Sur la suggestion d'Isabelle, je viens de regarder l'émission d'Ardisson, le Boucan du Jour. Ardison a choisi de s'entretenir avec une jeune fille, Anne-Claire, et sa mère, Nicole. Anne-Claire a comme particularité d'avoir développé le syndrôme d'Asperger, une des nombreuses et multiformes manifestations de l'autisme. Anne-Claire a pourtant surmonté ce handicap d'origine et a su le sublimer pour en faire l'un des éléments les plus marquants et les plus charmants de sa personnalité. Elle est devenue en effet une belle jeune fille au langage aussi châtié que précis et aux pensées profondes.
La présentation d'Ardisson m'est toutefois déplaisante à plus d'un égard. Pourquoi sous-titrer à l'écran, Syndrome d'Asperger, rencontre du troisième type ? Cela signifie-t-il qu'il faut considérer que les autistes sont des extra-terrestres, puisque je suppose qu'il s'agit là d'une allusion au film fameux de Spielberg ?
J'observe que la plupart du temps, dans son entretien, Ardisson s'adresse surtout à la mère d'Anne-Claire, ne semblant pas relever les réponses de la jeune fille quand il l'interroge. A vrai dire, j'ai un soupçon quant à cette absence de réponse : ce qu'exprime Anne-Claire dénote une pensée philosophique, dans un langage riche et souvent complexe, avec, enfin, des références littéraires précises et peu communes. J'ai eu à plusieurs reprises l'impression qu'Ardisson ne comprenait pas Anne-Claire, faute de culture et même de vocabulaire, parfois...
Il y a une sorte de condescendance des présentateurs vis à vis des handicapés qui commence à me chauffer. Tenez, par exemple, cet abruti crétinoïde d'Hondelatte, qui vient pleurnicher à la suite de sa réception par Natacha Polony chez Ruquier et exige des excuses, ce qui ne l'empêche pas d'insulter tous les handicapés de France.
Je me suis intéressé de très près aux témoignages respectifs de Nicole et d'Anne-Claire quant à la vie d'Anne-Claire à l'école.
Je me demande ce que peut penser une mère, un père lorsque la maternelle finie, on leur fait savoir avec une brutalité inouïe que leur enfant ne peut pas, ne doit pas, passer dans une école primaire, mais aller "ailleurs". Oui : ailleurs. Ailleurs, quoi...
Si la France tarde à se montrer capable de prendre en charge des enfants différents, pour ma part, j'ai au moins observé qu'à l'école primaire, ce n'est pas faute de bonne volonté et de compétence des institutrices et des psychologues scolaires, qui accomplissent souvent un travail extraordinaire (il y a aussi des brebis galeuses, toutefois).
Il en va tout autrement au collège. Levée de boucliers de bien des enseignants qui seraient trop contents d'envoyer paître ailleurs ces éléments dérangeants, malhonnêteté et hypocrisie des administrations, des inspections, mais surtout du Gouvernement, qui se vante d'accueillir davantage d'enfants handicapés, mais en réalité, les déverse dans les collèges quasiment sans accompagnement, et enfin, pour couronner le tout, cruauté et méchanceté des congénères de ces enfants, qui rappelons-le, formeront le gros des troupes de l'humanité adulte quelques années après.
J'ai été très frappé des paroles d'Anne-Claire citant Jean Raspail et comparant les agressions, les humiliations, les obscénités subies à une veillée d'armes.
Ce dernier point relève d'une autre de mes antiennes : tenons pour responsables la racaille et les petits salopards de tout âge pour comptables de leurs actes. Je crois qu'au collège, passé 12 ans, on peut en effet commencer à leur faire sentir le poids des sanctions judicaires, même s'il serait bplus judicieux de commencer par appliquer strictement le règlement des établissements scolaires.
En particulier, l'école devrait se montrer impitoyable avec tout ce qu'il s'apparente à de la persécution et ne pas se contenter non plus de punir sévèrement les meneurs. Il faut taper, et fort, sur tout le groupe, quand un groupe de persécuteurs est identifié.*
J'en viens à quelque chose de plus positif : pour ceux qui s'intéressent au handicap en général et suivent ce qu'il se passe sur la Toile, ils ne devraient pas ignorer l'existence du blog d'Isabelle et des solutions qu'elle propose.
