Olympe me reprochait hier, en commentaires, à la suite du billet que j'ai écrit sur les deux petites jumelles disparues, de choisir Médée comme bouc-émissaire de ces géniteurs qui tuent leur descendance ; elle observait que dans 95% des cas, ce sont les hommes et non les femmes qui commettent l'infanticide. Il y a bien plus d'Atrée et de Pélops que de Médée.
Elle ra raison. Je ne suis pas croyant. J'aimerais l'être, non pour pardonner, mais pour pouvoir souhaiter la damnation à Matthias Schepp. Hélas, je n'ai guère d'illusions, même si j'aimerais, là encore, croire pour pouvoir implorer un miracle. Comment a-t-il pu tuer ses deux adorables petites filles ? J'en suis malade chaque fois que je vois les titres qui s'affichent dans mon reader.
Je crois que c'est pour nous purifier, que les grands dramaturges grecs ont écrit leurs tragédies. Aristote avait raison : Euripide, Sophocle, Eschyle, leurs oeuvres, en réalité, ont une finalité cathartique. Les histoires terribles dont ils dénouent le fil sont là pour nous montrer le destin qui attend ceux qui vont contre les lois divines. Créon enterre Antigone vivante et refuse une sépulture décente à Polynice, sa fin sera misérable. Nous devons être terrifiés par ce sort funeste afin de ne pas être tentés de les imiter.
J'ai une épouvante qui me saisit à lecture de l'histoire sinistre de Matthias Schepp. Sa famille vient de communiquer pour rappeler qu'il fut, dit-elle, un homme affectueux pour lequel sa famille était tout. Impossible. Impossible, non au sens où des faits pourraient contredire ces affirmations, mais au sens où sa fin et celle qu'il a sans doute réservée à ses deux petites révèlent le fond de sa personnalité. Tuer ses enfants, c'est la marque avant tout d'un égocentrisme monstrueux. C'est croire que sa famille, sa descendance, n'est qu'une émanation de soi, et qu'elle doit donc disparaître avec soi. Matthias Schepp a peut-être été victime d'un trouble mental, mais ce n'est pas suffisant pour expliquer son crime horrible. Il faut un fond culturel, dont il n'est d'ailleurs pas le seul comptable, qui considère l'enfant comme une propriété des parents.
Non, non et non, les parents ne font pas ce qu'ils veulent avec leurs enfants. Ils en sont juste responsables, ce qui est autre chose. Commençons par battre en brèche cette idée répandue, pour, peut-être, contribuer à éviter des drames et des conduites épouvantables. Une fois encore je relève la pertinence du propos de Maria Montessori qui éclaire d'une lumière particulière ces jours sombres : l'adulte a une mission sacrée, celle de veiller à assurer l'atmosphère la plus bienveillante et amicale possible pour son enfant. Il n'a pas un droit imprescriptible de décider de son destin. Je préfère croire que le plan secret de la nature, sorte de miracle immanent, se déroule selon une trajectoire qu'il ne nous appartient pas de contrarier mais au contraire de faciliter.
Mon Dieu, si tu existes, que j'aimerais qu'un miracle se produisît, ou alors, si le pire s'est produit, s'il y a quelque chose après la mort, que tu accueilles Alessia et Livia, d'où qu'elles viennent et où qu'elle soient.
Commentaires
En cherchant quelques détails complémentaires sur le crime de Médée, modèle de celui de ce père qui a probablement tué ses deux fillettes, je suis tombé sur votre billet, inspiré par les mêmes faits.
La personne qui vous a fait remarquer que ce type de crime était plus souvent commis par des hommes, a raison. Mais l'apparition de ce type de crime dans un passé récent pose cependant la question d'une évolution de la mentalité masculine. Nous sommes sortis récemment d'une longue période d'appartenance des enfants à leur mère. Il allait de soi qu'en cas de divorce la garde des enfants était attribuée à la mère.
Mais, de plus en plus, les pères revendiquent une égalité de droits, qui a été admise (partage de l'autorité parentale) et des formules de garde alternée.
