Ce n'est pas facile d'amener l'éducation comme thème dans une campagne présidentielle. L'absence de pensée et d'originalité des partis politiques sur ce thème est tout simplement prodigieuse. Ils se contentent de reprendre les recettes éculées des think tank et autres cercles de spécialistes tenant le haut du pavé.
François Bayrou vide la querelle pédagogique en s'en remettant à un pragmatisme absolu : juger les enseignants sur leurs résultats. C'est le début du chemin, mais le début seulement.
Si Bayrou veut s'extraire de la doxa ambiante, il doit aller bien plus loin : remettre en cause tout l'utilitarisme ambiant et débilitant. Le culte de la compétence, du savoir-faire, du savoir-être et tous ces infinitifs abscons qui permettent de mieux noyer le poisson.
Qui remettra enfin en cause les fameux tests PISA dont l'objet n'est que de mesurer les "compétences utilitaires" des individus ? Le terme de "compétence" qui s'est désormais imposé partout est en tant que tel d'une débilité déconcertante. Comme on fait des bilans de compétence dans les entreprises (ce qui a un sens) des imbéciles ont imaginé calquer ce schéma professionnel sur l'école. Depuis, on mesure les compétences dans les écoles, les collèges et bientôt les lycées puisque le mal se propage comme une gangrène. On fait ainsi gaspiller un temps précieux aux enseignants.
Aujourd'hui, je vois les partis politiques agiter le statut des enseignants comme si c'était là ce dont souffre notre école : haro sur le temps de présence des enseignants dans les écoles, haro sur les rythmes scolaires (c'est à dire les vacances des enseignants en somme). Croit-on un seul instant que les résultats scolaires des élèves vont s'améliorer parce que les enseignants feront plus de réunions pédagogiques bidon ? Est-ce juste, au demeurant, de s'apprêter à faire travailler davantage une profession toute entière, a fortiori sans les moyens financiers pour la compenser de ce surcroît ?
Marielle de Sarnez dans sa lettre européenne de juillet 2011 a réalisé un tour d'horizon de pays d'Europe différents avec des rythmes très différents. Corrélation avec les classements PISA (pour autant qu'on accepte de leur accorder l'importance qu'ils ne méritent sans doute pas) ? Zéro.
Je ne comprends pas que Bayrou n'évacue pas définitivement ces balivernes, puisqu'il s'obstine à citer les rythmes scolaires comme une réforme à faire dans l'Éducation Nationale dans son État d'urgence, ou encore qu'il n'ait pas rejeté les compétences qu'il accepte si elles sont "bien faites" dans sa première tweetinterview.
Je l'invite plutôt à relire les premières pages du livre de son ami béarnais, Jean Lassalle, la parole donnée : celui-ci y évoque avec émotion sa découverte des philosophes grecs et observe qu'il fut un temps où dans chaque village de France, on pouvait étudier les humanités.
François Bayrou avait fait de l'excellence l'un de ses chevaux de bataille en 2007. Il a fait valoir tout au long des dernières années que l'État avait d'abord besoin d'être présent là où il avait déserté.
Moi, je lui propose comme programme cette fusion de ces deux préoccupations : relocaliser l'excellence. Voilà qui me paraît très bien s'associer avec son Made in France et la relocalisation des industries.
Deux modèles s'opposent :
- d'un côté la super High School dont rêve le Descoings qui distribue des dividendes à ses associés tout en se donnant bonne conscience avec sa pseudo discrimination positive.
- de l'autre, le rêve de Lassalle, une école implantée sur tout notre territoire donnant à chacun les moyens de se réaliser, et ce, quels que soient ses moyens. Allez entrer à l'IEP sans passer par la très coûteuse préparation privée IPESUP...Sauf à faire partie de l'heureuse cohorte des discriminés, évidemment...
Évidemment, quand je parle d'excellence, je la fais rimer avec exigence. Et cette excellence doit pouvoir s'exercer sur tous les chemins de l'école et de l'apprentissage. Du latin et du grec partout, puisqu'ils sont emblématiques, mais aussi du compagnonnage dans chaque village. Voilà comment je vois la chose.
