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Mises

  • Ecole autrichienne (3) : problématique de la monnaie et des marchés

    Thierry Aimar sans les apports de l'école autrichienne d'économie, après la praxéologie, aborde la genèse de la monnaie et la problématique de la formation des marchés.

    Thierry Aimar aborde tout d'abord l'échange bilatéral direct, c'est à dire la situation de troc. On a vu que l'ignorance des acteurs économiques était une conséquence du modèle praxéologique, puisqu'il est impossible, dans ce modèle, de connaître quoi que ce soit du futur, donc d'anticiper.

    La situation d'échange bilatéral réduit cette ignorance puisqu'elle permet aux acteurs de déterminer approximativement l'appréciation que chacun se fait de la quantité de biens échangés, tout du moins, au moment de la transaction.

    L'inconvénient, c'est que l'acteur n'a aucun moyen d'évaluer la préférence et la valeur que d'autres acteurs vont ensuite accorder à des biens par la suite. Il y a donc un phénomène de dispersion du savoir.

    Toutefois, en multipliant les transactions, en marchandant et en négociant, les interlocuteurs, par un processus d'essais et d'erreurs peuvent petit à petit cartographier les intérêts de l'un et de l'autre. Dans une économie de troc, et pour une zone limitée, il est donc envisageable que se forme un marché par tatônnements réciproques.

    Les choses se compliquent avec l'apparition de la monnaie, qui est un bien intermédiaire pour échanger, dont la particularité, fort pratique, est d'être bien plus liquide que le bien ordinaire moyen. Ce bien permet de rationnaliser et de relier les différentes cartographies issues des échanges bilatéraux et favorise donc l'émergence d'un marché défini comme l'ensemble des échanges inter-personnels directs. 

    Mises distingue la praxéologie dont le champ est l'économie au sens large, et la catallaxie qui analyse les actions uniquement sur la base de calculs en monnaie.

    La catallaxie n'est nullement le fruit d'un contrat entre individus, et pas davantage l'émanation d'un pouvoir supérieur, mais simplement l'expression de la coopération entre individus. Le marché naît donc de l'inter-action des stratégies individuelles.

    Toute la problématique d'un économiste comme Hayek, c'est justement de reconstituer le processus par lequel un ensemble d'actions humaines peut produire un ensemble cohérent et des structures durables. La médiation de la monnaie est à cet égard révélatrice : elle est le produit naturel de de l'économie humaine. Ce que Mengler appelle une institution organique, c'est à dire nullement planifiée, mais au contraire, se révélant à elle-même par le jeu de l'échange. Chaque agent cherchant à à élarrgir son horizon finit par sélectionner une catégorie de biens acceptables par quiconque dans l'échange.

    La difficulté théorique qu'engendre le modèle praxéologique, ce n'est pas dans l'échange qu'on la trouve, mais dans la représentation du marché : par quelle procédure les acteurs d'un échange connaissent-ils la demande exprimée par un tiers si aucun échange direct ne s'est produit avec ce dernier ?

    Et comment les agents peuvent-ils disposer d'une information dispersée et évolutive qui ne peut être acquise par l'introspection (catégories logiques de la praxéologie) ni par l'apprentissage issu de l'échange direct ? Mises suppute que la raison prélude aux processus sociaux, et que dans cette optique, l'association et la division du travail sont consubstantiel ou quasiment à la formation de la société humaine.Mais la connaissance des stocks de biens à écouler devrait préexister à la division du travail. Or, les individus sont bien trop hétérogènes pour pouvoir déterminer praxéologiquement (ou empiriquement)  leurs préférences et leurs connaissances. 

    Subséquemment, comment les prix de marché peuvent-ils se former, puisque pour que cela soit possible, l'information incorporée dans les prix de marché devrait être accessible à tous. Or, s'il existe bien une somme totale de la connaissance du marché, elle n'existe jamais autrement que sous forme dispersée et parfois contradictoire.  

    Ces interrogations sans réponses amènent Hayek à mettre en avant que des hypothèses extérieures, mais non contradictoires doivent être ajoutées à la logique pure des choix, telle que l'édicte la praxéologie. Ni plus ni moins, cela revient à réintroduire des données empiriques dans l'analyse : or, si l'étude de l'échange marchand ne relève pas uniquement de catégories a priori, quelle va être la légitimité d'hypothèses auxiliaires ?

    Hayek (peut-être inspiré par Popper) réintroduit la démarche empirique mais uniquement aux fins de vérifier la falsifiabilité ou non d'une théorie. Il doit exister une référence empirique permettant non de fonder, mais de tester les conclusions d'une théorie. La question étant bien  sûr de déterminer les référents empiriques.

