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  • De Bayrou à Gallois...

    Que dire du rapport Gallois ? J'ai eu l'impression de passer en revue les tables rondes et les débats que nous avions eus ou du moins initiés pendant la campagne présidentielle de François Bayrou. J'y ai retrouvé plusieurs de ses mesures-phare. J'ai lu en entier toutes les propositions et franchement, ma seule objection va sur les gaz de schiste. J'admets que l'on étudie la question mais certainement pas que l'on passe à l'exploitation compte-tenu des risques connus. Les pro-schistes peuvent toujours faire valoir qu'une pollution définitive d'une nappe phréatique est peu probable, le jour où elle se produit, c'est 10 millions de personnes qui peuvent être empoisonnées. 

    Certes, je comprends l'argument de Louis Gallois observant que son exploitation amorce une réindustrialisation en Amérique et que désormais, ce pays paie deux fois et demi moins cher son gaz que nous, mais le risque est vraiment trop élevé.

    Pour tout le reste, conseil stratégique, stabilisation juridique, soutien aux entreprises exportatrices, phase d'industrialisation pour les pôles de compétitivité, nécessaire accroissement des marges des entreprises, on ne peut qu'abonder dans le sens de Gallois.

    Il y a toutefois un grand absent du rapport Gallois : rien, absolument rien sur le consommateur et sur son rôle. Je crois pourtant que les Associations de consommateurs, les labels (écologiques, équitables, locaux comme le Made In France), les actions de groupe pourraient jouer un rôle déterminant dans le redémarrage de notre économie. Rien non plus sur l'économie solidaire de type SCOP. Il y a des secteurs passés sous silence et en ce sens, je juge le rapport Gallois incomplet même s'il offre des perspectives.

    J'ai titré de Bayrou à Gallois, j'aurais voulu écrire de Gallois à Bayrou. Malheureusement, le Béarnais demeure le seul, pour l'instant, au sein de la sphère politique, à avoir voulu penser le consommateur comme un acteur économique de premier plan.

    Dans le concert de louanges adressé à ce projet il y a eu tout de même quelques voix discordantes : bien sûr, celle de la gauche de la gauche, et elles étaient prévisibles mais aussi quelques voix de droite et c'est une surprise. Authueil ne fait pas dans la dentelle en qualifiant le rapport d'escroquerie. J'avoue avoir été fort surpris de le voir reprocher à ce rapport de ne pas permettre à l'État d'assurer un contrôle sur les entreprises et de proposer de dégager des marges pour les entreprises sans contrepartie. Jean Peyrelevade faisait observer il y a quelques années (et je crois qu'il n'est pas le seul) que les enteprises françaises ont les marges les plus faibles d'Europe. Comment améliorer leur RD dans ces conditions ? Enfin, je m'étonne de voir le protestant plutôt d'obédience libérale qu'est Authueil réclamer davantage d'économie administrée si l'État doit se mêler des contreparties qu'il escompte obtenir. 

    Laurent de Boissieu a sommairement mais assez justement exprimé dans son dernier billet la différence entre baisse de TVA à droite et baisse de TVA à gauche. Si j'en crois les intentions d'Ayrault et le billet d'Authueil, il faut donc en conclure que le premier est à droite et le second à gauche, alors ?

    J'ai  lu également l'article de Marie-Anne Kraft assez complet sur le rapport. Je crois qu'elle fait erreur sur un point : elle aurait voulu que le gouvernement cible les crédits d'impôt qu'il prévoit sur l'industrie or je crois que le droit communautaire nous empêche de mener une fiscalité ciblée de ce type. Raison de plus pour rester sur l'idée d'un transfert vers la CSG et dans une moindre mesure vers la TVA comme le préconisait Bayrou dans son État d'urgence.

    Le gouvernement y vient de toutes façons peu à peu puisqu'il vient d'augmenter une première fois la TVA au grand damn des blogueurs de gauche au demeurant, certains ayant assuré il y a peu que jamais ce gouvernement ne s'y risquerait...

    Tout doucement mais inexorablement, le gouvernement Ayrault glisse vers une politique économique et sociale à peu près social-libérale, comme l'observait à nouveau judicieusement Laurent de Boissieu.

    Certains de mes lecteurs s'étonnent sans doute de me voir avoir beaucoup modéré mes propos contre la gauche ces derniers mois : si j'excepte le fait que Hollande n'a pas dit la vérité aux Français, contrairement à Bayrou - et cela me reste en travers de la gorge - je dois admettre qu'un nombre important d'aspects de la politique menée par ce gouvernement se rapproche de mes propres préconisations. Pas tous, toutefois : il reste chez les Socialistes une méfiance consubstantielle envers les initiatives privées. Ils se méfient des entrepreneurs et cela transparaît dans leurs discours, ils se méfient des individus et cela transparaît dans leurs mesures ou leur absence de mesures. Le chemin vers un libéralisme pragmatique et moédéré est encore long.

    Et puis...il y a un autre choc que l'on attend et qui dégagerait bien des marges, je l'ai déjà écrit récemment, c'est la réduction de la dépense publique comme le rappelait opportunément Alain lambert hier...

