Le Nouvel Obs fait sa une sur la jeunesse djihadiste ce jeudi. Je suis parfois surpris par la naïveté des journalistes, tout à leur étonnement d'un phénomène pourtant très prévisible.
A Qaeda et les organisations terroristes n'ont pas besoin de réseaux. C'est l'absence d'identification positive, d'une alternative, qui rend possible des initiatives personnelles. Oh, bien sûr, il y a quelques recruteurs, mais ils n'ont pas à forcer leur talent : les fruits sont mûrs, il n'y a qu'à se baisser pour les cueillir.
Le djihadisme renvoie un reflet conforme aux représentations d'idéal masculin telles que se les figure la jeunesse d'origine immigrée. La question de fond est donc bien celle de l'image. Et elle naît de deux défaillances : d'une part un référent qui puisse être idéalisé, d'autre part une vision sexuée très patriarcale de ce que doit être un homme.
Cette vision est à la source de tous les maux de cette jeunesse, ce qui explique d'ailleurs que les filles immigrées s'en sortent bien mieux que les garçons. Elle s'alimente du communautarisme, de la concentration ethnique, de la délinquance et du phénomène des bandes.
On est toujours tenté de trouver des coupables idéaux et on pointe du doigt des mosquées sauvages, illégales, qui fanatiseraient les banlieues. Dans la réalité, quand elles existent, elles ne sont qu'un symptôme, pas une cause.
Les parents de ces jeunes gens qui ont bien compris le risque ne sont pas fous : s'ils le peuvent, ils envoient leurs enfants chez les "Catholiques", comme ils le disent à mi-voix entre eux. C'est dire l'échec total de l'école publique avec tout son laïus laïc et son béni-oui-ouisme républicain.
Il faut évoquer aussi une politique de la ville déficiente, mais à la vérité, il aurait déjà fallu ne pas laisser de telles concentrations ethniques se créer dans les banlieues. Il était parfaitement évident qu'elles tourneraient au communautarisme. Cela supposait évidemment une immigration bien moins massive et sa dispersion sur tout le territoire français.
Refaire l'Histoire ne fera pas avancer notre problème. Il faut maintenant réfléchir à des solutions avec la situation actuelle.
Je sais que la France déteste les statistiques ethniques et religieuses, mais il va bien falloir s'y faire car il ne sera pas possible de travailler sans ces dernières.
Clairement, le problème touche les jeunes de confession musulmane, même s'il y a un fort effet d'aspiration sur les autres. Il ne suffira donc pas d'évoquer la diversité, comme le font nos responsables politiques en la brandissant à titre de joujou électoral.
La discrimination positive à l'aveuglette ne débouchera pas sur grand chose, à mon avis. Ces programmes-là ne marchent jamais.
Il y a en revanche un véritable travail de repérage des talents. Comme beaucoup de libéraux, je tends à penser que le commerce apporte la paix et la démocratie. Il y a quelques idées apparues sous des gouvernements précédents que l'on pourrait reprendre :
- la création de zones fiscalement franches dans les quartiers les plus déshérités
- le tutorat de chefs d'entreprise renommés auprès des jeunes de ces quartiers. Il ne faut d'ailleurs pas se limiter au commerce : la science, l'ingénierie, la littérature, la sphère médicale mais aussi les métiers de l'artisanat. A mon avis, ce système peut suppléer avantageusement à la perte de repères et au manque de référents. Il doit bien sûr être pensé sur la durée car il s'agira de valoriser les premières réussites.
Il ne faudra évidemment pas hésiter à s'associer à d'autres acteurs : les établissements scolaires privés (puisque les établissements publics semblent incapables de s'extraire de leur gangue idéologique) et les associations actives qui ont choisi d'agir au lieu de pleurnicher. Nos quartiers ont du talent ou encore l'Échelle humaine d'Alain Dolium montrent la voie qu'il est souhaitable d'emprunter.
Il me paraît tomber sous le sens que les entrepreneurs-tuteurs qui auront vu leurs pupilles gravir les échelons ou les engageront directement ou sauront les recommander. Un avantage appréciable quand il faut trouver un premier emploi.
J'ai enfin une autre proposition en tête pour faire face aux dérives qui menacent la jeunesse de nos cités.
- la prise de contact avec des partenaires religieux acceptables : j'ai en tête la lecture des Mémoires de guerre du Général de Gaule, période 1944-1946. Il y évoque la collaboration qu'il perçoit comme un immense gâchis. De son point de vue les jeunes gens qui se sont engagés sur le front russe auraient tout aussi bien pu rejoindre la Résistance. C'est parce que leur ardeur a été pervertie qu'ils ont fait ce choix. D'une certaine manière, on peut se dire que les jeunes djihadistes qui se rendent en Syrie font aussi partie des jeunes les plus entreprenants, en dépit de leur inconscience. Il y a donc là des talents qui ont été pervertis mais que l'on pourrait réorienter vers quelque chose de plus positif. Si, par exemple, la foi est leur moteur, un partenariat avec le Croissant Rouge, un organisme confessionnel humanitaire, neutre et pacifique. On pourrait penser à des actions de ce genre, même si j'imagine mal la forme qu'elles pourraient prendre exactement.
A côté de cela, la volonté déterminée de ne plus alimenter la concentration ethnique doit être un moteur de la politique de la ville. La dissémination des logements sociaux et la maîtrise totale de l'immigration en sont deux moteurs majeurs.
Je n'ai pas trop évoqué l'éducation des garçons, mais elle est en filigrane dans mes propositions. Je renvoie sur ce point à une excellente tribune de Brighelli dans Le Point en citant un passage de son entretien qui pourra nourrir notre réflexion.