Au passage, je tire mon chapeau à Martine Aubry qui a pris la peine de répondre directement à la lettre que lui a adressé Isabelle à ce sujet.
Cela dit : ce que propose Martine Aubry ne me satisfait pas. Pour ma part, je suis résolument favorable au modèle d'école inclusive que prône Isabelle et notamment à son projet de classe à deux enseignants pour des enfants touchés par un handicap. Évidemment , il faudra convaincre les enseignants, sachant que pas mal d'entre eux poussent des cris d'orfraie à l'idée qu'un simple AVS mette les pieds dans leur salle de classe. Isabelle a d'ailleurs intelligemment calculé, et ce à plusieurs reprises, que l'école inclusive en sus d'être bien plus humaine et efficace que ce qui existe actuellement, coûte bien moins cher que l'hôpital de jour, dont on use et on abuse avec les enfants dont on ne sait pas quoi faire.
Bayrou avait, en 2007, des propositions intéressantes, qui rejoignent assez fortement celles d'Isabelle. J'ai apprécié, notamment, à cette époque, le refus de Bayrou de scincer le monde en deux, et je fais miens ses propos d'alors :
Je refuse de découper le monde en deux : les valides d’un côté, les handicapés de l’autre. Il faut en quelque sorte désincarcérer le handicap et proposer à la société un modèle qui soit simplement ouvert et universel. Je suis en forte rébellion contre le glissement vers une société pour les forts, où la loi de la jungle règne.
Ministre de l'Éducation Nationale, Bayrou avait ouvert beaucoup de classes d'intégration en école primaire, mais de mon point de vue, il demeure encore au milieu du gué : il faut aller plus loin et supprimer la classe d'intégration pour favoriser l'intégration. Une classe d'accueil d'enfants handicapés ne devrait plus être une classe d'intégration, mais une classe ordinaire avec un deuxième enseignant et un AVS si nécessaire.
Bayrou a parler juste en refusant une scission qu'il juge bien à raison dangereuse et artificielle. Mais il doit, pour 2012, accomplir sa pensée en allant jusqu'au bout de sa prescription. S'il le fait, il doit logiquement aboutir au projet qu'Isabelle défend...
Commentaires
César, merci pour cet article, qui, j'espère, va contribuer à faire avancer les choses.
Je vais écrire ici quelques précisions :
- Tout d'abord, on ne développe pas le syndrome d'Asperger, on naît avec, mais c'est en effet un trouble envahissant du développement.
- Le sous-titre de l'émission était quelque peu racoleur, mais avec le temps, j'ai appris que pour capter l'attention du public, il faut parfois mettre son idéologie un peu en sourdine.
- J'ai aussi remarqué l'étonnement de Thierry Ardisson en écoutant parler la jeune fille et en effet, sa pensée philosophique est si riche, son langage si précieux qu'il n'est pas donné à tout le monde de la comprendre. Mon mari néerlandophone me demande parfois de traduire les mots de notre fils de 10 ans, car lui aussi emploie des mots non courants, c'est typique de ce syndrome.
- Pour Hondelatte, la grosse boulette, du niveau de Guerlain à France 2, a été supprimée du podcast RTL du journal sur leur site, le reportage sur les manifestants en situation de handicap carrément podcasté à une autre rubrique, sans le malheureux retour en studio. Je comprends RTL. À l'heure qu'il est, je ne sais pas si Hondelatte a cru que le micro était fermé ou pas.
Je suis désolée de te contredire en ce qui concerne la prise en charge au primaire, car dans un récent sondage, une majorité d'enseignants rejette la scolarisation d'enfants handicapés à l'école ordinaire, ce qui est assez compréhensible quand on sait qu'ils n'ont pratiquement aucune formation pour, ni le support d'un encadrement paramédical/éducatif suffisant au sein de l'école. Je vais essayer de retrouver le lien de l'article pour le mettre dans un prochain commentaire.
En fait, pour bien commencer, l'inclusion devrait être pratiquée dès le début de la vie en société, à la crèche.
