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Cycle de Doha, réformes agraires, Marielle va avoir du boulot...

Marielle de Sarnez s'est exprimée, lors de la Convention sur l'Europe du MoDemsur la question de l'auto-suffisance alimentaire et énergétique dans les pays du Tiers-Monde.


Sarnez.jpg[...]Nous avons également à promouvoir une vision nouvelle du monde et je suis persuadée qu'elle est extrêmement attendue.
Nous sommes dans un monde multipolaire où nous devons considérer -on en a beaucoup parlé ce matin- que désormais travailler pour les grands ensembles, je pense à l'Afrique, aux pays en voie de développement, pour leur autosuffisance, alimentaire et en termes d'énergie.
Pendant des décennies, l'Europe a subventionné les produits agricoles à l'exportation, ce qui fait que les produits alimentaires qui arrivaient en Afrique étaient moins cher, car subventionnés, que l'alimentation locale qui aurait pu se développer. C'est tout simplement criminel. Quand les Américains continuent de subventionner le coton, c'est criminel, tout simplement.
Nous devons travailler à un modèle de continents qui soient autosuffisants, pour l'alimentation mais également pour l'énergie.
Quand je vois les grands projets de M. Guaino sur l'Union pour la Méditerranée qui explique que l'on va mettre des capteurs solaires dans toute la partie d'Afrique du Nord pour pomper de l'énergie solaire… et l’amener chez nous, je dis que ce n'est pas ainsi que l'on doit concevoir les choses !
Nous avons pillé ce continent dans ses énergies -bois, pétrole, minerais- et nous devons aujourd'hui passer à une politique nouvelle dont dépendra l'équilibre nouveau du monde que nous souhaitons.
Dans cette vision nouvelle du monde, je pense que cette question d'autosuffisance est extrêmement importante. Et nous devons, nous, au Mouvement démocrate, ouvrir la problématique du commerce international.
Je souhaite que, demain, nous puissions débattre de la prise en compte des normes sociales et environnementales dans le cadre de l'Organisation Mondiale du Commerce.

Je ne peux qu'approuver ce propos, et pour ma part, je voudrais revenir sur le problème de l'alimentation : je ne crois pas qu'un pays puisse se développer harmonieusement sans commencer par une réforme agraire de taille. Cela signifie que les terres doivent être parcellisées et renduesaux habitants. Mais ces bonnes intentions ne suffisent pas : en effet, prendre une telle mesure politique restera sans effet si elle ne s'accompagne pas d'une protection commerciale. En effet, exposées à une concurrence très rude, les petites exploitations seront obligées de se fondre dans des plus grosses, et ce sera finalement de gros latifundiaires qui récupéreront la mise, comme cela s'est produit en Amérique du Sud. On ne devrait pas négliger cet aspect essentiel : ce sont les crises sociales, sur fond de réformes agraires non faites, qui ont contribué à anéantir la République à Rome. Les PVD (pays en voie de développement) ne pourront pas se développer harmonieusement et sans crises majeures s'ils ne passent pas d'abord par cette étape. Ceci ne peut que passer par une évolution de l'OMC (Organisation Mondiale du Commerce) mais pas sa disparition (comme le souhaiteraient les divers alter-mondialistes, les communistes, ainsi que certains socialistes) ! L'OMC est une institution qui fonctionne plutôt assez bien, simplement, elle ne se limite qu'àun dialogue sur les règles de concurrence afin d'organiser le marché mondial. Les Etats de deviendront évidemment pas des agneaux, car il ne faut pas oublier que l'OMC est avant tout une organisation d'Etats, mais, je pense que c'est le bon lieu pour tenter de faire évoluer le droit commercial international.

Je dois dire que je suis très sceptique quant à la propension de Pascal Lamy, l'actuel directeur du FMI, à initier une telle démarche. Mais bon, on peut, je le suppose, toujours aller directement en discuter avec lui, puisqu'il est co-rédacteur du blog Idées pour le développement. Soyons clairs : l'objectif principal de Pascal Lamy, et il le dit haut et fort, c'est de finaliser le Cycle de Doha. Or, qu'est-ce que prône entre autres le Cycle de Doha ?

Agriculture : ouverture des marchés et réduction, puis élimination, de toutes les formes de subventions à l'exportation et de soutien interne à l'agriculture

Bon, vous avez lu comme moi, n'est-ce pas ? Alors on a du boulot, parce que l'OMC, sous l'égide de Lamy (qui est censé tout de même être socialiste, laissez-moi rigoler doucement...) va exactement dans le sens inverse de celui que nous défendons. 

