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Europe et identités nationales

Flaminia Bussacchini, adhérente démocrate, membre d'un groupe de travail du MoDem sur l'Europe, nous fait l'honneur de publier sur notre blog cette réflexion sur la construction de l'Europe.

L'Europe s'est construit et a trouvé sa principale raison d'être sur les ruines laissées par les Etats européens nationalistes. Elle s'est principalement construit contre les nationalismes des Etats coupables des pires horreurs et tragédies humaines. L'Europe s'est donc fondée sur le principe selon lequel il fallait transcender nos propres identités au bénéfice d'une plus fédératrice, civilisatrice, moins partisane parce-que portée par l'intérêt commun, l'identité européenne.
Le principe unitaire était que plutôt de se faire la guerre, il fallait travailler ensemble et faire la paix. Le projet commun était l'Union sans cesse croissante entre tous les peuples. En fait, l'identité européenne émergerait quelque part d'un principe utilitariste: les hommes étant devenus raisonnables et rationnels, cette identité européenne se forgerait au fil des ans et serait la résultante d'un constat, ayant travaillé ensemble, les ressortissants européens comprendraient ce qui les lie et se forgeraient une nouvelle identité basée sur l'intérêt commun. L'identité européenne se basait sur le principe de la raison contre celui de la déraison portée par les nations.

Or, la globalisation et ses transformations économiques et sociales sans précédent, l'uniformisation des modes de vie ont accentué la crainte chez de plus en plus de citoyens de la perte de repères, de la dilution de la souveraineté nationale au profit d'entités perçus comme étant technocratiques et anti-démocratiques. Qui plus est, l'élargissement à douze nouveaux Etats européens a considérablement changé la donne. Font désormais partie de l'Europe des Etats qui ont fait le choix d'autres modèles économiques, sociaux et sociétaux, accentuant l'hétérogénité des situations et des spécificités nationales. La base de ce socle commun devient de moins en moins homogène, stable et appelle à différentes interprétations.

Le principe utilisariste qui a fondé l'identité européenne trouve quelque part ses limites dans la mesure où toute société requiert un affectio societatis -quelque part un élément qui ne relève pas de la raison mais de la volonté de vivre en commun. Et cette volonté de vivre en commun se fonde sur une communauté de partage et de destin. Quelque part, si les ressortissants européens se déclarent européens, se sentent-ils pour autant partie d'un même destin, commun à l'ensemble des peuples d'Europe?

De manière remarquable, l'identité européenne a quelque chose d'un négatif. Elle se forge contre quelque chose et elle se ressent quand elle est opposée à d'autres choix, d'autres modèles de société. Je ne me suis jamais sentie aussi européenne -et surtout fière d'être européenne - que quand j'étais aux Etats-Unis. Là je me suis rendue compte que nous défendions un autre modèle de société et de civilisation, qui nous est propre et fait notre richesse. mais c'est aussi ce modèle qui force l'admiration d'autres régions du monde, qui nous l'envie et qui souhaitent s'en inspirer. L'ironie dans l'histoire est qu'au sein de nos frontières, nous avons du mal à trouver cet affectio societatis mais qu'en dehors de nos frontières nous comprenons réellement sa valeur et spécificité et combien ce modèle exerce un force d'attrait incroyable sur d'autres peuples et nations.

Comment sortir de ce dilemne? L'Europe de demain c'est une Europe qui accepte les sentiments nationaux, qui ne se fonde plus sur leur négation ou condamnation sous prétexte que ces sentiments exacerbent la part de toute homme, celle de la folie, de l'irrationnel. C'est une Europe qui reconnait ses diversités nationales, qui fait une place à tous dans l'idée que notre richesse vient de notre diversité. Et que l'un n'exclut pas l'autre, au contraire. Le ciment de l'Europe de demain viendra à mon sens de sa capacité de projection sur la scène internationale. En défendant sur la scène internationale les valeurs en lesquelles elle croit, elle donnera un sens, une raison d'être "positive" cette fois à son action. Nous vivons un moment historique, une formidable fenêtre d'opportunité de faire entendre la voix de l'Europe, cette Europe qui depuis si longtemps a toujours défendu et promu un modèle de société où l'homme est au centre. Elle a cette chance extraordinaire d'influer sur le cours du monde et en même temps de rendre de la fierté à ses peuples et de leur donner à croire en un destin commun.

Commentaires

  • Et si on mettait l'Européen au centre de l'Europe ?

    http://skeptikos.hautetfort.com/archive/2008/07/23/chapitre-2-pour-la-reconnaissance-du-citoyen-europeen.html

    La lecture des peuples par le biais des Etats n'est pas forcément pertinente : est que le peuple (exemple) lituanien est né avec la Lituanie ou que le peuple (ex.) tchécoslovaque a cessé d'exister à la séparation des deux Etats ?

    Débat nécessaire en tout cas.

