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Fabrication hexagonale

J'évoquais dans deux billets précédents ce que pourraient être l'ébauche d'une économie du recyclage d'une part, puis d'autre part un code de consommation tout personnel. Je poursuis donc cette réflexion en m'appuyant sur les données qui figurent sur deux blogues : Hexaconso et la Fabrique Hexagonale.

L'un et l'autre donnent des noms d'entreprise dont la production est intégralement ou quasi-intégralement réalisée sur le sol français. Hexaconso ajoute une information fort précieuse : une fiche d'identité de chaque entreprise précise son nombre d'employés et la localisation de l'atelier ou de l'usine. On sait ainsi le nombre d'emplois en jeu en achetant français.

En parcourant les listes élaborées par ces deux sites, je crois avoir dégagé quatre écueils au moins sur lesquels butait cette production hexagonale :

1) un rétrécissement radical de l'offre de produits. Bien trop peu de diversité à tous points de vue.

2) un coût souvent supérieur aux productions allogènes.

3) parfois une absence d'innovation ou de créativité. De la qualité pas toujours au rendez-vous.

4) une vraie difficulté à présenter une offre claire, notamment sur internet (site en construction, incomplet, sans prix indiqués, par exemple)

Difficile d'allier toutes les qualités. Considérons le cas de Set in black,  par exemple, qui a fait de la maille noire son étendard. L'entreprise a une ligne de vêtements. Jolis. Mais un polo homme, contînt-il de la soie, ne coûte pas moins de 131 euros. Objectivement, sa coupe est magnifique, et j'aime beaucoup. Une solde est annoncée à 50%. Cela signifie donc que le prix habituel pour ce polo est de 262 euros ou alors que le site est mal conçu puisque le système de paiement indique bien 131 euros (si le solde était sur ce montant, alors la somme finale serait de 65,50 euros). Il faut le vouloir pour être prêt à débourser une somme pareille pour un polo.

Fabriquer en France a un coût évident : sommes-nous prêts à le payer, voilà une première question qui me paraît patente. Mais corollairement, sommes-nous prêts aussi à admettre de nous retrouver un jour au chômage parce que le service que nous rendons, l'objet que nous fabriquons seront réalisés ailleurs ? Set in Black, c'est 181 emplois en France. Qu'ils cessent de vendre, et c'est le malheur qui s'abat sur 181 foyers.

J'ai regardé une autre entreprise, spécialisée sur un seul créneau : la chemise pour homme. Lordon est installée à Châteauroux et emploie 11 personnes. J'avoue avoir eu une bonne surprise. Pour des chemises de qualité, les prix tiennent la route. Aux alentours de 80 euros pour une chemise de qualité, c'est acceptable...pour ceux qui en ont les moyens ! Les cravates à 20 euros, c'est correct aussi.

J'ai regardé ce qu'il se faisait avec les jouets pour enfants, puisque nous approchons de noël. Du bois, encore du bois et toujours du bois. Sommes-nous encore capables de produire du plastique en France, nom d'un Gaulois ? Miracle ! Un unique fabricant de jouets réalise ses produits en plastique. Ecoffier. L'inconvénient, c'est que les retours des utilisateurs divergent : si certains sont satisfaits, d'autres dénoncent des défauts qui n'ont rien à envier à la contrefaçon chinoise du meilleur label de mauvaise qualité... Et les poupées alors ? Petit Collin semble avoir un véritable savoir-faire dans ce domaine, son site présente bien, mais, après un quart d'heure de lecture, pas moyen de trouver un prix...Ouf, une boutique qui affiche le prix d'une poupée. 30 euros. Il y en a des moins chères, mais si la qualité suit, c'est un prix acceptable.

On a parfois quelques bonnes surprises : j'ai appris que Monoprix fabriquait en France toutes les fournitures scolaires génériques que l'enseigne propose dans ses grandes surfaces.

