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Privatisation des radars : le retour des fermiers généraux

La ville de Paris d'abord, le gouvernement ensuite, s'apprêtent à donner à des sociétés privées le privilège exorbitant de pouvoir taxer à l'oeil le gueux, franc ou gaulois de son état, heureux détenteur d'une charrette auto-motrice. Le beau tour de passe-passe, derrière, c'est de dépénaliser la chose. En somme, ce ne serait plus un PV mais simplement un octroi qu'il faudrait régler pour dépassement de vitesse ou mauvais stationnement.

Rien à voir avec la sécurité routière, bien évidemment, il s'agit juste de trouver un nouvel impôt. L'astuce socialiste (mais je ne doute pas un seul instant que Les Républicains embrayeront) c'est de faire valoir, qu'en ces temps troublés, il faut décharger les forces de police d'une tache certes mineure mais chronophage. Jolie entourloupe qui permet de ne pas évoquer les promesses mirifiques des uns et des autres et l'endettement record de la Ville de Paris (autolib, les couloirs de bus croisés accidentogènes, le tram, velib, tout ça, ça coûte...) ou encore celui de l'État.

Je voudrais rafraîchir la mémoire historique des thuriféraires de cette solution : elle a été utilisée à plusieurs reprises dans l'Histoire des Civilisations. En France, elle est à l'origine de la Révolution Française. Les citoyens ne supportaient plus les fermiers généraux. Ils les haïssaient à mort et leur ont collé la tête sur une pique dès qu'ils l'ont pu. Comprenons-nous bien : les fermiers généraux n'étaient pas de sympathiques agriculteurs mais des percepteurs d'impôt privés que le bon Roy de France Louis chargeait de percevoir une somme. A charge pour eux de la ramener qu'on ne leur donnait aucune limite s'ils souhaitaient percevoir plus.

Perclus d'impôts, les Français finirent pas guillotiner le roi. On voit souvent le Français comme un grand enfant socialiste, on oublie que sommeille aussi en lui le libéral teigneux qui en a plein le dos d'être taxé pour un oui ou pour un non...

Les Romains procédaient à peu près de la même manière avec leurs provinces. Cela a permis à un certain Cicéron d'écrire des discours fameux et notamment contre un sale type, le préteur Caïus Licinus Verres, qui chargé d'une mission du même acabit, pillait allègrement les biens des habitants de Sicile.

Cicéron était alors questeur, c'est à dire, à son époque, une sorte de super contrôleur des comptes publics. Un questeur, ça ne rigolait pas, et de fait, bien que Verrès disposât de puissants appuis, il se trouva vite contraint de choisir l'exil à Marseille (on y trouvait déjà des corrompus dès cette époque). Il faut dire que les Siciliens avaient confié leurs affaires à un avocat de renom avec Cicéron. C'était la class action de l'époque, en somme.

Les Hidalgo, Cazeneuve et compagnie feraient bien d'y réfléchir. Entre la raréfaction des places, l'explosion du montant des amendes, la délégation du contrôle du stationnement à une société privée, et maintenant l'utilisation des radars, tout ça avec l'intention de permettre à ces intermédiaires de se payer grassement sur le dos de la bête, ça commence à bien faire...

Commentaires

  • J'adore quand tu emploies des mots littéraires comme "thuriféraires" l'Hérétique, à opposer par exemple à "contempteurs" dont tu sembles faire partie aujourd'hui sur ce nouveau dossier... Je me garderai dorénavant de trop m'approcher de tes "hallebardes".

    La mairie de Paris risque de regretter cette nouvelle disposition. Cela me fait penser à la privatisation des autoroutes qu'avait dénoncé un certain ...François Bayrou !

  • +1 pour ce texte, c'est bien envoyé....

    le deuxième degré j'adore.....

    Pour quelles raisons devrait-on garder cette ville comme capitale.... vu que c'est de plus en plus "le bordel" pour y accéder.....

    Ne devrait-on pas dans une logique de modernisation....décentraliser les ministères.... rien que de constater que la clownerie du mercredi ne sert à rien....

    Partageons le pouvoir, oui en une vraie décentralisation.....

  • Bonjour l'Hérétique,
    Je viens visiter ton blog. Comme "avant", j'ajoute à ton billet trois remarques.

    Tout d'abord, tu cites Cicéron dont il se trouve que j'ai relu récemment les Catilinaires.
    J'y ai trouvé une question qui n'a pas pris une ride en ce XXIe siècle !
    In qua urbe vivimus ?

    Je nuancerai ton propos relatif à la Ferme Générale ; ô certes, ce système provoqua des abus... Mais bien avant la Révolution, il ne faut pas oublier que certains tentèrent - en vain - de réformer ce système. Je pense à l'Abbé Terray, à Turgot et à Necker.... mais sans doute était-ce déjà trop tard.
    C'est un peu l'illustration du fossé qui sépare la réforme nécessaire qui n'aboutissant pas mène à la révolution.
    Parmi ces fermiers généraux que tu voues en bloc aux gémonies, je citerais des Lavoisier et Helvetius... qui, par ailleurs, furent des esprits éclairés.

    Pour en revenir au propos de ton billet, la délégation de service public n'est pas choquante en soi, sauf si peu, mal ou pas encadrée, elle aboutit à des dérives à l'instar de certains PPP.

    Salut à Françoise et Europium qui ont commenté ce billet.

  • @Thierry
    C'est le retour des anciens, comme au bon vieux temps :-)
    Je te réponds un peu plus tard en détail, de même qu'à Europium et Françoise.

  • Quelle belle surprise Thierry P de te lire à nouveau ! Toujours des précisions très intéressantes. De grosses bises à toi.

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