Ceci suppose des décisions courageuses : épurer la technostructure de l'Éducation Nationale qui impose ses délires pédagogico-khmeresques depuis trop longtemps, reconsidérer toutes ses structures, et notamment les chaînes de hiérarchie, redonner un vrai rôle à l'inspection pédagogique, en finir avec les lieux de vie et "l'éveil". Plus généralement, je le redis, laisser les enseignants et les établissements scolaires s'organiser comme ils l'entendent, y compris du point de vue de leurs méthodes et leur fixer seulement des objectifs. Ce dernier point est assez proche des vues de Bayrou.
Il ne suffira pas d'épurer la techno-structure : Ulysse se bouche les oreilles dans l'Odyssée pour échapper au chant des sirènes. Bayrou doit bien comprendre qu'il ne doit plus écouter conseillers, commissions, think tank, spécialistes, syndicats et autres pédagogolâtres patentés, mais suivre son instinct, car, quand il agit ainsi, il est souvent bon. A lui de jouer, maintenant : il a voulu axer son projet sur un tryptique produire, instruire, construire. Produire, on y est mais instruire, cela reste à faire. Et, je l'ai dit au mois de juillet, il ne s'agit surtout pas de proposer la même chose que les autres partis. Il faut créer le clivage, et sur ce sujet,c 'est d'autant plus aisé que les autres parlent tous d'une même voix. Ils ne s'affrontent que sur le nombre de postes à supprimer ou à réaffecter à l'école, c'est là tout ce qui leur tient lieu de débat. Sur tout le reste, ils sont d'accord à 100%.
Notre école et les Français méritent autre chose, non ?
Commentaires
"Plus généralement, je le redis, laisser les enseignants et les établissements scolaires s'organiser comme ils l'entendent, y compris du point de vue de leurs méthodes et leur fixer seulement des objectifs."
Vivant aux USA, je ne peux que désapprouver cette idée de laissez-faire les écoles comme on leur semblent... cela ne fera que conduire a des disparités parmi les acquis en fin de parcours, et les universités devront baisser leur niveau pour que tout le monde puisse suivre. C'est totalement nul comme idée, crois-moi !
*comme bon leur semblent
C'est bien de "relocaliser l'excellence". En fait François Bayrou l'a déjà dit ... Mais il faut surtout dire "comment" et sans trop creuser le déficit !
"François Bayrou vide la querelle pédagogique en s'en remettant à un pragmatisme absolu : juger les enseignants sur leurs résultats."
Ou ca, exactement dans état d'urgence?
Si vous aviez été présent en commissions, vous sauriez qu'il ne s'agit absolument pas de ce propos.
Sinon, yep en commission rien dit à ce sujet prècis car ce thème fut indirectement abordé il y a quelques années, et puis je déteste les redites ou la pratique du "harcèlement",alors^^^et encore au cas ou...Cela évite les "fuites". ;)
Si je puis me permettre, le programme de Bayrou parle d'instruire, pas d'éduquer. La différence a à mon avis toute son importance. "L'instituteur ne remplacera jamais le parent", pour paraphraser l'autre.
oui enfin revenir aux humanités façon enfance de Lasalle ET apprendre les nouveaux savoirs (web etc...) ET réformer le rythme scolaire, il va falloir choisir...
Toujours aussi tete à claques l'Romain pété d'orgueil^^^Qui ne propose rien, plutot dans le mode de fonctionnement de la guèpe ou du bourdon asiatique. :o)))
@romain
Oui, il va falloir choisir.
@L' héré,
Vous ai lu chez l'Nico^^^.Suis assez d'accord, l'origine du différent concerne un billet parait-il, conviendrait-il de déballer le pseudo du fils du concerné qui a longtemps sévi dans le domaine politique?
Ensuite, assez consternant d'observer les ouvertures de parapluie, chez certains rapaces.
Crains, de ne pas avoir vraiment tout à fait compris l'objet du courroux, est-ce du vraiment, à ce dit billet? Ou est-ce parce qu'il s'est inspiré de certains de mes mots ou^^^? Si le dernier cas, encore plus ridicule, car nombreux sont ceux qui en usent et abusent, tous bords confondus. Vous le savez bien...
N'en déplaise à NicolasJ 1er ;)
Corto a recu bien davantage de commentaires^^^Aussi je peux comprendre qu'il puisse en avoir concu du ressentiment, et d'autres de l'embarras :o)))
Au fait, des news d'human? Rhooo^^^
"Plus généralement, je le redis, laisser les enseignants et les établissements scolaires s'organiser comme ils l'entendent, y compris du point de vue de leurs méthodes et leur fixer seulement des objectifs."