Mieux, dans ce domaine, Oxford, marque française s'il en est qui fabrique tout en France, avait présenté une authentique innovation à un prix défiant toute concurrence (un peu plus d'une dizaine d'euros) en 2009 : un cahier de textes adapté au stylo numérique, capable de transférer sur un ordinateur ce qu'on y écrit.

Une chose, en tout cas, me paraît certaine : on se ridiculise à dénoncer d'un côté les méfaits du libéralisme, de la concurrence libre et non faussée, et, de l'autre à en profiter à plein, car c'est bien là l'un des moteurs de notre société de surconsommation.

Pour le MoDem et François Bayrou, pour lesquels la fabrication hexagonale est désormais une priorité économique, il y a dans ces modèles d'entreprises qui tentent vaille que vaille de maintenir leur production dans leur pays d'origine, les ferments d'une recomposition du paysage industriel de la France. 

Commentaires

  • Merci pour ce billet qui me permet de dire mes réflexions sur certaines attitudes observées justement ce WE aux congrès (oui "les" congrès car j'ai fait un tour à celui des jeunes samedi après-midi étant donné que je me trouvais dans le coin)…
    Si je suis venue à Paris, malgré le coût du voyage, c'est précisément pour rencontrer certaines personnes au sujet de mon projet innovant de centre-ville.

    D'abord -c'est regrettable mais c'est la vérité- j'ai trouvé bien plus d'écoute chez les jeunes que chez ceux de mon âge.
    Comme si nous, les séniors, avions perdu un peu de notre flamme. Pas tous bien sûr mais de la part de certains élus j'ai ressenti beaucoup de réserve, et même un vrai recul pour quelques uns. Dû à cette éternelle peur de l'inconnu peut-être ?! Ou cette affreuse position qui voudrait que seule notre propre idée (celle que nous avons eu nous en premier) serait la meilleure et qu'en aucun cas il nous faudrait aider, conseiller voire épauler les autres sous peine de nous abaisser ?!

    Ensuite, si la politique est emplie de gens infatués d’eux-mêmes (je ne vois pas pourquoi notre Mouvement y échapperait évidemment), lorsqu’il s’agit d’enjeux si importants comme la création d’emplois, je reste malgré tout médusée de voir ce flagrant manque d’enthousiasme ! L’enthousiasme, c’est pourtant exactement ce que François Bayrou préconisait dans son discours…

    Nous avons la chance au MoDem d’avoir des gens issus de tous les secteurs d’activité. Certains extrêmement talentueux et je n’ai pourtant trouvé qu’indifférence et quelquefois condescendance. Je fais donc ici un appel chez toi, l’hérétique :
    Comment puis-je faire pour persuader nos cadres que certains membres de base, des non élus (qui le seront peut-être un jour), peuvent aussi apporter des solutions ?!
    La créativité fait peur, je suis bien placée pour le savoir, mais ne risquons-nous pas de nous enfoncer si nous nous combattons dans nos propres rangs ?

    Parce que mon entreprise sera et restera française avant tout !

  • Tu met le doigt sur LA difficulté du "Fabriqué en France" : la concurrence internationale.

    Si on met un peu les choses à plat, on voit que ce qui leur permet d'être compétitif c'est d'une part les conditions de travail, qui peuvent s'apparenter à une forme d'esclavage dans les cas les plus extrêmes, l'équilibre (ou plutôt le déséquilibre) monétaire, et les différences de normalisation.

    Promouvoir la fabrication en France ne pourra pas se faire sans agir sur ces leviers, avec un réajustement des monnaies, une taxe sociale et écologique servant à favoriser l'implantation industrielle, et une politique d'audit sérieuse dans les pays exportant en France, que ces actions soient françaises ou européennes.

  • Merci d'avoir mis à note connaissance ces deux sites :)

  • Je suis et approuve (tout du moins partiellement) vos articles sur l'achat et la fabrication française.

