Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La vérité sur la dette et sur nos dépenses

Jegou.jpgJe suis tombé sur une intervention très intéressante, datant du 08 juillet dernier au Sénat, de Jean-Jacques Jégou, sénateur UDF-MoDem.

Evoquant la LOLF et la présentation des comptes par Eric Woerth, Ministre du Budget, il s'étonne de "l'optimisme" de ses interlocuteurs. On comprend mieux pourquoi après les remarques qu'il effectue ensuite sur la réalité de la dette...

J’en viens maintenant aux résultats budgétaires pour l’année 2007.

Le chiffre officiel du déficit budgétaire pour l’année 2007 est de 34,7 milliards d’euros ; encore faudrait-il y ajouter le produit de la cession des actions d’EDF, ce qui le porterait à 38,4 milliards d’euros. C’est d’ailleurs ce chiffre que vous avez choisi de commenter, monsieur le ministre, et je rends hommage à l’effort de transparence et de lucidité dont vous avez fait preuve sur ce point.

Ce résultat est très loin d’être satisfaisant pour au moins deux raisons.

D’une part, si on le compare au solde de l’année 2006, qui était de 39 milliards d’euros, en prenant en compte l’incidence de la modification du calendrier de versement des pensions des agents de l’État, on constate que le résultat ne s’améliore que de 0,6 milliard d’euros.

D’autre part, malgré une augmentation globale des recettes pour 2007, ce solde n’est, par rapport à la loi de finances initiale, qu’en amélioration de 3,6 milliards d’euros – 7,3 milliards d’euros si l’on ne tient pas compte des cessions de titre EDF.

Enfin, ce déficit budgétaire symbolise la fin d’une trop lente diminution du poids du déficit public dans notre économie puisque, pour 2007, il représente près de 2,7 % du PIB, après 2,4 % en 2006. Cette augmentation de 0,3 point est imputable pour 0,2 point à l’État et pour 0,2 point aux collectivités territoriales – je ne reviendrai pas sur les propos de M. le rapporteur général sur la responsabilité des collectivités territoriales –, l’administration de sécurité sociale apportant une contribution positive de 0,1 point, grâce principalement à un déficit moindre que prévu, et plus précisément grâce à la branche chômage.

En outre, et comme l’a très justement pointé la Cour des comptes dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l’État pour 2007, un certain nombre de points qui aggraveraient la situation de ce solde n’ont pas été pris en compte. La Cour a particulièrement souligné les dépenses qui auraient dû être payées en 2007 mais qui ont été reportées, souvent en raison de l’insuffisance des crédits ouverts, sur l’exercice 2008, à hauteur de 5,5 milliards d’euros, celles qui ont fait l’objet de présentations visant à les faire apparaître en dehors du budget, évaluées à environ 5,7 milliards d’euros. La Cour des comptes cite par exemple l’extinction des impayés à l’égard du régime général de sécurité sociale, pour 5,1 milliards d’euros, et le remboursement des primes d’épargne logement. La Cour rappelle également le niveau élevé des recettes non récurrentes mobilisées au cours de l’exercice, atteignant 6,6 milliards d’euros.

Si le solde pour l’année 2007 paraît stabilisé par rapport à 2006, de nombreux efforts de présentation et d’écriture ont dû être réalisés afin d’atteindre ce résultat. Je ne peux que regretter que ce projet de loi de règlement ne reflète pas la réalité budgétaire de nos comptes, certes par souci d’authenticité, mais aussi par souci de réalisme au regard de notre situation financière. Ce réalisme nous sera nécessaire pour mener des réformes courageuses et faire comprendre aux Français leur aspect inéluctable.

Ces oublis ne remettent pas totalement en cause la sincérité budgétaire de ce projet de loi, mais ils entachent sérieusement le principe défini à l’article 32 de notre chère constitution financière qu’est la LOLF.

Quant au solde primaire, qui peut nous renseigner sur la bonne gestion de l’année examinée sans la pollution des dettes accumulées auparavant, on peut noter qu’il est très légèrement positif à 1,16 milliard d’euros. À la lumière de ce que je viens de dire sur la sincérité budgétaire, et avec la perspective d’une élévation des taux d’intérêt, cet équilibre sera lui aussi bien précaire et en tout cas difficile à conserver dans les années à venir, compte tenu de la conjoncture mondiale.

Je n’aurai pas la prétention de citer l’ensemble des problèmes qui concourent à ce résultat. J’insisterai sur ceux qui concernent essentiellement les dépenses publiques.

Monsieur le ministre, vous avez choisi de ne pas augmenter la pression fiscale, compte tenu de notre niveau de prélèvements obligatoires. Notons tout de même que le dynamisme des recettes totales est considérablement ralenti, avec une faible progression de 0,9 % en 2007, et que les recettes fiscales sont en quasi-stagnation depuis quatre ans, pour les raisons qu’a rappelées M. le rapporteur général.

Le taux de prélèvements obligatoires se replie de 0,6 point, à 43,3 % du PIB, mais reste très élevé, supérieur de 4,1 points de PIB à celui de la moyenne des pays de l’Union européenne à quinze et de 8 points de PIB à celui de la moyenne des pays de l’OCDE. Ce taux a augmenté de près de un point sur les dix dernières années, alors que d’autres pays, qui avaient un taux de prélèvements obligatoires déjà inférieur au nôtre, l’ont diminué. Ainsi, l’Allemagne a aujourd’hui un taux inférieur de 9 points au nôtre.

