On n'évitera pas d'appeler un chat par son nom dans ces élections : la défiance que manifestent beaucoup d'Européens envers l'Europe provient de ce qu'ils jugent qu'elle ne les protège pas et que de surcroît, à la place, elle lui impose une flopée de règlements plus tatillons les uns que les autres.
L'actuel débat sur le traité transatlantique ou TTIP traduit au fond la divergence entre les préoccupations des euro-députés et celles des Européens. Les enquêtes d'opinion le montrent clairement, les Européens sont favorables à un resserrement général de leur commerce sur leur propre territoire.
Quand les eurodéputés ont lancé il y a quelques années un débat sur les IGP, et la nécessité de protéger les "made in" ils se sont trouvés en phase avec leurs concitoyens.
Les Français au même titre que le reste des Européens aspirent à ce qu'on ne leur force pas la main, à ce qu'on les informe et à ce qu'on ne les mette pas devant le fait accompli.
La concurrence sur le marché du travail avec les pays émergents low-cost ou même certains pays nouvellement élargis de l'Union européenne est une préoccupation importante de nos concitoyens.
Dans tous ces domaines, les Français souhaitent la mise en place de barrières parce qu'ils s'estiment victimes de règles injustes.
En négociant des traités qui les lèvent, qu'il soit fondé ou non de le faire, les gouvernements et les eurodéputés vont exactement à rebours des opinions publiques d'un bon nombre de pays européens.
Même au sein des électorats FN et Front de gauche on trouve en France une majorité favorable à la construction européenne. C'est la disjonction entre les représentants du peuple et les élus qui provoque ces votes-refuge protestataires.
Ce serait encore une erreur de faire tourner le débat autour de la pertinence ou non des barrières douanières. On n'en est plus là, désormais, mais plutôt à se demander lesquelles on met en place.
Bref, un nouveau passage en force provoquera une explosion de colère, fût-elle froide, au sein de la population.
Nous devons cesser de parler de l'ouverture de nos frontières en permanence (et dans tous les domaines, d'ailleurs, pas seulement celui du commerce) mais commencer à évoquer au contraire leur fermeture et à quelle échelle.
Ce ne sera qu'une fois des règles équitables et acceptées comme telles par les opinions publiques qu'on pourra avancer à nouveau et envisager des réouvertures acceptées par tous.