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Un impôt européen ?

Badre.jpgA l'occasion des travaux qu'il a menés au nom de la commission des finances du Sénat, sur les ressources budgétaires propres de l'Europe, Denis Badré, sénateur UDF-MoDem, s'est interrogé sur les carences du mode de financement actuel du budget communautaire. Je trouve sa réflexion très fine et très intéressante. Il aboutit logiquement à la nécessité d'élaborer un budget indépendant des égoïsmes nationaux. Or, un tel budget ne peut être la résultante de la contribution de chaque état(il explique très bien pourquoi dans cet extrait de son rapport) et donc, seul un authentique impôt européen, directement perçu auprès des contribuables européns permettraient aux différentes politiques européennes d'avoir une véritable autonomie et d'échapper aux calculs comptables à court terme.

Il y a là, je le crois, une piste de réflexion importante, au sein du MoDem, à explorer, sur les questions européennes. Voulons-nous d'un budget indépendant ou non pour l'Europe, c'est à dire directement perçu par les instances européennes ? Pas facile, d'autant qu'il faudra que chaque pays l'accepte...


Des ressources essentiellement constituées par des contributions des États membres privent, en premier lieu, le budget communautaire de toute autonomie et accréditent auprès des opinions publiques nationales l'idée que la Communauté dispose d'un « droit de tirage » sur la richesse nationale. Elles conduisent, par ailleurs, à faire voter recettes et dépenses par deux autorités politiques différentes, ce qui peut paraître singulier en termes de « démocratie budgétaire ».

Par ailleurs, la prééminence des contributions nationales entretient la logique du « taux de retour », qui veut que chaque État membre ne consente à contribuer au budget communautaire qu'à la condition de se voir garantir des retours nets suffisants au titre des diverses politiques communes mises en oeuvre sur son territoire. Outre qu'elle est assez peu compatible avec l'esprit de solidarité que l'on espère inspirer la construction européenne, cette « focalisation » sur le « juste retour » repose sur des considérations économiques contestables, dans la mesure où n'entre en ligne de compte, pour le calcul des soldes nets, que la différence entre dépenses réparties et contributions au budget de chaque État membre. Se trouvent ainsi évacuées toutes les « externalités positives » générées par l'appartenance à l'Union, parmi lesquels les gains économiques tirés de l'appartenance au marché intérieur, du développement de réseaux transeuropéens ou plus encore de la stabilité politique durable garantie par l'existence de l'Union.

De surcroît, c'est en application de la logique du juste retour qu'on été institués des « corrections » et autres « rabais sur rabais », dont les équations en cascade contribuent largement à rendre les finances communautaires parfaitement inintelligibles pour le citoyen européen.

En second lieu, la crainte des États membres d'assister à une croissance exponentielle des dépenses communautaires ruinant les efforts de discipline budgétaire nationale les a également conduits à en plafonner le montant. Cette intention louable aboutit toutefois à cantonner le budget communautaire dans des dimensions très largement insuffisantes pour lui permettre de jouer les rôles de stabilisation, d'affectation et de redistribution que la théorie économique assigne à la politique budgétaire. D'une manière générale, on peut regretter que les modalités de financement du budget communautaire aient assez peu été considérées sous l'angle de leur possible efficacité économique. De ce point de vue, un budget plafonné a-t-il un sens, si l'on admet que ce ne sont pas les politiques publiques qui doivent être calibrées sur les moyens, mais les moyens qui, dûment justifiés, doivent accompagner des politiques préalablement définies et acceptées ?


Quelles pistes de réforme ?

Le diagnostic d'un manque d'autonomie, de lisibilité et d'efficacité économique du mode de financement du budget communautaire étant posé, plusieurs pistes de réformes ont été esquissées pour remédier à ces défauts.
a) Les solutions a minima

Trois propositions a minima consisteraient à :

1) opter pour le statu quo ;

2) remédier à la complexité née de la multiplication des correctifs ad hoc consentis à certains États membres fortement contributeurs nets en établissant un mécanisme de correction généralisée à tous les États ;


3) instaurer d'une unique contribution assise sur le RNB (NDLR : Revenu National Brut) des États


Votre rapporteur ne souscrit à aucune d'entre elles. Un mécanisme de correction généralisée ne permettrait pas de sortir du débat sur le juste retour, qu'en définitive il entérine, et l'instauration d'une contribution RNB unique reviendrait sur la notion même de ressources propres et nierait la spécificité de l'Union européenne en calquant son mode de financement sur celui des autres organisations internationales.


b) La nécessité de véritables ressources propres

Plusieurs propositions visent en revanche à instituer des ressources propres directement perçues par la Communauté auprès des contribuables (citoyens et opérateurs économiques). Cette solution présente l'avantage de répondre simultanément aux trois principales critiques adressées au financement actuel du budget communautaire :

1) une perception directe auprès du contribuable, le cas échéant couplée à une affectation du produit à une politique commune bien identifiée, permettrait de restaurer le lien entre le citoyen-contribuable et le financement communautaire et de faciliter la compréhension des finalités en vue desquelles les crédits communautaires sont mobilisés ;

2) un tel mécanisme diminuerait la propension à raisonner en termes de taux de retour et accroîtrait sensiblement l'autonomie des ressources communautaires ;

3) ce prélèvement, assimilable à un « impôt européen », permettrait de modifier le comportement des agents économiques et de créer des incitations à remplir les objectifs que se sont données les diverses politiques communes. C'est ainsi l'efficacité économique du financement communautaire qui serait améliorée.

