Tiens tiens...ce que je prédisais il y a un an, je crois, prend forme, à l'évidence. Les candidats désertent les concours de l'Éducation Nationale.
Ils sont drôles les comiques du Ministère qui reconnaissent «moins de deux candidats présents pour un poste en lettres classiques ou en maths». En lettres classiques, il y avait 135 candidats pour 185 postes ! Le ratio est comparable en mathématiques : il n'y avait que 1300 à 1500 candidats présents pour 945 postes et encore ... un oeil attentif sur l'édito de Didier Missenard du Café Pédagogique lève le voile qui recouvre pudiquement le pot aux roses : en somme, les futurs lauréats seront en grande partie des recalés des années précédentes.
Et pendant que les jeunes Français désertent le professorat, ces cons continuent à tirer à boulets rouges sur les enseignants. Il faut dire que le rapport des sieurs Xavier Breton et Yves Durand est une anthologie à soi seul. Jugez donc de la tonalité de la prose.
Après avoir flingué la formation des jeunes enseignants, ce gouvernement s'apprête à les faire travailler plus, et tente de redéfinir leur temps de travail sous des prétextes fallacieux : les sieurs Durant et Breton écrivent ainsi outre qu’elle ne contribue pas à l’objectif de la réussite de tous les élèves, la définition du service des enseignants du second degré dessert ces personnels auprès de l’opinion publique.
Ah, l'opinion publique...Quel tas d'abrutis. J'ai démontré, il y a peu, que les enseignants n'étaient même plus dans les classes moyennes, désormais. Dans leurs premières années, ils font partie des classes populaires, des milieux modestes. Tous les projets de réforme en cours n'ont qu'un seul objet : dégrader les conditions d'exercice de leur métier. Mais rassurez-vous, les gars, ça marche : les candidats commencent à déserter les concours, comme je l'avais anticipé, et je peux même faire encore mieux que la Pythie de Delphes dans les prédictions. Écoutez l'Oracle de l'Hérétique : ça va s'aggraver !
Bientôt, l'enseignement ne sera plus assuré que par des personnels faiblement qualifiés, ayant échoué aux concours, parfois pas même titulaires d'une licence, recrutés à l'étranger en sciences. Et pour ceux qui auraient la naïveté incroyable d'imaginer que cela fera ainsi le lit de l'enseignement privé, qu'ils soient détrompés ! C'est souvent ignoré, mais, en moyenne, la qualification des enseignants du public est nettement supérieure à celles de ceux du privé. Le privé l'emporte grâce à son encadrement, et parce qu'il peut sélectionner ses élèves, ce que ne peut en aucun cas faire le public.
Quand les Français se réveilleront (s'ils se réveillent, parce que c'est tendance de faire de l'enseignant l'alpha et l'oméga de la fainéantise ou encore un vil privilégié qui profite du système), il sera trop tard pour éviter le désastre.
Ce n'est pas pour casser l'ambiance, jeunes gens et jeunes filles qui vous portez candidats aux concours des métiers de l'enseignement, mais, si j'étais vous, j'obliquerais pendant qu'il est encore temps. Lisez donc les rapports qui s'accumulent, et pour compléter votre édification, les programmes des partis politiques : vous n'avez pas le vent en poupe. Vous ne gagnerez pas un kopeck de plus, mais on vous retirera, en revanche, les maigres avantages dont vous bénéficiez encore jusque là.
Enfin, si portés par la foi, vous décidez de rester, battez-vous, les petits et les petites, parce que là, vous êtes dans la nasse, et jusqu'au cou...
Commentaires
oui, on y est, mais je crois qu'on est même pas les seuls: soignants, moins de 40 ans, policiers, pompiers, tous les métiers de la production, journalistes... il serait + rapide de chercher les métiers préservés pour quelque temps: avocats, assureurs, agents immobiliers, notaires, proches des politiques (c'est pas un métier en soi, mais ça suffit pour avoir une bonne paye)... je ne sais même pas conseiller mon fils sur un métier d'avenir! à part de partir d'ici, je ne vois rien.
