Et voilà : ce qui nous sert de justice en France, une triste parodie, à vrai dire, vient de rendre son verdict : Kelly Bochenko a été déboutée. Le juge a bien reconnu que le choix de publication d'Entrevue était ignoble, mais il a estimé que le retrait du numéro s'avérerait une censure excessive.
Les bras m'en tombent. Ainsi, donc, dans notre pays de m... un magazine peut publier des photographies d'un individu, contre son gré, dès lors qu'il se trouve un charognard pour les lui vendre. Il n'existe plus aucune protection de l'intimité. Cette décision de justice est très lourde, car elle fera jurisprudence. Elle va conforter la presse de caniveau dans ses pratiques.
Il n'y a plus droit à l'image dans notre pays, voilà ce que je conclus de ce jugement. Le problème date de juillet 2009. Depuis que la justice française a été condamnée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme pour atteinte à la liberté d'expression dans l'affaire Ici-Paris/Johnny Halliday, j'imagine que les juges estiment désormais que l'arrêt fait jurisprudence et que la protection de l'image ne s'applique plus dès lors que les individus mis en cause sont publics ou semi-publics.
Maître Malka, l'avocat d'Entrevue a été malin : en affirmant que toutes les photographies avaient été prises par un photographe professionnel, il les a rattachées à l'exercice professionnel de Kelly Bochenko. Or, cela correspond justement au défaut de la loi sur le droit à l'image : prise dans un contexte public ou professionnel, la protection n'est pas la même. Manifestement, ce que n'est pas parvenu à démontrer Maître Liénard, l'avocat de la jeune femme, c'est que la séance de photographies ne s'était réalisée que dans un cadre privé. Je ne m'explique pas autrement la décision mitigée du juge.
Je ne suis pas expert en droit, mais à partir de quel moment a-t-on pu considérer Kelly Bochenko comme une personnalité publique ? A 19 ans, cela me semble quelque peu audacieux d'en juger ainsi, or, les photographies datent de cette période. Ensuite, est-il suffisant de vouloir rechercher la faveur des médias, ce qui est nécessaire dans l'activité de Mademoiselle Bochenko pour être considérée comme une personnalité publique ? Et si les médias font public un individu, n'est-ce pas le serpent qui se mord la queue ?
Accessoirement, il y avait une atteinte malveillante à la dignité humaine dans le choix éditorial d'Entrevue : il s'agissait de profiter de la notoriété soudaine de Mademoiselle Bochenko pour créer le scandale à son détriment exclusif, et ce, avec pour seul objet de gagner le maximum d'argent. Et d'ailleurs, Entrevue a reconnu que l'intention était malveillante puisqu'elle a plaidé ainsi sa décision en relevant "l'incohérence" du comportement de la jeune femme qui, candidate au concours Miss France, avait certifié sur l'honneur "n'avoir jamais posé ou s'être exhibée dans un état de nudité partielle ou totale ou dans des poses équivoques sexuellement suggestives ou avec connotation religieuse que la morale réprouve".
Elle reconnaît donc implicitement avoir cherché à faire état de cette incohérence, donc, avoir cherché à nuire à la jeune fille. CQFD.
Ce droit à l'image me préoccupe : Kelly Bochenko est emblématique, mais en réalité, il nous concerne tous. Je ne dis pas que le MoDem doit devenir l'étendard des miss bafouées, mais il me semble que mon parti gagnerait à réfléchir sur ce thème, tant il est imprégné du souci de la dignité humaine.
Commentaires
Elle aurait tout intérêt à faire appel de cette décision ... même un photographe professionnel ne peut publier sans le consentement sans prendre le risque d'être condamné ... voir tous les procès gagnés sur ce terrain par les people ... c'est une question simple de droit à l'image.
je veux dire droit à la protection de son image
Dslée pour cette jeune femme.
Pour le reste, il y a du travail!
Plein de "petits chefs" au MoDem pour lesquels cette notion est complètement étrangère...
L'humanité est ainsi faite, eh voui les "manipulateurs" cela existe, tant pour les textes que par d'autres biais.
@+ l' hérétique
Il faudrait tous les tenants et aboutissants de la décision de justice parce qu'à première vue, le droit français est plutôt protecteur de ce point de vue.
Maitre Malka, (qui avait auparavant défendu le magazine Choc, lorsque celui-ci avait publié en couverture une photo d'Illan Halimi, torturé et tué.)parle de photo faites par un Pro.
C'est ce point qui me dérange énormément. Il suffit de comparer celles ci aux photos officielles, pour voir la différence.
Tout me fait penser qu'elles sont été faites par un amateur sans expérience, ni matériel adéquat : qualité de l'image, reflet du flash de l'appareil sur le fond, prix de vente des photos, nombre de photos prises... Ce genre d'individu traite étrangement les personnes avec lesquelles il travaille, surtout si il souhaite que des modèles lui fasse confiance, pour de nouvelles séances photo.
cette décision est au contraire juste... quelques photos ne peuvent justifier de retirer un magasine entier du kiosque. le juge met en balance la liberté d'expression d'un côté et le droit à l'image de l'autre. Ainsi il est évident que retirer un magasine entier d'un kiosque pour quelques photos est démesuré. (c'est arrivé deux ou trois fois en France, pas plus) Si elle avait eu un bon avocat, elle 'aurait même pas tenté cette procédure et serait allée directement au civil en dommages et intérêts elle aurait pas perdu de temps.
si elle fait appel, 99% de chances que ce soit idem.
la justice française a effectivement de gros defauts, mais de là à traiter le procès de parodie, c'est assez extrême... le fait que le juge fasse ce travail de mise en balance est la garantie de nos libertés.
le droit à l'image n'est pas un droit absolu, ici il se confronte à la liberté d'expression, et de publier. À vous d'y réfléchir objectivement.
A-L, étudiante en droit.
On est en référé, l'Héré, le juge est le juge de l'évidence. On n'écarte pas les jambes devant un photographe professionnel (Roselyne B... vient justement de me consulter à ce sujet). Le caractère professionnel du photographe laisse présumer l'accord de la "victime" à la publication. Si le photographe était un particulier armé de son instamatic 500 la solution aurait été différente.