    Malheureusement, la fabrication française n'est parfois qu'une façade commerciale.

    Je n'attaquerai pas Lordon qui semble effectivement fabriquer de la qualité, précise bien qu'il s'agit de "fabrication française" mais — sauf erreur de ma part — ne précise toutefois pas l'origine de ses tissus (de nos jours, l'essentiel des tissus sont produits en Inde, au Pakistan, au Maroc, ...).

    Savez-vous, par exemple, que lorsque vous achetez sur un marché d'Ajaccio un "saucisson Corse", il suffit que ce saucisson ait été salé en Corse pour qu'il porte cette mention. D'ailleurs, la plupart du temps, la viande qui le compose vient de Roumanie ou d'Amérique du Sud.

    Rossignol a communiqué dans tous les sens sa "re-localisation" jusqu'à ce que l'on apprenne que ce retour au pays concernait uniquement une poignée d'employés dans un centre de recherche (la production se fait toujours à l'étranger).

    Les doudounes de luxe Moncler ont souvent été prise en exemple dans le domaine du savoir-faire et de la qualité française. Et pourtant, une énorme partie de sa production vient du Maroc et son usine française vient d'être fermée par le groupe italien propriétaire...

    Les bases de votre réflexion sont bonnes. Je pense toutefois que si FB veut poursuivre son combat pour la fabrication hexagonale, il faudra pousser cette réflexion vers des labels qui assureront que la partie hexagonale ne concerne pas que la finition de celui-ci.

  • Il y a aussi Meccano qui produit une partie de ses jouets en France je crois et je pense de bon rapport qualité/prix.

    Julbo pour certaines lunettes de soleil aussi à un prix dans la normal.

  • @Emmanuel
    Ils ne le précisent pas, en effet. Enfin, si déjà cela crée de l'emploi en France, c'est un bon début. Pour le coton, on n'a pas trop le choix, notre climat ne permet pas de le produire, me semble-t-il.
    Entièrement d'accord avec votre remarque sur les labels. Les publicitaires ont très vite fait de s'emparer du label qui prend son essor et de le vider de sa substance. Cela demande une très grande vigilance.
    @Vincent
    Pour Meccano, j'étais au courant. Les deux blogues que je cite établissent une liste relativement complète, a fortiori si on lit les commentaires souvent très intéressants.

  • La fabrication made in France a un coût, c'est sûr. La plupart des entreprises de textile qui fabriquent encore dans l'hexagone ou de création récente n'ont pas une grosse structure ni une demande importante. Pas d'amortissement possible de la production donc ..

    S'il y a une prise de conscience sur le consommer local, non pas par revendication politique mais pour des raisons "écologiques", les prix baisseront de nouveau. Après tout quand le textile français se portait bien, on ne déboursait pas 80€ pour un pull.

    Cependant, on débourse maintenant 50 à 60€ pour un pull chinois, vendu dans des enseignes dites "grand public". Autant mettre 20€ de plus pour un achat à long terme.

  • @Simon
    Je pense que vous avez raison. Mais...le chemin est long. Je vais aborder les marges de manoeuvre des politiques demain sur la question, entre autres.