L'Afrique est assez sens dessus-dessous, mais je crois qu'il y a de l'avenir, chez eux. Ou peut-être l'Australie. ou encore l'Inde, mais ils ont déjà autant d'ingénieurs que le Canada compte d'habitants: autant dire qu'ils n'ont pas besoin de nous.
espérons qu'on nous achèvera plutôt vite.
@do
vous êtes encore plus optimiste que moi, vous... :-)
La tendance est là depuis quelques années (un ami m'informait déjà de la montée des démissions des jeunes professeurs dès l'année de stage) mais avec ce qui se passe, rien d'étonnant à ce que le phénomène ne se précipite. Ceci dit, le recours aux vacataires flexibles et payés au lance-pierre arrangera aussi le Ministère.
Il y a là-dedans une nauséabonde hypocrisie et, j'en suis persuadé, une vraie volonté de détruire l'Education Nationale pour construire un système privé. Comme pour la Santé, les Retraites etc. (je sais je me répète mais c'est important).
Et comme tout depuis 2007, ça passe sans soucis, comme si le pays était anesthésié.
J'aimerais entendre davantage FB et le MoDem là-dessus (sur Bayrou je n'ai aucun doute. Sur le parti, c'est différent...)
"C'est souvent ignoré, mais, en moyenne, la qualification des enseignants du public est nettement supérieure à celles de ceux du privé."
Cela a toujours été ! J'ai fait mes études secondaires dans un collège de religieuses et certains profs n'avaient aucuns diplômes ! Tiens à commencer par le prof d'allemand que j'ai dû subir dès la 6ème (qui fait que je n'ai pas pu apprendre l'anglais puisqu'en 4ème seul l'espagnol y était proposé donc imposé). Après un séjour d'un mois en Allemagne chez ma correspondante, j'étais meilleure que la prof !!!
Il y a urgence, oui il faut impérativement relever notre niveau d'exigence dans tous les domaines ! L'accession au savoir est la seule façon de ne pas nous laisser dominer et exploiter.
"Il y a urgence, oui il faut impérativement relever notre niveau d'exigence dans tous les domaines ! L'accession au savoir est la seule façon de ne pas nous laisser dominer et exploiter."
Chère Françoise, je peux vous dire qu'on va dans le sens contraire. Le "socle commun des compétences" et la version française de cette "consigne européenne" - le mot magique!-, en plus d'être une usine à gaz qui commence déjà à épuiser le corps enseignant et l'administration, semblent faits pour faire croire que nos élèves apprennent quelque chose et acquièrent des savoir-faire utiles. Il n'en est absolument rien.
Les rectorats ne pensent qu'aux statistiques de résultats, et on va envoyer des générations entières dans les facs "rénovées" pour créer des cohortes de "Bac+n" qui ne sauront rien faire, n'auront jamais été mis dans une situation d'effort, MAIS auront des exigences de salaire et de niveau de vie sous prétexte qu'ils auront cumulé des diplômes qui leur auront été donnés.
Ah, les vieux clichés restent et je ne pense pas qu'il faut revenir sur un débat publique contre privé. La seule chose que je peux dire c'est que l'enseignement privé recrute.
@AG59
Je pense que le privé est utile, mais vous savez, si jamais l'enseignement se délite, il ne permettra pas de contre-balancer l'éradication du savoir dans le public.
Le constat dans le Nord est que les effectifs augmentent dans le privé pendant qu'il baisse dans le publique.
Mais, oui, je suis d'accord que l'école publique est utile et son enseignement est bon mais il devrait revoir son fonctionnement et peut être se rapprocher du système d'encadrement du privé (ce que recherche les parents aujourd'hui d'où la "fuite" vers le privé)
Je suis un pur produit de ce que vous dénoncez: normalien, passionné par la recherche et l'enseignement (= la transmission des savoirs, pas la garderie d'adolescent qu'on nous enjoint de considérer comme des débiles mentaux), et bien après un an d'enseignement à Jussieu, j'ai fui.
