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Paradis fiscaux : les îles Caymans battues par la France ?

Passionnant l'entretien qu'Éric Desmorieux, avocat fiscaliste du cabinet Aurélia, a donné au magazine l'Expansion.

Quand le grand public a pris connaissance du montant réel des impôts payés par Lilianne Bettencourt, au regard de sa fortune, on a entendu un haro généralisé contre le Bouclier fiscal. Tu parles Charles...ça vaut tripette ce bouclier, en fait.

Liliane Bettencourt paie peu d'impôts non en raison du bouclier fiscal mais parce qu'elle a placé ses sous dans une holding. Très pratique, la holding : détenez 51% d'une holding qui détient 51% d'une société et vous la contrôlez avec 26% de son capital au total. Fort, non ? Bien évidemment, je ne rentre pas dans les calculs astucieux qui mèneraient à détenir 51% d'une holding qui contrôle 51% d'une autre holding qui contrôle elle-même 51% d'une autre holding...la mise en abyme, vous connaissez ?

Ce n'est pas tout : ces petites bêtes-là ont une écologie fiscale des plus frugales ! En France, c'est l'argent qu'on retire de la holding qui est considéré comme un revenu imposable. De manière générale, en Europe, les holdings bénéficient depuis fort longtemps d'une fiscalité spécifique et avantageuse (depuis 1924, par exemple, en France). Tenez, par exemple, le taux d'impôt sur les sociétés de 33.3% ne s'applique qu'à 5% des dividendes seulement. Taux final d'après Éric Desmorieux, 1.66%. Qui dit mieux ?

Gauchistes qui lisez ce billet (libéraux, ne vous étranglez pas non plus, vous qui croyez que la France est le pays de la taxe par excellence), munissez-vous d'un défibrillateur pour éviter l'infarctus mortel, car voici ce que conclut Éric Desmorieux à propos de la fiscalité de la France :

Quand on gagne énormément d'argent, et quand on a les moyens de s'offrir un spécialiste de l'optimisation, la France peut avoir des allures de paradis fiscal.

Et Nicolas qui s'interroge sur la destination préférée des entreprises étrangères...

Bon, nuançons tout de même le propos : l'argent de la holding n'est pas (ou peu) imposé...tant qu'il demeure dans la holding ! Le problème, c'est trouver quoi faire de la holding par la suite. Parce que le jour où il faudra liquider les droits de succession, là, en revanche, ça va faire mal. A moins d'avoir trouvé une solution entre temps. En terme d'impôts, on est donc plutôt dans le cadre d'un impôt différé que d'une authentique optimisation.

Rassurez-vous, Gauchistes qui allez pouvoir hurler au loup, et Libéraux qui reprendrez votre souffle, l'optimisation fiscale n'a pas dit son dernier mot :

La holding patrimoniale est votre totem ! Créez une holding pour vos enfants en répartissant astucieusement ses parts. Vendez les titres de votre société à la holding qui pourra au passage emprunter pour les acheter et paiera les échéances avec les dividendes des titres achetés. Vous avez compris ? Si vous n'avez pas compris le raisonnement, vous êtes des lumpen-gauchistes ou des libéraux ratés, tas d'andouilles : rien ne se transmet directement entre vous et vos héritiers, donc pas de droit de mutation. Hurlez, gauchistes qui allez pouvoir promettre la corde au Gross Kapital, réjouissez-vous, libéraux, le tour est joué ! Eh oui, tout cela se passe en France...

En revanche, en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, il ne faut pas oublier que les sociétés dont la holding détient des parts l'ont payé, elles ! Je n'évoque pas non plus l'ISF qui vient s'ajouter à tout cela. S'il faut calculer in fine le taux vraiment acquitté, je pense qu'on est à largement plus de 1.66...

Ce n'est pas grave : il doit y avoir d'autres astuces, mais je ne suis pas fiscaliste, alors je me contente de choses simples...

Cela dit, si Liliane veut déshériter sa fille (elle a brandi l'arme atomique), je suis certain qu'il y a des techniques. Personnellement, je penche pour la création d'une Fondation (radical pour régler ses comptes avec sa famille), mais je crois qu'une militante MoDem a quelques suggestions à faire de son côté...

Commentaires

  • Les holding et dividendes sont peu taxés car le bénéfice qui a généré les dividendes a DÉJÀ été taxés par l'impôt sur les bénéfices de 33% (et on évite donc de re-taxer plusieurs fois le même revenu, ce qui serait inéquitable).

    Il y a une décennie la double imposition était évitée par l'existence d'un avoir fiscal, remplacé depuis par différents mécanismes de réduction plus pénalisants qui font croire à certain que ces revenus sont peu imposés.

    En vérité la taxation est lourde si on prend en compte toute la "chaine" d'imposition qui part du bénéfice brut pour aboutir au dividende net d'impôt touché par l'individu. Malheureusement personne ne prend la peine d'expliquer cette complexité fiscale, et la presse de ne retenir que des taux d'impositions bas mais partiels dans le but de pousser certains agenda politiques.

  • @Jeff
    Oui, c 'est bien ce que j'entends dans mon avant-dernier paragraphe.

