est construite là-dessus: consommation gratuite et pub pour monétiser une audience.
Dans le cas des sites de "news" web, la pub classique n'est pas nécessairement la panacée. Au US en moyenne le prix est de 0.25€ pour mille pages vues, soit pour arriver à 1 millions de revenu, 4 milliards de pages vues... Quasi-impossible avec la taille du marché français.
La réalité du net est que l'info est gratuite. C'est le propre de cette "technologie". La valeur d'un média web est dans la communauté qu'il agrège autour de lui. Et la monétisation viendra de cette communauté par exemple via des services, évènements, etc.
En tant que disciple de Schumpeter, tu comprendras qu'au début d'une industrie, plein d'entrepreneurs se lancent, certains copient des recettes d'ailleurs, d'autres trouvent de nouvelles recettes, beaucoup échout et il reste par la suite une fraction d'acteurs avec des modèles d'affaire pérennes... C'est simplement ce à quoi nous assistons.
(dsl un peu long)
@ Julien
Bonne analyse, mais ce qui m'inquiète, c'est que la presse traditionnelle se meurt de ces nouveaux développements.
Mais tu as certainement raison : reste à savoir qui va rester...