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Seule avec des enfants, une aube sans promesse

Je repensais, tout récemment, à une lecture ancienne : la promesse de l'aube, de Romain Gary. Il s'agit d'une autobiographie. S'il y a bien une figure marquante, dans cet ouvrage, c'est celle de la mère de Romain Gary, qui, seule et sans mari, parvient à faire de son fils, à force d'énergie sans faille, un homme.

J'ai le sentiment qu'aujourd'hui, ce ne serait plus possible. Plus possible, si l'on est seule, avec plusieurs enfants, de parvenir à s'en occuper suffisamment pour leur faire faire des études. Plus possible, surtout, si l'on est seule et sans diplômes, il est vrai.

Le temps manque, les sources de loisir se multiplient, et, quand on est épuisée, il est difficile de résister à la tentation de laisser ses enfants devant un écran, plutôt que de lutter pour les mettre à leurs devoirs.

Il y a comme un couperet inéluctable, dans nos sociétés, qui fait de la femme seule avec enfants la victime expiatoire du culte que nous vouons à la performance. Paradoxalement, jamais jusqu'ici notre pays n'a disposé d'une telle protection sociale, jamais l'assistance aux personnes en difficultés n'a atteint un tel niveau, et jamais, pour autant, elle n'a été aussi peu efficace, en proportion.

Notre société de consommation est un Enfer parsemé de tentations multiples et irrésistibles. Tout le monde consomme, du plus modeste, du SDF, même, jusqu'au capitaine d'industrie ou au chef du service financier. Nous ne cherchons plus le mieux, mais le plus ; toujours plus. Aussi, dans un monde où c'est le plus que l'on recherche, et non le mieux, tout se jette et tout s'achète, rien ne se recycle.

La force d'âme, finalement, se mesure à l'aune de la tentation et de la résistance que l'on y oppose. Facile à dire : quel plaisir que de se vautrer dans les délices du consumérisme à tout crin ! D'autant plus que ne pas consommer, dans une société de consommation, c'est forcément vivre en marge de la société, avec toutes les conséquences que cela implique en termes d'intégration. Ensuite, il s'opère une distinction entre consommer "bien" et consommer "mal", mais l'important, c'est de consommer.

Alors, la femme seule, avec ses trois enfants, elle est un peu condamnée à consommer mal. Pas de la culture, mais du TF1 et du discount, de l'écran plat et du jeu vidéo pour ses enfants. Et si jamais elle a du mal à consommer, le crédit revolving est là pour lui offrir des solutions. Tiens, d'ailleurs, on en discute, à l'Assemblée nationale.

 

 

Commentaires

  • Ceci est hélas vrai. Pas seulement sur ce qui tient de la consommation (et le rejet par C. Lagarde de la protection des consommateurs contre le crédit-revolving est un scandale).
    Qu'il faut d'énergie et de volonté pour protéger ses enfants des tentations, consuméristes ou celle de rejoindre le groupe d'adolescents qui stigmatise ceux les "intellos".
    La télévision inculque des comportements, et pas seulement au niveau des achats.

    De plus, la femme seule avec enfants est "coincée" au niveau de son travail. Elle ne peut pas "claquer la porte" facilement en cas d'abus. Elle est trop souvent une cible facile, ne peut refuser de venir travailler le dimanche par exemple, laissant ses enfants seuls à la maison.

    Et elle sera méprisée, condamnée si ses enfants "tournent mal" (dans ma commune, une mère de famille a été condamnée au pénal parce qu'elle n'avait pas bien contrôlé son fils, un grand ado).

    Il y a un article sur le piège du crédit revolving ici:
    http://www.alternatives-economiques.fr/le-piege-du-credit-revolving_fr_art_633_44282.html?PHPSESSID=18av2oldq6pqs39pcdg1t72mt6

    Et que penser de l'accès à Internet financé par la publicité dans les logements sociaux ? J'ai entendu parler d'un projet en ce sens. Cela me semble vraiment du "pousse-au-crime".

  • @ Mia
    Il n'y a pas que la télévision. Le milieu ambiant bien avant la télévision. C'est ça le drame.
    Je ne sais pas ce que l'on pourrait mettre en place pour cette femme seule. A mon avis, ce serait une assistance éducative qu'il faudrait. Mais sous quelle forme ? Voilà le problème.
    Peut-être, par exemple, un droit prioritaire à pouvoir envoyer ses enfants dans des pensionnats où ils seraient suivis de près.

  • Beau texte et très pertinent de surcroit !
    Les jeunes sont d’autant plus vulnérables à cette société du toujours plus et du paraitre, qu’ils n’ont rien connus d’autre.

    Je voudrais ajouter 2 remarques autour des difficultés que rencontrent les femmes seules dans notre société:

    Tout d’abord, les femmes qui sont seules avec des enfants, c’est rarement parce qu’elles sont veuves. Et elles ne l’étaient pas, seules, lorsqu’elles ont fait ces enfants !
    Il y a souvent, lors de la séparation, démission de l’homme qui, par égoisme ou parce que la garde est laissée à la mère, se pense exonéré d’assumer sa responsabilité parentale (j’ai des exemples). Il y a peut-être quelque chose à faire de ce coté là.

    Cela pose également la question de l’adoption par des personnes seules !
    Sans même considérer l’importance pour l’épanouissement affectif d’un enfant d’avoir un père et une mère, doit-on permettre l’adoption par les personnes seules lorsque l’on connait les contraintes que cela entraine et les risques plus importants de se laisser « déborder » par son enfant que lorsque la responsabilité de son éducation est assumée à 2 ?...pour ma part, la réponse est non et ce billet me conforte dans cet avis !

  • Les pensions sont dans l'air depuis deux ans pour remédier à certains "cas", notamment en zones sensibles.

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