  • Il n'y a pas que le Canard pour dire que la France est un endroit bien pour les entreprises, pour les investissements étrangers


    http://www.lexpansion.com/economie/actualite-economique/la-france-troisieme-terre-d-accueil-des-entreprises-etrangeres_235935.html

    http://www.usinenouvelle.com/article/la-france-territoire-industriel-le-plus-attractif-d-europe.N135778

  • Je joue mon rôle de gauchiste " Such a shame !"

  • Mince ! c'est la première fois que je me fais traiter de lumpen gauchiste...

  • @Didier
    vous n'avez rien compris à ce point ?

  • Constater : tout le monde le fait
    Dénoncer : certains le font ( merci l'hérétique)
    Agir : personne ne le fait

    répondre à ce billet et sur le même thème - à quoi cela-sert-il

    Pour ma part j'ai 54 ans, une épouse plus jeune et 2 enfants de 12 ans il est hors de question que je leur laisse un monde aussi malsain que celui que je connais aujourd'hui

  • Valeur totale du patrimoine des Français : de l'ordre de 10000 milliards d'euros.

    Taux de l'ISF : jusqu'à 2% (ce qui est élevé, d'ailleurs ; cela doit correspondre, sur le long terme, au rendement net d'inflation d'une fortune bien gérée).

    Quel est le taux moyen d'imposition de ces 10000 milliards ? Comme la fortune est ... concentrée sur les plus fortunés, on pourrait attendre un taux proche de 2%. Au minimum, 1%. Ce qui ferait rentrer 100 miliards / ans dans les caisses de l'Etat.

    L'ISF rapporte moins de 4 milliards.

    Le "taux de coulage fiscal" (évasion, niches, bouclier etc.) serait donc, très approximativement, supérieur à 96%.

  • Ton raisonnement ne tient pas du tout. Tu appliques ces 2% à la totalité du patrimoine français et non aux patrimoines qui dépassent 750 000 euros.

    Il y a une espèce de hargne à vouloir taxer la richesse en France qui m'agace, et pourtant, je ne fais vraiment pas partie des gens riches...

  • Mais si, il tient très bien ;-)

    Comme je l'ai écrit, la fortune est très concentrée. Peu de gens en possèdent une fraction importante. Par exemple, de mémoire, environ 98% des héritages sont en-dessous du seuil de taxation.

    J'ai donc pris comme estimation du taux moyen, non pas 2% comme tu l'écris, mais 1%.

    La conclusion aurait été la même, note bien, si j'avais retenu 0,5%...

    Au passage, je ne me crois pas hargneux contre la richesse (???). J'ai même écrit, juste ci-dessus, que je trouvais le taux de 2% élevé puisqu'il revient à prélever, selon mon estimation au pif, la totalité d'un rendement raisonnable. C'est même l'un des taux les plus élevés du monde en matière d'imposition sur la fortune. Je trouverais très légitime de le réduire à 1%.

    Le problème est que l'ISF ne s'applique pratiquement pas dans les faits ! puisqu'il rapporte environ 25 fois moins que ce qu'on pourrait raisonnablement attendre d'un ISF modéré.

  • À l’exception notable de la CSG/CRDS, il existe en France (comme dans tous les pays) des mécanismes fiscaux pour empêcher la « double imposition ». C’est le cas pour les dividendes, où notre ancien système d’avoir fiscal a été remplacé par un abattement sur les dividendes reçus de 50 %, mais le mécanisme revient au même !

    Il est donc inexact de répéter que Mme Bettencourt ne paye que 9 % d’impôts. En réalité, elle paye 9 % + 33, 1/3 % (IS déjà acquitté sur les bénéfices), ce qui porte son taux d’imposition à 42, 1/3 %, c’est à dire quasiment le taux marginal maximum possible (CSG et CRDS incluses) !

    Il en est de même pour les sociétés holdings (ou autres) qui reçoivent des dividendes d’autres sociétés soumises à l’IS… L’IS ayant déjà été acquitté par la société distributrice, elles ne payent l’IS que sur 5 % des dividendes reçus… On remarquera d’ailleurs à ce propos que ce n’est pas très « économique » de faire « transiter » des bénéfices dans d’autres sociétés soumises à l’IS, puisque cela porte à 34,44 % le taux d’IS initial qui n’est que de 33, 1/3 % !

    Enfin, les montages avec des sociétés de gestion patrimoniale n’ont pour seuls effets que de différer et d’étaler l’IR (son seul complément par rapport à l’IS), mais en aucune manière de s’y soustraire. Ils permettent, par ailleurs, d’effectuer de nouveaux investissements ou prises de participations, nets d’IR complémentaire. Cela permet donc « d’économiser » à la marge 0 à 15 % d’IR complémentaire, mais jamais plus… Ils ont d’autres « avantages » pour l’ISF ou la gestion des successions, mais très franchement ce n’est pas ce qu’on fait de mieux en matière « d’optimisation fiscale », du moins tant que ces sociétés restent françaises.

    Je ne sais pas si monsieur Desmorieux sait bien compter ou si ses propos ont été déformés, mais, en l’état, je ne lui confierais jamais un client…

    Il y a déjà bien assez de raisons de s’indigner, sans en plus, en rajouter qui n’existent pas.

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