J'ai été un peu scié par la charge de Baptiste Créteur sur Contrepoints, dénonçant l'excellente initiative de Chantal Jouanno et le vote du Sénat qui s'est ensuivi.
Je crois l'avoir déjà écrit ici, les enfants ne sont pas la propriété exclusive des familles. On ne peut pas les ramener à la propriété individuelle. Pas plus que leur éducation. Les inscrire ou non dans un concours de beauté ne relève donc pas d'une expression de la liberté. Non, cela relève plutôt d'une merchandisation précoce des corps dont on peut discuter quand il s'agit d'adultes mais en aucun cas pour les enfants.
Quoi qu'en pense Baptiste Créteur, il existe une morale publique et les individus n'en sont pas les seuls garants. Parce que sinon, on peut aussi décréter qu'il relève de la responsabilité des familles de décréter que leurs enfants intègreront des mouvements sectaires ou deviendront les jouets sexuels d'adultes libidineux (bon, ok, j'ai mérité un point Godwin).
Personnellement, je reçois très bien les observations de Chantal Jouanno qui juge qu'il ne faut pas laisser croire à nos très jeunes filles que l'apparence est le seul critère de leur valeur en société. Je pense que c'est psychologiquement dévastateur. Mais c'est en même temps le cheval de Troie de la critique qu'adresse astucieusement Baptiste Créteur en renvoyant la loi à une tentative de régir la morale privée.
Je pense qu'il n'existe pas de morale entièrement privée ou entièrement publique. Les sociétés se constituent autour de valeurs communes qui leur permettent de vivre harmonieusement. La protection des enfants appartient à ces valeurs fondatrices.
L'enjeu du débat juridique est donc de démontrer que les concours des mini-miss vont bien contre l'intérêt des enfants, pas de dire que d'accorder ou non de l'importance à la beauté est immoral ou non.
Ce qui est immoral, c'est de se servir de sentiments chez les enfants pour en faire commerce, dans un monde d'adultes de surcroît.
Je me demande d'ailleurs ce qu'il peut bien y avoir dans la tête de gens qui classent des petites filles selon leurs courbes (naissantes ou non), leur taille et l'aspect de leur visage. Au mieux, une incroyable absence de scrupules, au pire, des choses tellement sales que le seul fait de les évoquer me répugne.
Mon camarade libéral mérite bien son point godwin lui aussi en associant le refus de ces concours à un jugement de valeur sur la pornographie (mais, au fait...il admet donc qu'il y a une relation ?...) et en proposant la réécriture des contes qui évoquent des princes charmants.
Je ne vais pas me lancer dans une longue démonstration, mais je crois clair pour à peu près tout le monde dès que l'on use de son sens commun, que l'attrait pour les contes des enfants n'a strictement rien à voir avec le goût douteux d'individus peu scrupuleux pour ces concours de très jeunes filles. Et j'ajoute que chez l'enfant lui-même, les deux moteurs n'ont rien de comparables : quand une petite fille lit un conte, ce sont ses représentations qui la construisent, pas les désirs malsains de ceux qui la regardent.