Ça m'a presque fait rigoler les rétro-pédalages des Standard & Poor et la fureur du gouvernement français, ces derniers jours. Trop drôle.
Il est évident que ce n'était pas une erreur, le document qui a envisagé de dégrader le AAA de la France sur les marchés. C'est une hypothèse de travail pour l'agence de notation, cela va de soi, et je pense qu'à moyen terme, elle y songe. Peut-être même à court terme.
Quand les marchés sont nerveux, ils n'aiment pas qu'on leur joue un air de pipeau. Les éventuels prêteurs non plus d'ailleurs.
a) le gouvernement français s'obstine à planifier ses budgets sur des hypothèses de croissance grotesques. La France est à la limite de la récession, tous les experts sensés et compétents le savent, et c'est bien pour cela qu'à Bruxelles, on s'est fâché tout rouge.
b) Au contraire de l'Italie actuellement très malmenée, le déficit primaire de la France n'est pas comblé : cela signifie que même sans la charge de l'emprunt, son budget n'est pas en équilibre.
c) La balance du commerce extérieur est plus que fortement dégradée.
Certes, les marchés savent qu'en France, l'impôt rentre plutôt bien et que les Français ont une haute tolérance à la ponction fiscale, mais enfin, point trop n'en faut.
Ce n'est pas 6 ou 7 milliards d'économie dont on a besoin, mais de 60 à 70 milliards. De toutes façons, il n'y a pas 36 solutions : si la France veut être à l'abri des hausses de taux d'intérêt, elle n'a qu'une seule alternative, un budget 100% en équilibre, c'est à dire 0% de déficit budgétaire.
Mais si on ne veut pas passer pour des clowns, comme Berlusconi, ce que l'on annonce, il faut le faire.
Alors assez tergiversé, il faut agir et lancer le débat sur les missions que l'État cessera d'exercer, désormais, sur les échelons de trop dans la vie politique, sur les dépenses des collectivités, et cetera...
Bref, qu'on sache à quelle sauce nous choisissons d'être mangés.
Ce qui est drôle, c'est que je ne suis même pas le seul à m'être fait la réflexion, à propos de Standard & poor : Gilles Bridier, journaliste chez Slate s'est fait une représentation assez proche de la mienne de la situation.
De leur côté, les banques françaises, pas folles, se délestent déjà de leurs obligations italiennes : on leur a déjà fait le coup de la solidarité avec la Grèce, et, comme je le dis souvent, point trop n'en faut. Ils sont amusants, les politiques, quand ils appellent les banques à la solidarité. Vraiment amusants et pas plus gênés que ça.
En gros, les amis, cela revient à demander aux banques de continuer à payer pour les États ce qui permet à ces derniers de ne faire aucune des réformes nécessaires et de s'asseoir sur leurs énormes déficits. Du foutage de gueule, quoi. Rien que cette attitude, moi, si j'étais banquier, ça ne me donnerait pas confiance. Je pourrais envisager de conserver mes obligations si je voyais les États concernés faire les réformes nécessaires pour équilibrer leurs budgets. Mais de les voir continuer à s'endetter et à dépenser comme si de rien n'était, c'est clair que cela m'inspirerait la plus vive défiance.
Cet aspect des choses n'a pas l'air de frapper plus que cela mes amis Tourangeaux dont les détours sont quelque peu sinueux sur ce coup-là...Il est drôle, aussi, le Julien Dray qui parle de dictature des marchés. Très drôle. On est plutôt dans l'oeil du cyclone de gabegie et d'impéritie des États, oui...Y'en a même d'autres qui croient que les marchés scient la branche sur laquelle ils sont assis. Mais non : ce ne sont pas les marchés, ce sont les États, et ça fait longtemps qu'ils scient...
Mettez-vous à leur place : vous prêteriez-vous, à un gars qui vous doit déjà plein de fric et qui vous demande de continuer à vous prêter pour qu'il puisse s'acheter des écrans plats supplémentaires ? Ça va bien au bout d'un moment, faut pas prendre non plus les gens pour des c... ni les banquiers (que l'on conspue pourtant à hue et à dia, alors que n'importe quel individu sensé prendrait exactement les mêmes décisions qu'eux à un niveau personnel...).
Ce qu'il faut, pour la France, ce sont des individus sérieux qui vont faire des propositions sérieuses et les appliquer. Quelqu'un du genre de Bayrou. Moi, je pense qu'il pourrait être cet homme-là. Il lui reste toutefois à être précis, désormais, et à présenter un programme d'équilibrage du budget sur la base d'une hypothèse de croissance réaliste.
A ce moment-là, il pourrait se présenter avec ce programme en main face aux Français en leur disant : écoutez, mes compatriotes, je ne suis pas un joueur de pipeau. Je ne vais pas vous mentir. C'est vrai, on va en chier, mais, en contrepartie, mes propositions tiennent la route et les marchés et nos prêteurs le savent. Si vous me portez au pouvoir, vous n'aurez pas de mauvaises surprises, parce que je ferai en sorte, avec mon programme, de mettre la France à l'abri des mauvaises surprises.
Moi, c'est un peu ce que j'attends qu'il fasse, tout en massacrant les promesses bidons et autres châteaux en Espagne de ses concurrents socialistes et popu-conservateurs.