Car si on ne commence pas par le début, il est normal d'assister à des phénomènes de rejet au collège. Les adolescents sont aussi plus cruels entre eux. De plus, le passage au collège est très déstabilisant, étant donné la multiplicité des cours et des professeurs, déjà pour un enfant sans problème, alors...
Pour la lettre, ce n'est pas à moi que Mme Aubry s'adressait, mais au collectif Egalited, je n'ai servi que d'intermédiaire entre eux. Mais le collectif ne parlait que d'autisme, Martine Aubry a présenté d'autres propositions sur l'inclusion scolaire et le handicap en général qui complètent vraiment son programme. Il est dommage que ces projets très bien étayés aient été passés sous silence lors des débats de la primaire.
Merci pour la pub ! C'est une cause que l'annonce du handicap de mon fils, et surtout ses progrès grâce à l'enseignement belge, m'ont fait épouser.
En effet, et tu as raison de le souligner, Bayrou avait un programme de 2007 bien plus intéressant que celui d'aujourd'hui, notamment au niveau de l'inclusion.
Cela tranche particulièrement avec ce que j'ai vu sur son émission chez Drucker, où il montrait un groupe de personnes handicapées, sortant de leur atelier protégé pour aller jouer dans un orchestre protégé. Lieu de vie réservé, travail réservé, loisirs réservés, c'était très bien de sa part de tirer un chapeau à ces personnes, mais il aurait dû dire qu'il espérait pour elles les voir jouer dans un orchestre mixte à l'avenir, par exemple...Cela aurait été un bon début, et en conformité avec ses idées de 2007.
Pour la classe d'intégration (appelée abusivement ainsi hier, maintenant appelée encore plus abusivement - pour "coller" à la Convention Internationale des Droits des Personnes Handicapées signée et ratifiée par la France - classe d'inclusion alors que c'est une forme différente d'enseignement ségrégué, puisque les enfants sont à part), malgré mon idéologie qui me fait prôner l'inclusion complète, j'ai pu constater avec la réalité du terrain qu'il ne faut pas y renoncer. Certains enfants ne se font pas à l'inclusion complète. Leur ego en prend un coup quand ils voient qu'ils ne sont pas capables de suivre le programme scolaire de leurs camarades, par exemple.
Cependant, cette classe spécialisée (le terme est plus juste) doit toujours exister au sein des écoles ordinaires,à côté de classes réellement inclusives, (c'est-à-dire une classe ordinaire où un groupe d'élèves à besoins spécifiques sont inclus), car la classe spécialisée permet une intégration pour les activités autres que purement scolaires, les matières comme le sport, les travaux manuels, la cantine... On peut alors parler d'intégration sociétale.
Je vais chercher le lien sur le sondage des enseignants et si hautetfort veut bien les publier cette fois-ci, tu pourras les lire.
Un rajout : je viens de relire les propositions de 2007 de Bayrou: à la fin, il dit : "Dans le cadre de l’activité universelle, ouverte aux titulaires de minima sociaux, et du service civique rendu par tous les jeunes Français, de nouvelles formes de prise en charge et d’accompagnement des handicapés seront rendues possibles."
Si ces sortes d'emplois aidés peuvent venir compléter l'encadrement, oui, mais il ne faut pas négliger l'encadrement vraiment professionnel (paramédical et éducatif) pour cela. Et jamais sans formation. En Belgique, dans l'enseignement spécialisé ou ordinaire inclusif, le personnel paramédical et éducatif dépend du ministère de l'enseignement, nous avons aussi des emplois aidés.
Voilà, j'ai retrouvé le lien du sondage, effectué à propos de l'autisme :
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/03/25/01016-20110325ARTFIG00424-les-enfants-autistes-prives-d-ecole.php
Grand merci et suis heureuse de voir ici une page donnée à Isabelle.
La France et le Handicap... changer le regard de chacun déjà.
Vous vous souvenez de la phrase de fin d'émission donnée par cette jeune fille, sur la normalité ?
Heureuse de te voir ici Dany :)
Un thème qui te tient à coeur à toi aussi, je crois.