L'absence de "rites de passage" pèse plus sur les garçons que sur les filles et ce, à divers moments. L'élève, notamment le garçon, était le "patron" de la cour et des divers espaces de l'école primaire qu'il maîtrisait bien. Il se retrouve au collège dans un espace dont il ne possède pas toutes les clés, et apparaît comme le "petit" de l'établissement, ce qui peut générer une certaine angoisse. Dans la construction de sa personnalité, le garçon vit moins dans son corps la sortie de l'enfance que les filles qui lorsqu'elles sont réglées savent qu'elles peuvent potentiellement être mères. Il a donc toujours eu besoin de rites d'initiation, de transmission et d'intégration.
Commentaires
Excellent billet, tout y et dit.
Nous avons un problème ethnique en France maintenant et les incantations égalitaristes n'y changeront rien.
Michel Crozier pointait déjà son émergence à la fin des années 80...
Que n'a-t-il été entendu à cette époque-là !
Mais peut-être n'est-il pas trop tard...
Bonjour Estelle,
Merci.
Oui, il aurait fallu l'écouter au moment où il le fallait.
Je ne pense pas qu'il soit trop tard mais il faudra du temps pour redresser la barre à condition de s'atteler au problème dès maintenant.
la notion de djihad(guerre sainte) est consubstantielle avec la création de l'Islam....
Est-ce que les djihadistes sont toujours dans cette logique et formatés dans ce sens...
Ce qui est étonnant c'est que l'on parle beaucoup de cette jeunesse djihadiste( minoritaire) et très peu des parents musulmans qui envoient leurs enfants étudier dans les écoles privées catholiques....
on parle plus de ce qui va mal et rarement de ce qui va bien..
juste pour étayer mon propos
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/02/18/01016-20140218ARTFIG00321-ces-musulmans-qui-plebiscitent-l-ecole-catholique.php
@Europium
L'école catholique réussit là où l'école publique militante (alors qu'elle devrait être neutre) échoue complètement. Notez toutefois que l'école privée peut choisir d'accepter ou non un élève, pas l'école publique. Cela fait une grosse différence...
@ l'hérétique :
"- la création de zones fiscalement franches dans les quartiers les plus déshérités"
L'idée est bonne mais le packaging mal pensé. Ce ne serait pas la première fois qu'on vendrait la "Zone" aux banlieusards.
"Elle s'alimente du communautarisme, de la concentration ethnique, de la délinquance et du phénomène des bandes."
Sans oublier une éducation familiale dans laquelle beaucoup de mères, en admiration éperdue devant leur petit coq, lui passent tout et le confortent dans cette idée que tout lui est dû tandis que lessoeurs n'ont qu'à se taire et trimer. J'ai encore en mémoire cette femme maghrébine dont le fils de sept ou huit ans, pendant une séance de "cinéma sous les étoiles" dans un quartier populaire, emmerdait tout le monde en jouant avec un stylo-laser qu'il projetait sur l'écran. Comme je lui demandais poliment de le faire cesser, la mère m'a répondu avec l'agressivité d'une mère poule attaquée : "C'est mon fils, il fait ce qu'il veut !".
PS à mon post précédent : l'un des inconvénients majeurs de ladite éducation est de développer de parfaitspetits trous du cul arrogants et prétentieux qui n'ont de cesse que de réclamer pour eux-mêmes respect et considération tandis qu'ils se montrent incapables d'en avoir pour les autres ou de se plier à des contraintes élémentaires dans toute vie sociale. Ce qui non seulement leur assure une vie scolaire difficile, mais de surcroît les rend incapables de jouer le jeu de la vie en entreprise, surtout dans des métiers de contact avec les clients.
Bon, heureusement, je noiricis le tableau : ils ne sont pas tous comme ça. Mais ils ne sont pas tous non plus des gentils petits efficaces genre Omar Sy dans "ntouchables". Pas vrai, Skunker ?
Bonjour Christian,
Je n'ai pas omis cet aspect. C'est la résurgence d'une culture patriarcale que je signale comme l'un des principaux problèmes. Mais sur ce point, il est plus difficile d'agir politiquement parce que ça se passe à l'intérieur des familles. Brighelli a donc raison de suggérer de rétablir des rites d'initiation pour les garçons à l'école. Cela sera particulièrement bénéfique pour ceux qui sont issus de l'immigration.
@skunker
Il ne faut pas faire les choses à demi et surtout pas mettre en place une horreur bureaucratique : le deal doit être simple pour une entreprise qui vient s'installer. Elle vient, elle crée quelques emplois et on peut essayer de fixer une proportion. Dans le détail, c'est à voir, mais l'idée de fond mérite d'être creusée. Un type comme Xavier Niel, par exemple, serait probablement intéressé par un projet de ce genre.
@ Ch. Romain :
Loin s'en faut effectivement, je ne dis pas le contraire. Mon point de vue général sur les jeunes de banlieues est et a toujours été qu'on assiste à un gâchis phénoménal. Je veux dire par là que les choses pourraient se passer différemment avec un peu de bonne volonté de la part de chacun.
Le plus souvent lorsqu'on en parle c'est pour fustiger tel ou tel problème sans que jamais personne ne s'inquiète des causes, ce qui a le don de m'exaspérer.
Avant d'écoper il faut boucher les fuites, sinon ça peut durer longtemps.
Là je me sens en harmonie avec la démarche de l'hérétique : offrir des opportunités dans des zones où elles manquent.
Outre l'aspect économique évident je pense qu'une telle mesure serait perçue comme un signe de bienveillance de la part de l'état et lui redonnerait la légitimité dont il a besoin pour mener d'autres actions moins "consensuelles" disons, comme la lutte contre la délinquance ou l'intégrisme religieux.
En tout cas l'idée mérite d'être creusée !