Si le statut de l'embryon est complexe, celui de l'enfant ne l'est pas moins dès lors qu'on essaie d'établir sa filiation et les droits afférents. C'est en la circonstance une situation fort atypique qui a attiré mon attention : il s'agit d'un bébé né sous X dont les grand-parents ont réussi à retrouver la trace et qu'ils veulent adopter. L'enfant, une petite fille, est née au mois de juin 2009. Pour des motifs assez obscurs, la mère a décidé de l'abandonner. Or, ce qui m'étonne dans cette histoire, c'est que la mère parle de l'enfant en l'appelant "ma petite" et demande aux grand-parents de ne pas se mêler de l'avenir de "sa" fille. Il me semble, dès lors qu'on abandonne un enfant, qu'on abandonne avec tout droit de regard sur sa vie. Enfin, je m'exprime mal : on peut se soucier que l'enfant qu'on abandonne soit heureux, bien sûr, mais ce souci, c'est avant l'abandon qu'il doit se manifester. Après, ce n'est plus la mère (ou le père biologique) qui a dernier mot, mais les tuteurs et bien sûr l'État.
Je ne sais pas pourquoi cette petite fille a été abandonnée, et je me garderais bien de condamner ni de juger sa génitrice. Il y peut-être (sans doute ?) derrière cet abandon, un drame cachée dont j'ignore tout.
Ce n'est pas simple, à témoin, l'histoire du petit Constantin, pour lequel, entre le sang et le coeur, le tribunal a tranché en faveur du coeur. Nous sommes dans quelque chose de complexe, qui touche aussi au droit des grand-parents, quasiment méconnu en France. En France, depuis la Révolution, c'est la reconnaissance en droit qui fait loi, et non le sang. J'ai eu connaissance, récemment, d'un père qui avait appris après quelques années qu'il avait eu une fille, qui a cherché à la récupérer, mais qui n'a pu faire valoir son bon droit.
Ce que me dit ma raison, c'est que dans de telles affaires, c'est la logique du droit et de la reconnaissance qui doivent primer, pas celle du sang. Mais si j'apprenais, par extraordinaire, que j'avais eu une fille ou un fils à mon insu, j'essaierais certainement de le récupérer par tous les moyens possibles et imaginables, fût-ce envers et contre la loi.
Évidemment, sur un sujet aussi sensible, il convient aussi de se demander quel est l'intérêt de l'enfant. Il me semble toutefois, que le droit des grand-parents devrait être dissocié de celui des parents génétiques, et qu'il ne devrait pas être engagé par les décisions de ces derniers. Autrement dit, si je ne suis pas sûr qu'il convienne que ces grand-parents récupèrent l'enfant, en revanche, je suis certain qu'ils ont le droit de la voir et de l'accueillir comme des grands-parents habituels le feraient. Voilà mon sentiment, et voilà le modus vivendi minimal, en l'absence d'autres éléments, que je serais porté à proposer. D'ailleurs, depuis le 5 mars 2007, la loi dit clairement : « l’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants ».
Commentaires
Votre analyse fait fi du couple qui a (ou qui va) accueilli(r) l'enfant.
Du fait de l'accouchement sous X, la mère n'a plus aucun "droit" (ce mot me gêne) sur l'enfant et ipso facto, les grands parents.
Je comprends bien que la situation n'et pas simple mais d'un point de vue juridique, dès l'adoption par Mr et Mme X, l'enfant a pour grand-parents les parents de Mr et ceux de Mme X.
@ René de Sévérac
Très bonne remarque. Je me suis posé la question, et j'ai failli ajouter à mon billet : il reste à définir qui sont les grand-parents. Mais la loi parle d'ascendant : qu'entend-elle, par là ?
@ René de Sévérac
Qui a ou qui va accueilli(r) l'enfant, c'est différent. Et des grands-parents candidats à l'adoption de leur propre petit-fils devraient naturellement être prioritaires, dans l'intérêt de l'enfant et de son accès à ses origines. Dans le mesure où le secret a été publiquement levé, ce n'est plus un accouchement sous X.
@ Christine
Oui, on est dans un sacré sac de noeuds juridiques : qui sont les grand-parents, du coup ? Le problème, en même temps, c'est que la volonté de la mère n'a pas été respectée.