Votre rapporteur n'ignore pas que l'impôt européen est souvent considéré comme un horizon lointain de la construction européenne. Ce scepticisme semble parfois moins fondé sur l'impossibilité technique ou l'absence de pertinence économique d'un tel impôt que sur la crainte de ses effets dans l'opinion. Il est certain que l'acceptabilité politique d'une telle réforme serait conditionnée par sa mise en oeuvre à prélèvement constant, et par une diminution à due concurrence des autres ressources.

Au demeurant, l'instauration d'une telle ressource semble de moins en moins une « vue de l'esprit », en particulier si l'on s'en réfère à un certain nombre de propositions précises déjà formulées et évaluées, qu'il s'agisse de la création d'un pourcentage additionnel de TVA perçu au profit des Communautés, d'une taxe kérosène ou d'une taxe CO2, d'une contribution sur les bénéfices des sociétés ou du transfert vers l'Union d'une partie des droits d'accise perçus sur les consommations de tabac et d'alcool, dont le produit serait « fléché » vers la politique communautaire de protection des consommateurs et de santé publique.

Quoi qu'il en soit, votre rapporteur attache, à titre personnel, beaucoup d'importance à ce que les débats à venir n'excluent pas d'emblée, et par excès de prudence, de telles pistes de réforme.

Commentaires

  • La contribution de Badré pointe un problème qui est réel : le financement indirect génère des plafonds qui sont incompatibles avec les politiques dont l'Union est en charge.

    A partir de ce constat, je veut apporter néanmoins deux éléments de réflexion.

    La première concerne la "fiscalité fléchée". C'est un concept né au milieu des années 80 quand les techniques de gestion d'entreprise ont vu leur champ d'application s'élargir à l'activité publique. L'idée de fond était de reconstituer un "prix" pour une politique spécifique et, par ce biais, de créer un "quasi marché" et enfin garantir les meilleurs services au "meilleur prix"

    L'idée était séduisante mais je ne crois pas qu'on puisse dire que, dans la pratique , les résultats aient été au rendez-vous.

    Le deuxième point, mais Badré en est surement conscient, la mise en place d'un impôt européen est tout sauf évidente. En effet, la multiplication des niveaux de taxation indépendantes sur le même contribuable requiert, à mon avis, un plafond global, afin que tous les niveaux évitent de surimposer, mais également l'attribution à chaque niveau de compétences très clairement définies.

    Or, en l'état des choses (simplification triviale) tout le monde fait tout.

    La mise en place de l'impôt européen nécessite de repenser complètement l'Union, avec un poids accru des citoyens et un poids réduit des Etats.

    A court terme, c'est très difficile. A long terme c'est probablement la bonne solution.

    A nous de bâtir un projet "entre les deux" qui puisse susciter l'adhésion populaire et faire la liaison interteporelle.

  • Merci encore, l'Hérétique, votre blog est une mine d'informations en temps réel!

    Je souscris à nouveau entièrement à l'approche de Denis Badré: Il faut affranchir le budget de la logique intergouvernementaliste du juste retour dans lequel il s'est enlisé. En fait, cela concerne tout autant le volet financement que le volet dépenses du budget. Car les Etats membres veillent à ce que l'accord sur les priorités de dépenses, qui par un curieux détournement de l'équilibre interinstitutionnel relève pratiquement de leur seule compétence (accord unanime sur le cadre financier au sein du Conseil, le PE étant simplement 'consulté'), réserve la part du lion aux politiques dont les dépenses se répartissent selon des règles bien établies entre Etats membres: en clair la PAC et les fonds structurels.

    En ce qui concerne le financement, même chose: le traité prévoit que l'Union soit dotée de 'ressources propres', mais en réalité le financement se fait à 85 % à partir de contributions nationales (les 15 % restants provenant des droits de douane). Ce qui conforte les Etats membres dans leur petite comptabilité mesquine visant le "juste retour".

    Or à quoi le budget européen devrait-il servir si ce n'est à financer des projets qui à défaut de financement européen ne verraient pas le jour? Doter l'Union d'une capacité de recherche tirant bénéfice de tous ces potentiels; les réseaux transeeuropéens dans le domaine des transport, et faut-il insister sur ce point, l'ENERGIE; une politique de solidarité tenant également compte du principe de subsidiairité, donc visant les Etats membres en retard de développement sans appliquer le principe de l'arrosoir; les politiques de sécurité, y compris, à terme, la politique de défense; les politiques extérieures, etc.

    Tout cela fait l'objet de l'exercice en cours sur la révision du budget. La Commission a lancé une consultation publique en septembre dernier, avec un délai de réponse plus long que d'habitude puisqu'elle a été clôturée le 15 juin dernier. J'aurais voulu que le Modem se mobilise pour y participer, mais malheureusement nous étions aux prises à d'abracadantesques difficultés d'organisation interne (et il me semble que nous les sommes toujours). Heureusement qu'il se trouve encore certains élus pour "tirer les opinions".

    J'invite tout le monde à consulter le site de la Commission, très riche et qui perment notamment de lire l'ensemble des contributions à la consultation reçues de la part des gouvernements, des ONG, des universitaires, de partis politiques ou de simples citoyens:

    http://ec.europa.eu/budget/reform/index_fr.htm

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