Apparemment, le site A gauche en Europe a disparu, mais je rappelle que ce mouvement, fondé par Rocard et DSK, compte au sein de son conseil scientifique Lamy. Bref, comme d'habitude, les socialistes font des discours et mais agissent autrement (le fameux "faites ce que je dis pas ce que je fais" qui explique pourquoi je les aime tellement...). J'attends de voir ce que DSK va faire comme directeur du FMI, d'ailleurs...

Je ne parviens plus à me souvenir qui j'ai entendu dire cela sur France-Info, mais je me rappelle de l'idée : il est absolument indispensable que les les PVD développent leur agriculture interne, et donc pas en priorité celle qui est exportée. Mais pour cela il faut la laisser vivre, et cela suppose de nouveaux accords sur l'agriculture, afin d'excluse du champ de la concurrence libre et non-faussée tout ce qui relève de l'auto-suffisance alimentaire. Cette exclusion peut peut-être reposer sur une compensation dans un autre domaine commercial, évidemment.

Marielle, dans la suite de son discours a justement évoqué la gouvernance de l'Europe de la manière suivante :

Toujours sur l'organisation du monde, évidemment, il faut que vous sachiez une chose, c'est que la vision portée sur l'Europe par ceux qui ne sont pas citoyens européens est une vision très différente de celle que nous portons sur nous.
Parfois, l'Europe est décriée par les citoyens européens qui la trouvent trop lointaine, trop technocratique, mais il faut savoir que c'est exactement l'inverse de la vision que les habitants du monde entier portent sur l'Europe. Ils ont envie que l'Europe existe, ils ont envie qu'elle existe politiquement. Ils ont besoin de l'Europe.
Nous savons que la plupart des grands conflits -je pense au Moyen-Orient, à l'Afghanistan, à l'Irak, au Darfour- ces grands conflits dans le monde ne seront pas réglés en absence de l'Europe. On a besoin de l'Europe pour les régler. Nous sommes attendus dans le monde

Je compléterai sa réponse en citant une large part du dernier billet de Quindi qui ébauche un début de programme transnational pour le PDE et donc le MoDem, parce qu'il me semble avoir très bien récapitulé ce que sont les lieux de négociations entre états :

Finalement, afin d'améliorer, peu à peu, la gouvernance mondiale et traiter de manière régulière de problèmes d'instabilités climatique, énergétique, alimentaires, économiques, immobilières, monétaires,  etc., afin de répondre de manière préventive aux risques, instabilités, et crises prévisibles, il est nécessaire de sortir des schémas réactifs du Conseil de Sécurité de l'ONU, et des conventions thématiques mondiales; ou d'un conseil mondial auquel ne participeraient que quelques pays représentatifs, comme le G8 (même étendu à G13), ou la Ligue des Démocraties proposée par John McCain et inspirée par Robert Kagan (voir billet). Avec la régionalisation croissante des ensembles géopolitiques / géoéconomiques (qui ne couvrent pas encore l'ensemble de la planète, mais y parviennent peu à peu); la représentativité interne de tous les Etats de la planète au sein de chaque ensemble commence à être atteinte (du plus petit au plus gros); avec un effet de levier important pour chaque ensemble géographique (une revendication devenue continentale ne s'ignore pas; perspective devenue très visible lors des négociations de l'OMC); qui, ensemble, commencent à atteindre un certain niveau de représentativité mondiale (la plupart des Etats sont aujourd'hui membres d'organisations économiques régionales, les prérogatives de ces ensembles augmentent rapidement dans la plupart des zones les plus fragmentées). Ces ensembles traitant des éléments détaillés de gestion économique, commerciale, fiscale, gestion environnementale, gestion agricole, flux énergétiques, conditions de travail; et progressivement de politique monétaire commune, de politique étrangère commune, de politique de sécurité commune; ils sont devenus une référence en matière de gouvernance supra-étatique; c'est d'ailleurs dans ce cadre qu'ont lieu les réunions régulières entre l'UE / l'ASEAN, l'UE / le Mercosur, l'UE /  l'UA, mais aussi d'une certaine manière entre l'UE et les Etats -Continents, comme les Etats-Unis, la Chine, l'Inde, et la Russie (la régionalisation des revendications de ces derniers, pourrait d'ailleurs faciliter les négociations inter-régionales, comme cela peut se voir quand des grand Etats doivent négocier avec des Etats de taille moyenne, confrontés à d'autres impératifs environnementaux ou sociaux; c'est le cas au sein de l'ALENA, entre les Etats-Unis, le Canada, et le Mexique). La mise en place d'un Conseil des Organisations Régionales représenterait un premier pas significatif pour la mise en place de la Méthode Monnet (ou du néo-fonctionnalisme théorisé a posteriori par Ernst B. Haas) à l'échelle mondiale; il regrouperait les représentants de l'Union Européenne (UE / EEE / AELE / ALECE), l'Union Africaine (UA), l'Union des Nations Sud-Américaines (Unasur / Mercosur), la Communauté Caribéenne (Caricom), le Marché Commun Centre Américain (MCCA), l'Accord de Libre Echange Nord Américain (ALENA), l'Association des Nations de l'Asie du Sud Est (ASEAN / ASEAN Plus Trois), la Communauté des Etats Indépendants (CEI) / Communauté Economique Eurasienne (CEEA / GUAM), l'Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), le Conseil de Coopération du Golfe (CCG), l'Association Sud Asiatique pour la Coopération Régionale (SAARC), Le Forum des Iles du Pacifique (FIP / CROP / PARTA / Union du Pacifique ), un futur regroupement des Etats du Proche et/ou du Moyen Orient dont la Ligue Arabe / GAFTA (en tant que seule enceinte regroupant la quasi totalité des pays du Proche Orient), l'Iran, Israël et la Turquie; le Conseil des Organisations Régionales pourrait d'ailleurs être intégré aux institutions de l'ONU afin d'améliorer progressivement la gouvernance exécutive mondiale, et la représentation exécutive mondiale en complément du Conseil de Sécurité et du Conseil Economique et Social de l'ONU. L'UE servant souvent de modèle pour la construction d'ensemble régionaux en Amérique Latine, Afrique, Asie, et Océanie, il est regrettable de voir cette force d'inspiration peu optimisée dans la politique étrangère de l'Union et de ses Etats membres. Ainsi, il serait souhaitable que l'UE fasse la promotion de son modèle de gouvernance, modèle stabilisateur, permettant la coopération entre les Etats, par paliers thématiques, plutôt que la défense stratégique d'intérêts menant à une concentration des ressources dans les moyens militaires et des tensions régionales exacerbées; et que cette promotion de la méthode Monnet devienne un des éléments centraux de sa politique étrangère (en plus des composantes politiques, économiques, et environnementales d'un dialogue inter-régional, et des sous composantes importantes de cette politique étrangère permettraient d'aborder les thèmes des Droits de l'Homme et de la Démocratisation).