  • Les aides à la presse

    Emmanuel Beretta se demande s'il faut aider toute la presse ou quelques titres seulement : de fait, Aurélie Filipetti envisage de sérieusement réduire la voilure en concentrant les dispositifs sur la presse d'information seulement.

    Si intellectuellement j'adhère au point de vue d'Aurélie Filipetti, dans la pratique, je juge ce qu'elle envisage de faire très dangereux. Sur quel critère peut-on juger vraiment ce qui relève de l'information ou pas ? Les magazines de loisirs délivrent aussi de l'information...sur les loisirs...

    Ceci revient à ce que l'État décrète ce qui est bon ou pas et, en matière de liberté de la presse, je troupe ce principe très inquiétant. 

    Même si nous vivons en démocratie, il est de toutes façons dangereux par essence de fonctionner avec une presse subventionnée. Quand bien même les gouvernants seraient transparents, respectueux et exemplaires, il y a quelque chose de vicié dès lors qu'un magazine ou un quotidien devient financièrement dépendant d'un État et donc d'une majorité politique.

    La France est un pays étonnant : c'est une nation aux moeurs démocratiques, c'est incontestable, mais elle accepte un grand nombre de mécanismes de fonctionnement qui eux, ne le sont pas.

    Certes, Montesquieu fait à très juste titre valoir dans son Esprit des Lois que le moteur du régime républicain, c'est la vertu, et ce bien avant les institutions, il n'en reste pas moins qu'en dénaturant ces dernières, on pousse à l'évidence au vice.

    Mon affreux libéral favori * juge notre presse nationale aussi coûteuse qu'affligeante. Je ne suis pas certain de le suivre complètement. Je veux bien lui concéder qu'elle n'est pas fameuse, mais je crains ce qu'il surviendrait si elle disparaissait. D'ores et déjà, on fait l'économie de correcteurs fiables, l'information est de moins en moins vérifiée et de plus en plus relayée. Les portes s'ouvrent en grand pour les rumeurs et une désinformation d'un nouveau genre : au lieu d'être la voix de son maître, elle prospère désormais sur le ruissellement indiscernable des réseaux de toutes sortes.

    D'internet peut surgir le meilleur mais aussi le pire. S'il est un phénomène de nature démocratique c'est bien celui-là. Sauf que j'entends pas démocratique exactement le sens celui que les Grecs et particulièrement Aristote lui donnaient.

    C'est au Livre VI de sa Politique, particulièrement dans le chapitre 4 qu'Aristote examine les diverses formes de démocratie. Aristote estime que c'est l'égalité entre citoyens qui assure sa forme la plus pure à la démocratie. Mais que ce soit la multitude qui fixe à la place des lois ce qui est bon ou non et la démocratie vire à la tyrannie la plus insidieuse. Une voie royale s'ouvre alors aux démagogques de toutes sortes.

    C'est un peu un phénomène similaire que je crains avec Internet. Chaque voix se vaut, mais toutes ne sont pas autorisées de la même manière et c'est celle de la multitude qui finit par l'emporter sur celle de la vérité.

    Nos journalistes ne sont peut-être pas extraordinaires, mais, dans leur ensemble, ils respectent  une métholodologie digne de ce nom en contrôlant à peu près l'information brute qu'ils reçoivent.

    Les enquêtes cèdent parfois à la facilité mais, quels que soient leur travers, ces derniers seront toujours moindre que ceux de celui qui parle le plus fort.

    Je ne suis pas certain que mon affreux libéral favori perçoive bien les conséquences de ce qu'il prône. De fait, il croit en internet comme en la vertu immanente des marchés : selon lui, la qualité s'imposerait spontanément et s'assurerait non moins spontanément un équilibre financier satisfaisant. Comme la main invisible qui régule heureusement les marchés en somme.

    En dépit des exemples qu'il donne, notamment américains, je ne crois pas à la chose. La mauvaise herbe chasse la bonne plante, et, même si la plante n'est pas bonne, ce qui vient ensuite est pire.

    Voilà qui m'amène dans une déplorable aporie :

    - soit l'État aide la presse et il restera un semblant d'analyses et de tris dans la sphère journalistique mais alors la presse n'est plus vraiment libre.

    - soit l'État se retire complètement mais, comme la nature a horreur du vide et les fonds d'investissement des activités qui ne sont pas rentables, le journalisme "citoyen" s'engouffre dans la brèche et le règne de l'opinion, su scoop, de la rumeur, vient.

    Je me doute que mon affreux libéral favori, et il ne sera pas seul, m'objectera qu'il existe une troisième voie : un modèle économiquement viable. On l'attend toujours.

    * Observez que sans avoir pris la peine de chercher un lien ad hoc, je connais tellement bien mon vil exploiteur du peuple, mon koulak électronique (que le Grand Satan Américain, prétendue patrie du capitalisme, l'emporte), que sans même me référer à un billet ad hoc, puisque je parcours et feuillette quotidiennement ses écrits, je suis capable de restituer quasi infailliblement ses positions sur la presse :-)