  • Venez passer la nuit d’Halloween au Musée de la Sorcellerie (18)

  • L'histoire de l'union européenne est récente (50 ans)alors que celle des pays qui forme L'UE est très très ancienne. la notion de peuples européens est donc dès lors une réalité qu'il faut savoir gérer.

    je trouve donc le propos de Flaminia Bussacchini assez logique et en particulier cette idée "L'Europe de demain c'est une Europe qui accepte les sentiments nationaux, qui ne se fonde plus sur leur négation ou condamnation sous prétexte que ces sentiments exacerbent la part de toute homme, celle de la folie, de l'irrationnel. C'est une Europe qui reconnait ses diversités nationales, qui fait une place à tous dans l'idée que notre richesse vient de notre diversité".

    d'ailleurs tout ceci ne se retrouve-t-il pas dans la devise de l'UE « In varietate concordia » (unis dans la diversité )

    la notion même d'identité européenne est récente car l'UE s'est d'abord construite sur un plan économique ... les symboles et autres valeurs qui se rapprochent de ceux d'un état sont apparus bien après.

  • Bonsoir europium.

    Je ne dis pas que les propos de ma collègue démocrate sont illogiques. Je me limite à pointer quelques (à mon avis) contradictions.

    Vous dites, justement, que l'histoire de l'Union (Communauté Economique, puis Communauté) est récente. C'est indiscutable. Cependant, l'histoire de l'Europe et de sa culture est très ancienne. Ce qui fait de moi (exemple) un européen ce n'est pas le fait d'avoir un passeport communautaire dans ma serviette.

    C'est le fait de partager (au moins) deux millénaires et demi de création de pensée, d'art, de "visions du monde".

    Unis dans la diversité, bien évidemment. Mais est-que la diversité s'arrête aux niveau des Etats ? Il y a moins de différences entre moi (d'origine sicilienne) et un breton qu'il y en a entre moi et un piémontais (j'ai vécu dans les deux régions) : pouvons nous construire un système reconnaissant la valeur de la différence sur la base d'une négation "à priori" de niveaux d'identités.

    Je n'ai pas la prétention d'y avoir une réponse définitive.

  • Cet exposé est remarquable par sa limpidité.
    Je m'y retrouve.
    Ma réflexion est aussi fondée sur le fait qu'au-delà des peuples, il convient de jeter concrétement les bases d'une citoyenneté commune.
    Celle reconnue par Maastricht n'a été qu'une ébauche avant tout que "technique".
    Les valeurs qui nous sont propres sont à identifier, formaliser puis à vulgariser pour permettre à chaque citoyen d'en faire les signes.
    Je pense que ce sera une oeuvre de longue haleine qui devrait s'appuyer sur une sensibilisation des petits européens dès leur plus jeune âge.
    Des actions possibles ?
    - systématisation des jumelages inter-écoles. Je pense à des jumelages sur la très longue durée d'une classe d'âge de deux collectivités (primaire puis secondaire voire supérieur). L'OFAJ (Office franco-allemand de la jeunesse) ne l'oublions pas est antérieur aux Traités de Rome.
    - plus utopiste, ce serait d'imaginer l'apprentissage de l'espéranto comme langue d'échange. En faire une seconde langue d'échanges commune à tous les peuples ne serait-ce pas un sacré défi ? Et quelle belle perspective alors d'ici une à deux générations, d'imaginer que l'Union pourrait en faire sa langue de travail !!! L'Europe a parfois commencé à se concrétiser à partir d'utopies.
    Utopio ?

  • @Claudio,
    J'aime assez votre approche qui souligne que la diversité ne réside pas simplement dans les Etats.
    Notre environnement nous faconne aussi quand vous faites état de certaines affinités, je n'en suis guère étonnée et je suis presque certaine que vous pourriez vivre avec autant de plaisir dans bien d'autres régions d'Europe pour autant que vous retrouviez un peu de ce qui constitue vos racines.
    Comment diviser alors? Peuple de la mer, peuple des montagnes, peuple des villes...?

  • L'Europe a été construite sur un modèle copié des Etats-Unis, je crois. Comment fédérer tant d'Etats en peu de temps, sans doute est-ce pour cela que le modèle américain a été utilisé...tout ceci dans une précipitation irréfléchie
    Du coup,nous avons perdu notre histoire, nos frontières, notre culture,notre langue, nos codes de bonne conduite, notre honorabilité, nos valeurs chrétiennes, etc, etc.......
    J'ail 'impression d'assister à ce qu'un cancérologue intitulerait en cancérologie, la phase de promotion d'un cancer.......perte de frontières entre les différentes cellules,perte d'identité des cellules spécialisées au profit des cellules malignes, sans identité propre, mais dévoratrices. La globalisation, c'est cela.

  • Waw, j'apprécie votre travail, merci de partager ces astuces et notez dans un 1er temps que je suis entièrement d'accord ! Bref, votre billet est sincèrement bien bon, j'ajoute votre site à mes bookmarks... NB : Je vais prendre un peu de temps pour cogiter à tout ça.

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