 

Commentaires

  • Belle mise en contexte des ouvertures thématiques de MdS ;-)

    - Sur le cycle de Doha, cela a quelque chose de préoccupant: réduire les subventions à l'exportation (bon à part les aides alimentaires j'imagine) semble relativement logique - surtout quand on voit les effets désastreux de certaines politiques américaines et européennes de soutien à l'agriculture sur le PVD; mais réduire les formes de soutien interne pendant une crise alimentaire mondiale est ridicule.

    - Sur la réforme agraire: il nous faudra approfondir le sujet pour que cela se fasse de manière intelligente et programmée car quelques modèles sont franchement effrayants (Amérique Latine comme tu le cites, mais aussi Zimbabwe et autres exemples africains liés au clientélisme électoral).

    - Sur le "Nous sommes attendus dans le monde" de MdS, tellement vrai! Il y a un boulevard pour la gouvernance à l'européenne, il s'

  • Belle mise en contexte des ouvertures thématiques de MdS ;-)

    - Sur le cycle de Doha, cela a quelque chose de préoccupant: réduire les subventions à l'exportation (bon à part les aides alimentaires j'imagine) semble relativement logique - surtout quand on voit les effets désastreux de certaines politiques américaines et européennes de soutien à l'agriculture sur le PVD; mais réduire les formes de soutien interne pendant une crise alimentaire mondiale est ridicule.

    - Sur la réforme agraire: il nous faudra approfondir le sujet pour que cela se fasse de manière intelligente et programmée car quelques modèles sont franchement effrayants (Amérique Latine comme tu le cites, mais aussi Zimbabwe et autres exemples africains liés au clientélisme électoral).

    - Sur le "Nous sommes attendus dans le monde" de MdS, tellement vrai! Il y a un boulevard pour la gouvernance à l'européenne, il s'agit de s'y atteler rapidement, avant de devenir insignifiants.

    - Sur la gouvernance DSK / Lamy, attendons voir leurs réactions dans les mois qui viennent face aux risques issus des crises successives (économie, alimentaire, pétrole): c'est maintenant qu'ils ont l'occasion de démontrer s'ils peuvent changer le modèle de gouvernance ou s'ils ne sont que des pâles copies de leurs prédécesseurs...

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