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec Gophamet, et ni entièrement d'accord avec la citation précédente. Je m'explique:
Je pense qu'il faut laisser de l'autonomie aux établissements, mais pas sur le contenu ou les objectifs qui doivent être universels, uniquement sur la méthode. En effet les objectifs doivent être les même pour tout le monde, et éventuellement récompensés en cas d'accomplissement, avec quelque chose qui ressemblerait à une prime à la réussite.
Il existe actuellement une prime pour les étudiants ayant obtenu une mention très bien au bac, mais c'est tout! On pourra dire que l'école sert à inculquer le désir d'apprendre, la soif de connaissance, cependant la pratique ne colle pas tout à fait à la théorie, du moins pas pour tout le monde. On pourra dire que l'école sert à inculquer le désir d'apprendre, la soif de connaissance, cependant la pratique ne colle pas tout à fait à la théorie, du moins pas pour tout le monde. Il faut bien se mettre en tête qu'un étudiant n'a pas envie de se casser la tête, et ne va à l'école que parce qu'on lui a dit qu'il devait y aller, et très rarement par passion. Une légère redistribution des bourses sociales vers des bourses progressive du mérite (autant du coté des élèves que des enseignants, que du personnel d'établissement en cas de bon résultat), ou provenant d'autre sources pourrait inculquer à ces jeunes la "valeur" du travail, l'envie de travailler en ayant un objectif que tout le monde peut comprendre: l'argent, bien que celui-ci ne doive pas être présenté comme unique objectif, il peut malgré tout motiver beaucoup d'étudiants.
Et pour motiver il ne faut bien sûr pas que les objectifs soient "quasiment" inatteignables, mais bien progressifs de façon à ce que tout le monde se dise que c'est possible. En gros l'école de la vie! Travail = Gain de valeur, il suffit juste de diversifier le sens du mot valeur dans le cas de l'éducation nationale.
Bien entendu c'est une idée qui ne sera jamais (du moins à court terme) envisagée, car elle bousculerait beaucoup trop de choses, mais je pense que c'est tout de même une idée qui mériterait d'être étudiée, et qui est tout à fait défendable.
D'accord avec pas mal des propos de Jean, mais pas vraiment avec ceux de Gophamet, et je vis aussi aux Etats-Unis (d'ailleurs, si on ne se connait pas, contactes-nous a travers www.lesdemocratesameriquedunord.com!). Le programme doit etre commun, mais il faut sans doute mieux mettre en valeur les projets d'etablissement, et impliquer les enfants de maniere plus directe. Je pense que la question du "comment" passe par cet axe: il faut reflechir a des actions qui permettent aux eleves de s'impliquer dans la vie de leur etablissement, c'est leur premiere experience en tant que citoyen au sein d'une communaute. Pour continuer sur l'idee du gain et de la valeur, il faut qu'ils puissent comprendre "a quoi ca sert". On est tous (ou presque) passe par la: "a quoi ca va me servir d'en savoir plus sur les integrales?". Il faut sans doute prendre exemple sur le vraie vie en entreprise. Quand on fait une formation continue, c'est pour developer un type precis de competence: leadership, capacite a conceptualiser, analyser, communiquer, organiser etc...
Pour resumer l'idee: impliquer, responsabiliser, valoriser et donner des perspectives aux eleves, et donc aider les enseignants dans ce sens plutot que de leur pourrir la vie en etant sur leur dos (meme si l'inspection reste importante, mieux vaut ameliorer ce point plutot que d'en rajouter).
"Le programme doit etre commun, mais il faut sans doute mieux mettre en valeur les projets d'etablissement, et impliquer les enfants de maniere plus directe."
Ceci dont il s'agit en fait.
J'aime beaucoup votre résumé Olivier. :)
Belle journée à vous
A son Université d'été, FB avait invité... "le" Brighelli. Cela fait froid dans le dos! Il y a tant à faire... en tournant radicalement la page, tout en refusant la destruction du service public de l'éducation par le sarkozysme hystérique.
Ne viendrai pas commenter, à regret. Bonne année à tous.
SI Bayrou partage vos idées cher hérétique alors il gagnera