Le crime de Médée au masculin va bien plus loin. Si dans la tragédie antique le meurtre des fils est l'équivalent de la castration de Jason, le père infidèle, le même crime commis par le père, en cas d'infidélité ou de séparation, peut être interprété comme une confusion des rôles, l'investissement de type maternel des enfants par le père, à égalité avec la mère, étant considéré comme le "nec plus ultra" de l'égalité des sexes, qui se prolonge sous la forme d'une "castration" réelle en cas de séparation. La vengeance prend la forme du talion: le père rend la pareille à la mère en annulant sa maternité.
Il semble bien que ce soit le prix que la société moderne devra parfois payer pour ce progrès.
Il n'empêche que les femmes qui perdent le droit de garde de leur enfant (et ça arrive parfois) ne les tuent pas pour autant.
L'homme est destructeur dans ses actes sexuels : viol, meurtre de ses propres enfants.... Les statistiques sont formelles pour les asassins tous confondus c'est à plus de 80% des hommes.
Il conviendrait de faire intervenir davantage la psychiatrie que la mythologie.
Le geste du père peut aussi s'expliquer par une dépression. Quelqu'un qui est profondément déprimé, ne voit aucun espoir dans l'existence et peut être persuadé qu'en tuant ses enfants, il leurs évite une vie de souffrance .
Tout est dit et malheureusement bien dit !
Homo homini lupus est !
oui à spock ! Il faut être profondément enfoncé, englué, envasé, dans un creux d'humanité pour planifier la mort de deux enfants comme ça a été fait. Une perte de repères ahurissante - concoctée par l'inhumanité du monde présent - qui occulte l'acte critique. Le temps mis par cet homme à commettre l'irréparable est lié à l'abîme noire de la dépression assortie d'une idée fixe qui m'échappe totalement.
"Sa famille vient de communiquer pour rappeler qu'il fut, dit-elle, un homme affectueux pour lequel sa famille était tout. Impossible. Impossible, non au sens où des faits pourraient contredire ces affirmations, mais au sens où sa fin et celle qu'il a sans doute réservée à ses deux petites révèlent le fond de sa personnalité. Tuer ses enfants, c'est la marque avant tout d'un égocentrisme monstrueux. C'est croire que sa famille, sa descendance, n'est qu'une émanation de soi, et qu'elle doit donc disparaître avec soi. Matthias Schepp a peut-être été victime d'un trouble mental, mais ce n'est pas suffisant pour expliquer son crime horrible. Il faut un fond culturel, dont il n'est d'ailleurs pas le seul comptable, qui considère l'enfant comme une propriété des parents."
Entièrement en accord avec toi sur ce point. Certaines personnes considèrent leurs proches comme leur appartenant corps et âme.
J'ai personnellement connu quelqu'un disant à sa propre fille "Fais attention à ma fille !"... là où un père normal aurait dit "Fais attention à toi, prends soin de toi."
Quand c'est dit pour s'amuser ça va, mais lorsque c'est dit sérieusement, on comprend tout de suite le côté profondément inverti. La petite fille n'ayant de valeur que par rapport à lui et non pas en elle-même ! Dans l'esprit d'un tel homme, l'épouse comme l'enfant sont ici considérés comme des objets que l'on peut briser selon son bon vouloir.
En aucun cas, un homme prêt à sacrifier ses enfants pour faire du mal à une autre personne, ne peut sincèrement prétendre les avoir jamais aimés (souvenons-nous du jugement de Salomon...) !
Si cet homme était calculateur, il ne s'est donc pas suicidé par désespoir mais par vanité. Quel grand malheur pour la mère des fillettes.
Sauf si on retrouve les petites filles vivantes... Dans ce cas-là, si elles ont été correctement traitées, mises à l'abri en quelque sorte, il faudrait examiner la situation à l'inverse ! C'est à dire que le père était effectivement désespéré d'avoir été séparé de ses filles par une mère qu'il jugeait lui possessive et donc dangereuse pour les petites. Dans son esprit en tout cas.