  • Tout d'abord, merci pour cet article. Effectivement, le monde politique (d'un extrême à l'autre) vient de se réveiller et de comprendre l'importance de la défense de notre industrie et de nos savoir-faire. Ce thème sera vraisemblablement l'un des sujets phares de la prochaine campagne présidentielle, reste à voir les réponses que chaque parti proposera... Concernant les marques faisant du Made in France, je souhaitais vous livrer un autre enseignement tiré de cet aventure passionnante qu'est Hexaconso (j'en suis la créatrice). Plutôt à la mode, le Made in France est devenu un argument commercial largement utilisé par les marques. Et l'expérience m'a enseigné en la matière la plus grande prudence, car nombre de marques surfent sur cette tendance de manière assez abusive. Les sites où fleurissent les termes "tradition française", "fabrication dans le respect de la tradition", et autre "marque française" ne fabriquent généralement rien en France ! Et quant aux grandes marques de jouets "Made in France", ils pratiquent assez souvent une culture de la discrétion (pas de site internet, et si site il y a, pas d'explication sur la fabrication, pas moyen de les joindre au téléphone au-delà de la secrétaire ...) qui m'interpelle... Ce qui ne veut pas dire qu'ils mentent, mais cela soulève quelques interrogations... Quant aux labels, effectivement ils seraient les bienvenus pour clarifier la situation et fixer les repères des consommateurs. Malheureusement, les plus grandes des entreprises de chaque filière sont souvent celles qui ont le plus délocalisé, et qui ne tiennent pas forcément à l'étaler au grand jour. Et comme elles ont souvent un certain pouvoir au sein de leur branche, elles ne se privent pas de freiner des 4 fers la moindre idée de mise en place d'un label...

  • Je suis depuis des années l’incroyable aventure de Guy Négre : http://www.mdi.lu/
    Cet ingénieur génial s’est évertué à proposer à des constructeurs automobiles Français son moteur à air comprimé. Devant un aveuglement incompréhensible de ces derniers il a proposé ses brevets à l’Inde qui a vite compris le potentiel d’une telle invention. Bientôt Tata inondera le marché de ces véhicules.
    Aujourd’hui Bolloré a signé un contrat avec la ville Paris. Bravo !!. Mais la France n’a que peu de brevet dans cette technologie car le Japon et la Chine ont travaillé sur le sujet depuis des années et nous non. De plus cette technologie va rapidement montrer ses limites car les besoins énergétiques sont énormes et nous venons de battre déjà notre record de consommation d’électricité.( Iter nous sauvera peut-être mais j’ai cru comprendre que le projet était moribond).
    La France est effervescente et pourvue de cerveaux bien construits pourtant le monde industriel Français est étouffé par une élite médiocre qui n’autorisera l’essor d’une idée que lorsqu’elle est sous total contrôle ou inoffensive . C’est le libéralisme à la Française………….

  • @arn11
    Je le connais : j'ai écrit un article sur lui il y a 18 mois. Je me demande où en est son véhicule à air comprimé, d'ailleurs.
    @Marie
    Chapeau pour votre site : très utile. Je l'ai mis dans ma blogroll et je vais l'ajouter à mon flux.

  • Oui moi aussi j'ai suivi les aventures de Guy Nègre ! Et j'étais très fâchée que son idée ait été exploitée ailleurs qu'en France.

    Il se trouve que j'ai un ami à Bordeaux, réel inventeur (même si toutes ses idées ne sont peut-être pas réalisables) mais celle-ci l'est :
    http://www.climaverna.com/index.htm

    Regardez-bien le nombre d'entrées lorsque vous mettez le nom de son invention en mot clef sur Google : 6120 ! Eh bien, pour le moment il n'a reçu aucune proposition de commercialisation...

    Cet homme m'a reçu chez lui en toute simplicité. J'ai pu découvrir ses automates en particulier, si poétiques http://www.automates-sculptures.com/
    et visiter son atelier. C'est un joyeux luron, pas du tout le savant que l'on imagine perdu dans ses rêves.
    Ne sommes-nous pas fous de laisser perdre un tel potentiel ?!!

    Christophe, si tu me lisais...

  • @ l'hérétique
    Au sujet du coton : ma réflexion sur le textile ne portait bien évidemment pas sur la matière première mais bel et bien sur la fabrication des tissus (l'industrie textile a quasiment disparu de notre territoire).

  • @Emmanuel
    Relancer du textile en France, c'est un très gros challenge. La difficulté, c'est que si les Chinois copient beaucoup de produits et de techniques, en revanche, pour le textile, ils ont une tradition forte et ancienne. Cela sera difficile de rivaliser avec eux.

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