    A ce stade de ma lecture, je suis encore dans la genèse de la pensée, mais j'imagine avec un intérêt émoustillé comment tout cela peut s'appliquer à la connaissance d'un marché financier. J'avoue que je vais me précipiter sur le cahpitre suivant intitulé "la catallaxie, une réponse à l'ignorance". Pour mes lecteurs qui prennent en cours ces billets de synthèse, il faut absolument qu'il se rapporte au billet n°2 sur la praxéologie, faute de quoi la problématique de la connaissance des marchés et de la circulation de l'information ne peut leur apparaître. Un petit détail encore : la position de Mises imaginant une division du travail et une loi d'association organique le rattache, à sa manière aux classiques traditionnels : la main invisible d'Adam Smith se trouverait explicitée ainsi. Cela ne règle pas le problème de la formation du premier prix, mais je me faisais simplement cette réflexion pour établir la filiation entre libéraux et néo-libéraux.

    Je me faisais encore une réflexion supplémentaire : pensant au projet financier de Marielle de Sarnez et du MoDem à Paris, je me disais intérieurement que nous aurions le plus grand intérêt, au MoDem, à ne pas négliger ce questionnement, surtout à considérer les mouvements de panique réguliers qui animent les marchés financiers, et, ce-faisant, la manière dont les acteurs font circuler l'information, pour autant qu'elle circule, l'anticipe, et se la représente.

     

  • Les apports de l'école autrichienne d'économie (2) : la praxéologie

    J'avais relevé dans ma note précédente que Mises avait rejeté les données de l'expérience, tout du moins, dès lors que l'on cherchait à en tirer des règles, et qu'a contrario, il avait choisi de s'appuyer sur les catégories mentales inhérentes à l'être humain pour bâtir quelqu''ébauche de théorie que ce soit.

    Mises considère que le premier maillon de la connaissance de l'action : la définition d'une grammaire de l'agir humain est l'objet de la praxéologie. Toutefois, elle n'a que peu à voir avec la sociologie puisqu'elle ne s'intéresse pas à l'accidentel, au circonstanciel dans l'action, mais uniquement à sa forme pure et à sa structure catégorielle.

    La praxéologie s'appuie sur une démarche introspective, ses effets et ses propositions ne sont pas déduits de l'expérience

    Pour Mises, seuls les individus pensent et agissent : ce sont donc les actions singulières qui l'intéressent, ce qui l'amène à rejeter tout concept dont l'origine se trouverait dans un ensemble collectif. Et pour cause, compte-tenu de la nature d el'action, un tel ensemble n'a pas d'existence propre pour Mises, car il est la résultante d'un ensemble de comportements individuels seuls susceptibles d'observation.

    Ceci l'amène à rejeter toute forme de macro-économie, ou plus exactement, la distinction entre macro et micro économie.

    Mises caractérise ainsi une action :

    - elle ne concerne que l'individu

    - elle mobilise des ressources, à hauteur d'au moins deux minimum : les facultés mentales et le temps.

    - l'action implique toujours de prendre et rejeter, car l'ensemble des opportunités ne peut être exploitées. Il y a donc un choix qui s'opère.

    - l'action requiert une intentionnalité : elle est un comportement conscient, ou, à tout le moins, une activité avec un objectif. 

    Il s'ensuit que l'action est un choix délibéré et par suite, que l'homme dispose d'un libre-arbitre. Cela va bien évidemment à l'encontre du positivisme, behaviorisme, et cetera...

    Aujourd'hui (c'est l'auteur de l'article qui l'ajoute, ce n'est pas dans le livre) Mises rejeterait certainement en bloc toutes les bourideuseries et la sociologie de gauche en général. Notre manière de considérer les phénomènes sociaux est radiclement opposée à ses vues. 

    En définitive, toute action a une signification et l'acte vise à obtenir un résultat.

    Trois conditions sont nécessaires à l'action :

    - éliminer un gêne, c'est à dire ressentir un déséquilibre ou une insatisfaction 

    - désirer substituer un état des choses plus favorable (du point de vue de l'individu) à un autre

    - croire en la réussite de son action. Celui qui accomplit l'action croit que le moyen employé obtiendra l'effet désiré.

    Dès lors qu'un individu agit, il opère un choix, ce qui signifie qu'il renonce à quelque chose en lui assignant une valeur plus basse, tandis que corollairement, il assigne une valeur plus haute à son objectif.

    Comme toute action s'inscrit dans le temps et est une spéculation si bien que les mathématiques ne peuvent rendre compte de la praxéologie, puisque les relations mathématiques sont coexistantes et interdépendantes.