Concernant les dépenses de l’État, on peut se féliciter qu’au total les 270,6 milliards d’euros soient formellement contenus dans l’enveloppe votée par le Parlement en loi de finances initiale et qu’ils ne soient qu’en augmentation de 0,6 % par rapport à l’année 2006, ce qui correspond à une véritable réduction en volume des dépenses de l’État. Ce résultat est obtenu au prix de quelques artifices d’écriture, mais c’est la même chose tous les ans. On peut donc penser, monsieur le ministre, que vous êtes un peu plus vertueux, quoique l’on pourrait tout de même vous attribuer la mention : « Peut mieux faire ! »… Je sais, ce n’est pas facile ! (Sourires.)

Au demeurant, la présentation qui en est faite présente encore quelques insuffisances. Je ne remets pas en cause l’honnêteté des gestionnaires publics mais, pour respecter le principe de sincérité, il est nécessaire d’avoir une présentation exhaustive des dépenses.

Permettez-moi maintenant d’évoquer quelques problèmes.

La dépense brute de l’État augmente trop rapidement, y compris les prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales, qui ont progressé de 3,2 % en exécution entre 2006 et 2007, alors que les prélèvements au profit de l’Union européenne sont en stagnation ; ils devraient malheureusement croître, eux aussi, à partir de cette année.

On peut également évoquer la prime pour l’emploi, qui, comme chaque année, constitue non pas une dépense, mais un prélèvement sur recettes, au sens budgétaire du terme. Par boutade, je serais tenté de dire que l’on devrait la tripler ou même la quadrupler et supprimer d’autres dépenses afin de satisfaire nos engagements. La non-prise en compte de la prime pour l’emploi contribue à la non-sincérité des comptes qui nous sont présentés.

II est facile d’évoquer, là encore de façon lancinante, les sous-budgétisations. Comment ne pas penser aux opérations militaires extérieures, les OPEX, au moment où notre armée est en pleine crise et avant que soit mise en place la prochaine loi de programmation militaire –  cet automne nous l’espérons. Les dépenses consacrées aux OPEX ont presque atteint un montant double de celui qui avait été budgété : 685 millions d’euros en exécution contre 375 millions d’euros en loi de finances initiales.

Nous ne pouvons plus que diminuer nos dépenses. Nous devons donc non seulement faire des choix clairs de politiques publiques, mais également être très vigilants quant à leur efficacité.

Finalement, à quel résultat aboutissons-nous ? Le déficit budgétaire ne se réduit que trop faiblement, mais aussi et surtout la dette publique continue de croître inexorablement.

La dette de l’État représente 77 % de l’ensemble de la dette publique. L’augmentation de l’encours enregistrée en 2007 a retrouvé un niveau comparable aux années 2004 et 2005. Par ailleurs, la dette des administrations publiques a atteint 1 209 milliards d’euros à la fin de 2007, soit 64,2 % du PIB, ce qui correspond à une augmentation de 0,6 point de PIB par rapport à 2006.

Au-delà de ce montant inacceptable, tant il met en jeu l’avenir des générations futures, je déplore un retournement de tendance peu rassurant pour nos finances publiques et pour notre économie. M. le rapporteur général vient d’ailleurs de nous faire part de son inquiétude. Je tiens à rappeler que la présentation qui est faite occulte les engagements financiers pris par l’État, qui constituent ce que l’on appelle la « dette implicite ».

II serait plus sincère, là encore, de présenter le montant des engagements hors bilan. Ainsi, les pensions civiles et militaires, les régimes spéciaux, les partenariats public-privé ou encore les prêts à taux zéro atteignent, monsieur le ministre, 1 200 milliards d’euros. Ces engagements doublent donc quasiment la dette officielle.

On peut à cet instant remarquer que, dans l’ensemble de l’Union européenne, le déficit et la dette des administrations se sont réduits.

Enfin, comment terminer cette intervention sans évoquer nos engagements européens. Depuis une semaine, notre pays a pris la présidence du Conseil de l’Union européenne. Nous nous devons donc d’être exemplaires dans tous les domaines, mais peut-être plus encore en matière de finances publiques, tant les remarques qui nous ont été faites, déjà, à ce sujet ont été nombreuses.

La loi de règlement pour l’exercice 2007 témoigne de facilités qu’il faudrait éviter pour notre avenir et celui de nos enfants, d’autant plus si nous souhaitons respecter les engagements que notre pays a pris à l’égard de ses partenaires européens, à savoir ramener le déficit public à 2,3 % du PIB à l’horizon 2008 et revenir à l’équilibre budgétaire en 2012, même si nos amis de la zone euro nous le demande pour 2010 !

Voilà quelques mois, le président de l’Eurogroupe, M. Jean-Claude Juncker, nous exhortait à maintenir nos efforts en matière budgétaire. Il a ainsi rappelé « l’avis, unanimement partagé, que la France devait renforcer sa consolidation budgétaire et réduire le niveau de ses dettes ».

Nous partageons, j’en suis sûr, monsieur le ministre, la même volonté de ne pas faire payer par les générations à venir nos inconséquences actuelles. J’ai cru comprendre, dans un grand journal du soir, que le M. le Premier ministre partageait ce nécessaire « effort de vérité ».

Nous reviendrons sur ce sujet la semaine prochaine lors du débat d’orientation budgétaire, mais il est nécessaire de ne pas enjoliver la situation économique et financière de la France dans la construction du budget pour 2009. Nous devons être clairs et transparents pour les Français, pour l’avenir et pour l’ensemble de nos partenaires européens. (Applaudissements sur les travées de l’UC-UDF et sur certaines travées de l’UMP.)

Les commentaires sont fermés.