L'accueil en classe normale n'a pas posé de souci majeur dans l'établissement d'un de mes enfants car il fut couplé à un projet de lutte contre la violence, mais aussi à des conférences et tables rondes corps enseignant parents et spécialistes pour que l'accompagnement soit collectif. Le plus gros souci pour certains handicaps fut l'accessibilité en termes physiques aux locaux.
@+ sur ton blog
Merci Dany, peux-tu nous donner la dernière phrase ici ? Ma connexion à la vidéo a lâché sur les derniers mots justement
César, vous renvoie à un de mes commentaires:
@L'hérétique,
Dans la lignée de ces xx dernières années et puis ne se sont point indignés des terminologies utilisées pour les nouvelles évaluations en maternelle ;) peu importe qu'il s'agisse d'un document de travail, les mots ont un sens: aussi les "RAS, à risque, à haut risque" me paraissent scandaleux.
Parfois, certains parents ou assos de parents seraient avisés de refléchir plusieurs fois à l'interprétation qui pourrait etre faite de leurs attentes! @@@
M. Ardisson, fut le propagateur de la "France a peur" aux environs de 2005, là...Pour aider LC and co, pour une nouvelle forme de classification? Car auparavant, il conviendrait de ne pas oublier, les "histoires génétiques et de tracabilité familiales" au sein de l'éducation".
L'ai trouvé trop sympa le Ardisson là^^^.
La dernière phrase évoque la normalité : Anne-Claire dit que le summum de ce que l'on peut désirer n'est pas dans la normalité.
Merci César. C'est un sujet de philo...
Interview très émouvante ! Au début Ardisson semblait mal à l'aise en effet et donnait l'impression de ne pas trop comprendre la terminologie employée. J'avais envie de le traiter d'abruti lorsqu'il a prononcé le terme de "stimuler" en s'adressant à sa mère et qu'Anne-Claire en a grimacé de douleur, comme si c'était une insulte ou un mauvais souvenir... Mais à la fin il me semble qu'on peut constater chez lui une nette progression, on le sent admiratif et même assez secoué.
Aujourd'hui j'ai déjeuné avec mes deux frères et l'une de mes belles-soeurs m'a justement parlé de son job d'AVS. En ce moment elle aide un enfant de cinq ans mal-entendant et adore sa place. Effectivement toute la classe de maternelle profite de sa présence et cela se passe très bien avec l'institutrice.
Ah, Francoise tu dois te souvenir de certaines de mes interventions passées quand à la langue des signes^^^ ici meme! Et pas récentes.
Mais je me souviens aussi farpaitement des tiennes, ici là ou ailleurs... :ppp
La société en général n'aime pas les gens différents tout simplement.
Cette jeune fille est tout simplement extraordinaire.
Quant à la méchanceté des enfants envers ceux qui sont handicapés ou tout simplement obèses, est inimaginable.
mon fils a subit ce type comportement durant 1 an et 6 mois, il ne disait rien et pire je n'ai rien vu jusqu'à qu'un jour, il craque et pleure comme jamais.Voir son fils sangloter me mis hors de moi.
J'ai demandé à voir, la proviseur, réponse nous recadrerons l'élève et c'est tout.
J'ai du menacer d'intervenir pour que le tourmenteur soit exclu temporairement.
Voilà, petit témoignage mais peut démontrer que la différence même insignifiante peut apporter de la souffrance.
Bonjour, Grandpas, oui toutes les différences sont sujettes à rejet et malveillance. C'est un problème d'ordre général.
Une sensibilisation à la différence devrait être enseignée, au sein de la famille et de l'école.
Dès le primaire ici, nous avons des cours de philosophie, au choix des parents morale non religieuse ou religion au choix (les principales religions) où l'altruisme s'apprend, eh oui, car cela n'est pas toujours complètement inné.
Voici à destination des écoles un jeu de sensibilisation au handicap pour les enfants :
http://www.bruxelles-integration.be/pdf/actu/soliterre.pdf
Pour accepter nos différences, il faut vivre ensemble dès le plus jeune âge, et cela s'apprend aussi, au moins en partie, il ne suffit pas d'être devant la situation de fait.