Et je préviens désormais autour de moi que pour devenir enseignant, soit il faut une prépa (le statut d'enseignant de classes préparatoires est encore très confortable: pour combien de temps ?), soit il faut être prêt à partir à l'étranger (essentiellement en Allemagne ou en Suisse, derniers pays européens à parier sur le savoir).
Les soucis que j'évoque plus haut sont aussi présents dans le privé. Comme le dit l'Hérétique, le délitement n'épargnera personne si on laisse faire.
Mon fils est en 4e, dans le privé. Il a une centaine d'"items" (!) à valider cette année au nom du "socle commun de compétences". Pour ce faire, il doit demander pour chaque "item" à deux (!) enseignants différents la "validation" de ladite compétence. Par mail. Sur un site dédié. Qui rame (de façon scandaleuse).
a. il est découragé d'avance par la procédure.
b. quid des profs qui vont recevoir des mails par centaines pour lesquels ils devront à chaque fois vérifier la qualification du gamin, cocher la case etc.?
Franchement, vous ne pensez pas qu'il vaudrait mieux mettre les élèves au boulot et leur inculquer un minimum de sens de l'effort et de curiosité plutôt que de les noyer sous ces conneries?? Quant aux profs, n'ont ils rien de mieux à faire que de perdre leurs journées dans les "Environnements Numériques de Travail" coûteux à la collectivités et trop souvents médiocres sur le plan technique (à ce sujet, tout ce qu'on peut lire sur le temps de travail des enseignants est totalement bouleversé par ce système de bureau virtuel puisque les professeurs travaillent de plus en plus à la maison et que les tâches administratives sont en augmentation constante).
Tout est fait pour dégoûter les candidats. Et à terme affaiblir l'EN...
Et quand enfin on devient prof, on a les leçons des parents et le mépris des 2/3 de la société, qui nous prennent pour des privilégiés...
http://elrond.over-blog.com/article-formation-des-enseignants-le-cauchemar-continue-61991123.html
http://elrond.over-blog.com/article-la-verite-sur-la-reforme-des-maitres-par-l-ump--40367949.html
http://elrond.over-blog.com/article-les-eleves-victimes-de-la-masterisation-45174533.html
http://elrond.over-blog.com/article-capes-2010-2011-une-farce-45160790.html
Vous avez oublié une piste d'avenir pour un futur radieux de l'Education Nationale. Puisque les concours ne sont plus sélectifs (et la mastérisation a commencé à les détricoter) et coûteux, on les supprimera à brève échéance.
Pour apporter de l'eau à votre moulin, le ratio est à peine différent en histoire-géographie (pourtant il n'y a guère de porte de sortie en dehors de l'enseignement) : moins de 2000 inscrits (ce qui ne signifie pas que tous composeront) pour 550 postes.
http://www.dailymotion.com/video/x691zw_les-fatals-picards-la-securite-de-l_music
http://www.dailymotion.com/video/x1pffi_la-securite-de-l-emploi_music
(l'autre vidéo est incomplète)
@Cecilium,
J'aime les liens musicaux :)
Cependant, en ce qui concerne certains exodes, car mon milieu pro est truffé d' anciens profs,résumer l'histoire ainsi pfff ( les mots de la fin sont souvent ceux qui restent inscrits) est loin de la vérité pour ceux que j'ai rencontré.
On en parle ici : http://www.neoprofs.org/t28493-devenir-enseignant-aujourd-hui
Merci pour cet article intelligent :-)
"C'est souvent ignoré, mais, en moyenne, la qualification des enseignants du public est nettement supérieure à celles de ceux du privé. Le privé l'emporte grâce à son encadrement, et parce qu'il peut sélectionner ses élèves, ce que ne peut en aucun cas faire le public."
Ca c'est bien vrai !
C'est vrai pour le privé hors contrat, pour l'autre moins.