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sukuk

  • Ali baba, le sukuk et les quarante dettes

    Oh, l'instructif article de Sylvain Lapoix que voilà, ce matin, dans Marianne2 ! La France, depuis quelque temps, s'intéresse de près à la finance islamique, et, par exemple, l'université de Paris-Dauphine vient même d'ouvrir un diplôme universitaire de finance islamique.

    Voyons, voyons : qu'avais-je constaté, au dernier équinoxe d'automne ? Que la France venait de modifier son code civil afin d'introduire les obligations islamiques en droit français. Jusqu'ici, j'avais pensé que c'était là l'occasion d'organiser un juteux appel de fonds en provenance des pays de l'or noir. Mais c'est encore plus subtil que je ne l'avais imaginé et Sylvain Lapoix l'explique très bien : les fameux sukuks, dont j'ai déjà parlé ici, ne sont pas considérés comme des créances, mais comme des titres de propriété. C'est très très très utile quand on cherche à évaluer le montant d'une dette. Par exemple, jouons au Dettopoly : dans la famille déficit budgétaire monstrueux, je choisis la France. Ah, mais, comment se fait-ce, la dette de la France a baissé alors que son déficit budgétaire a augmenté ? Hé hé, magie ! Prononce avec moi le mot magique "sukuk" et toutes tes dettes se transformeront en titres de propriété. Mieux, c'est ton prêteur, devenu propriétaire, qui sera considéré comme endetté au même titre que toi, puisque vous serez co-propriétaires...

    Ainsi, la France, en tant que nation, pourrait devenir la co-propriété des brillantes démocraties que sont les pays du Golfe persique. Et bien sûr, son gouvernement va pouvoir continuer à creuser le déficit tout en clamant que la dette s'est réduite... Ah, au fait, on comprend peut-être mieux le récent voyage (non-officiel) de Nicolas Sarkozy en Arabie Saoudite.

    C'est le trésor d'Ali Baba ces sukuks : on va pouvoir faire au moins quarante dettes avec...

  • La corde pour les pendre

    La corde pour les pendre, c'est le titre d'un ouvrage écrit en 1985 par le reporter Éric Laurent. Un ouvrage très bien documenté et très bien écrit, qui analyse les relations troubles entre les milieux d'affaire occidentaux et les régimes communistes totalitaires dès 1917. Il analyse en particulier les relations privilégiées entre le milliardaire rouge Armand Hammer (décédé en 1990) ex-dirigeant de l'Occidental Petroleum et les dirigeants du Kremlin (Lénine fut l'un de ses amis). J'ai lu ce livre il y a un certain temps et j'en ai retenu le verdict des communistes sur les capitalistes : ils y disaient que les capitalistes finiraient par leur vendre la corde nécessaire à leur propre pendaison. Rien ne peut entamer la bonne marche des affaires.

    J'ai pensé à ce livre, parce que je viens d'apprendre que l'État français s'apprête à modifier tranquillement son code civil afin de pouvoir introduire sur son sol la finance islamique et notamment les fameux sukkuks. Qu'est-ce qu'un sukkuk (prononcer soukouk, et pas moyen de savoir s'il y a un seul "k" ou deux "k") ? Un astucieux système pour contourner l'interdiction par la sharia de toucher des intérêts : en fait, ce sont des sortes de titres qui correspondent à des fonds ayant permis d'acheter du matériel. Ce matériel est loué en leasing à une entreprise, et c'est le loyer qui représente en fait l'intérêt du titre, à proportion de la participation initiale. Eh bien sûr, ces titres peuvent s'échanger sur les marchés financiers islamiques... Il existe, de toutes façons, dans la finance islamique, une série de stratagèmes pour pouvoir faire du fric en toute bonne conscience... Ce n'est pas l'apanage de l'Islam. En son temps, l'église catholique vendait même des pardons et des places au Paradis, tout ce qu'il y a de plus officiellement...

    Eh bien devinez ce que vient de faire le Parlement français ? Il vient de faire passer une proposition de loi comportant un amendement modifiant notre code civil afin d'introduire ces obligations islamiques en droit français. Oulah ! J'espère que l'église de la scientologie ou les Raëliens ne vont pas un jour émettre des titres raëliens ou scientologiques : modifierons-nous notre droit en conséquence ? En tout cas, le projet de loi se trouve ici . Il faut lire en particulier l'article 6 sexies B.

    A la lueur de ce que j'ai écrit, on comprend que le principe du sukkuk va forcément modifier la notion même de propriété en droit français. En effet, le droit français ne distingue pas propriété juridique et propriété économique (bénéficiaire). Nous allons créer en France un nouveau type de propriété, tout droit inspiré du Coran, je cite l'argument du rapporteur du projet. Il serait  ainsi précisé que :

    «  Le fiduciaire exerce la propriété fiduciaire des actifs figurant dans le patrimoine fiduciaire, au profit du ou des bénéficiaires, selon les stipulations du contrat de la fiducie. »

    Inspiré du dispositif anglo-saxon, le présent article propose d'expliciter ce qui est déjà en germe dans l'article 2011 du code civil. Il s'agit de préciser que le fiduciaire acquiert la propriété fiduciaire des biens, c'est-à-dire qu'il acquiert non la propriété de l'article 544 du code civil (usus, fructus, abusus), mais une propriété d'un nouveau type, une propriété avec charge. Le fiduciaire dispose certes des attributs juridiques de la propriété, mais ne peut exercer ce droit que dans les limites et sous les conditions posées par le contrat de fiducie en faveur du ou des bénéficiaires. Pour résumer, le fiduciaire bénéficierait de la propriété juridique des biens alors que le bénéficiaire bénéficierait de la propriété économique des mêmes biens.

    Voilà ce qui figurait dans le projet, je suppose que c'est à peu près cela qui a été voté. Il existe plusieurs types de sukuks (un "k" ? deux "k" ?), mais ce sont les sukuks idjara qui sont principalement visés par la nouvelle loi. La corde pour les pendre, je vous dis...