    Quand un praxéologue étudie une action, tout ce qu'il peut en dire est indépendant des motifs qui la suscitent et des buts recherchés. Il s'ensuit qu'il n'y a aucune différence entre un but égoïste et un but altruiste. La logique humaine est identique quel que soit le contenue final des objectifs des acteurs

    Un théoricien praxéologue s'abstiendra donc de porter des jugements de valeur. Si une référence est faite au moyen plus ou moins approprié d'un moyen utilisé, cela ne peut être que du point de vue de l'individu agissant. 

    Poursuivant son cheminement, Mises déclare donc que toute action est rationnelle, tout du moins, tant que le but d'une action est toujours d'obtenir la fin visée. 

    Nous avons vu ci-dessus qu'une action était un choix avec valorisation spécifique des situations. Une action exprime donc une préférence. A l'inverse, aucune action ne peut rendre compte d'une indifférence ; en fait, l'action est même le contraire de l'indifférence.

    l'agir repose sur un raisonnement circulaire, puisque les actions se succèdent les unes aux autres : une action qui comble un besoin en crée donc nécessairement un autre. Donc, toute action réussie produit une préférence. Ceci signifie qu'équilibre et déséquilibre sont corrélés : aucun équilibre n'est stable, et il entraîne nécessairement le déséquilibre.

    Là encore, je fais une remarque qui m'est propre : je trouve dans cette manière de raisonner pas mal de points communs avec ce que dit Schumpeter de l'entrepreneur. D'ailleurs, Mises considère l'entrepeneur comme l'achétype de l'homme agissant. Sur la circularité de l'action, je la constate, mais, je suis sceptique sur les prémisses du raisonnement de Mises. j'y reviendrai plus tard.

    Toute action est donc un effort pour créer un équlibre, et c'est une tendance naturelle de l'action. C'est parce que l'individu imagine un autre cadre d'actions, une autre fin et d'autres moyens qu'il peut s'engager dans une nouvelle séquence d'actions.

    On a là un bon modèle pour explique ce qu'est l'entrepreneur. En effet, la fonction entrepreneuriale, c'est la recherche incessante de nouveaux gains de satisfaction. L'individu scanne en permanence son environnement pour déterminer les moyens disponibles et adpatés en vue d'une fin

    Du point de vue praxéologique, c'est le choix d'une stratégie pour atteindre une fin choisie qui définit l'acte économique.

    A l'issue de ce chapitre, on comprend de mieux en mieux comment la praxéologie va pouvoir servir une analyse économique, et comment cette analyse partira de l'entrepreneur, c'est à dire de l'individu, plutôt que de s'appuyer sur des phénomènes de masse, comme on le trouve chez les Marxiste ou les Libéraux classiques. 

    Il existe deux grands courants, chez les néo-libéraux : l'un, c'est lécole de Chicago, c'est à dire les monératistes, et l'autre...l'école autrichienne.

    Pour bien comprendre que tout cela n'est pas si loin, je rappelle les dates de Mises : Ludwig Von Mises est né en 1881 et décédé en 1973

     En considérant tout cela, je me demande parfois jusqu'à quel point la démarche praxéologique n'est pas finalement une certaine forme de néo-aristotélisme. Ce serait certainement un point à étudier, mais je ne suis pas certain d'en avoir la compétence.

    Je demeure toutefois prudent : les idées de Mises ont été récupérées par certains économistes libéraux dont j'ai du mal à humer le fumet particulièrement droitier fort peu délicat. Je pense en particulier à Jacque Gallero qui anime des émissions sur Radio-Courtoisie. Beaucoup d'économistes qui se réclament de l'école autrichienne en France sont proches de Démocratie Librérale, le mouvement d'Alain Madelin. En Espagne, des économistes de la même tendance ont conseillé Monsieur Aznar, et en Italie, un ministre de Berlusconi. Aux USA, on retrouvait des néo-autrichiens proche de Donald Reagan.

    Pas sûr que tous ces économistes néo-libéraux s'accordent vraiment avec la social-économie de Bayrou et du MoDem... 

     Mais bon, quand on veut connaître un adversaire politique, il faut lire les écrits de ses penseurs. Et puis les théories de Mises ont quelque chose d'indiscutablement séduisant. Une fois l'ouvrage de Thierry Aimar fini, je prendrai alors le temps de critiquer les points qui me paraissent les plus contestables de cette théorie.

     

  • Les apports de l'école autrichienne d'économie (1) : Mises

    Sur la recommandation de "chris", l'un des lecteurs de ce blog, j'ai entamé la lecture du livre de Thierry Aimar, les apports de l'école autrichienne d'économie.

    Je n'ai pas encore abordé les positions spécifiquement économiques, mais, en revanche, je crois avoir cerné la problématique de ce courant, et elle est tout à fait fondatrice ensuite pour établir une théorie économique, pour autant que l'on puisse encore parler de théorie avec cette école, ou, tout du moins, avec Mises

    Si je n'ai pas compris de travers, Mises récuse catégoriquement l'idée que l'on puisse établir des lois théoriques sur la base de l'observation. Et, notamment, il s'oppose en cela à toute forme de physiologisme sociale, c'est à dire à la volonté d'appliquer dans le champ social les méthodes qui valent pour les sciences expérimentales, et ce, pour deux raisons fondatrices :

    - toute induction requiert une certaine régularité, or, selon Mises, cette régularité est étrangère au champ humain.

    - les phénomènes humains sont infiniment plus complexes que les expériences de laboratoire, et il paraît quasi impossible à Mises de leur établir des constantes. D'ailleurs, si l'on peut isoler des phénomènes en laboratoire quand il s'agit de sciences naturelles, c'est parfaitement impossible en sciences sociales. 

    Ainsi, la statistique fournit des données, que l'on peut exploiter en les interprétant, mais dont on ne peut dégager des lois, a fortiori encore moins des équations mathématiques applicables au social. 

    Mises fonde donc les sciences sociales sur deux niveaux de la pensée :

    - l'entendement, qui correspond en fait à la structure logique de l'esprit humain, et ce dernier nous délivre des catégories logiques qui peuvent nous permettre d'appréhender les phénomènes sociaux.

    - l'interprétation, qui correspond à nos efforts pour donner un sens aux faits historiques. 

    Bien entendu, toute interprétation est inféodée à l'usage de l'entendement. Tout établissement d'une théorie s'appuiera donc sur l'existence des catégories propres à l'esprit humain, mais il s'agit d'outils mentaux, et non d'un corpus de lois issus de l'expérience. 

    En somme, le rapport à la réalité est considéré sous deux angles :

    - introspection logique pour se servir de catégories existant a priori

    - confrontation de ces catégories à la réalité externe, avec tout ce qu'elle offre de résistances, et notamment de succès et d'insuccès. 

    Si une expérience peut annuler ou transformer ce que nous avons inféré d'une expérience précédente, rien, en revanche, ne peut anéantir les théorèmes issues a priori, sans effet de l'expérience, de l'esprit humain. En somme, ces catégories sont présentes car elles caratérisent l'esprit humain. On peut avancer sans trop extrapoler que la démarche de Mises se place sous le signe de Kant. 

    Il faut dire un mot de Menger, dont la démarche est fondatrice pour l'école autrichienne : même refus du positivisme et du holisme. L'objectif de Menger, c'est de reconstituer le processus par lequel des comportements et des stratégies individuels aboutissent à des phénomènes collectifs complexes. 

    Menger a également essayé de rechercher de régularités absolues s'imposant à l'esprit humain, afin d'entirer des lois empiriques. La démarche de Menger, c'est de découvrir des régularités dans l'enchaînement de variables au sein d'une réalité économique. Toutefois, cette approche revient, du point de vue de Mises à adopter la démarche inductive, et il l'a condamnée. C'est discutable, car pour utiliser une image aristotélicienne, il n'y a pas d'opposition chez Menger entre le réel et le conceptuel, mais plutôt un contraste entre la structure essentielle et la complexité de son expression dans le réel.

     Bon, tout cela est certainement un peu abscons pour le lecteur de passage sur ce blog, mais, en même temps, ces préliminaires ont une grande importance, car par la suite, toutes les actions humaines vont être considérées sous un angle aprioriste, c'est à dire que l'action représentera ce sur quoi reposera toute construction d'économie théorique.

    La science qui traitera donc l'action humaine aura pour nom praxéologie. Son objectif, c'est d'établir une sorte de grammaire de l'action humaine, sans traiter pour autant de ce qui est accidentel ou circonstanciel, de même que la grammaire en linguistique, ne traite que des catégories logiques : elle reconnaît par exemple les verbes mais ne s'occupe pas de leur usage particulier dans tel ou tel contexte.

    J'en suis là, et le prochain chapitre va me permettre de définir la praxéologie. Je crois que cette science sera tout à fait fondamentale, notamment quand elle va établir les fondamentaux de l'agir humain dans une réalité économique, et tout particulièrement de celui de cette espèce d'humains tout à fait aprticulière, en économie capitalisle, que l'on appelle entrepreneurs...

    Pas trop de matière à débats et remarques, pour l'instant, mais ça va venir, je le sens...