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Afghanistan et Irak, l'autre stratégie

J'écoutais avec très grand intérêt, hier, ce que disait un spécialiste du Moyen-Orient à propos des guerres en cours en Irak et en Afghanistan ; il expliquait notamment qu'il y a là-bas une organisation de la société qui est totalement étrangère à l'Occident et particulièrement aux Américains : les tribus. Et pour cause, l'Amérique s'est constituée en grand partie sur l'organisation sur l'élimination des tribus indiennes !

Il faut donc repenser une stratégie complètement nouvelle dans laquelle les chefs militaires américains et d'autres pays puissent prendre contact avec chaque chef de tribu et nouer des relations privilégiées avec eux. Cela signifie de sectoriser les terres concernées, en terme d'organisation géostratégique, de manière à ce que chacune comporte un commandement militaire au plus proche des chefs tribaux avec des généraux et des gradés connaisseurs de la langue et de la culture de chaque tribu, quitte à mettre en place une spécialisation par secteur. De nouveaux Lawrence d'Arabie, en somme. Bien sûr, l'honneur, la fidélité, le protocole prennent une importance prépondérante dans une telle organisation : il convient d'offrir des cadeaux aux chefs tribaux et d'asseoir leur autorité.

Il va de soi qu'il ne faut pas faire la très grave erreur de confondre chefs tribaux et seigneurs de guerre : s'appuyer sur les chefs tribaux, c'est une certaine garantie de paix, alors que les seigneurs de la guerre amènent le sang et le malheur partout où ils opèrent.Quand Karzaï est arrivé au pouvoir, il a eu l'idée géniale de convoquer une Loyya Jirga (Assemblée des chefs de tribu) : il fallait continuer dans cette voie. Quelle erreur de l'avoir abandonnée. Le pouvoir centralisé ne convient pas, à l'heure actuelle, à l'Afghanistan. Il faut en prendre acte et repenser toute la stratégie diplomatique des Européens et des Américains, même si c'est évidemment long et délicat. Il faut aussi commencer par ne pas bombarder les émissaires des tribus qui se rendent en ambassade à Kaboul, ce qui s'est produit récemment. Ce genre d'erreurs est impardonnable. Il eût au minimum fallu proposer de très forts dédommagements en essayant de suivre le code judiciaire des tribus concernées.

La seule consolation des Américains, c'est qu'Al Qaeda ne gère guère mieux les tribus qu'eux, ce qui explique que les actes de résistance soient surtout le fait de locaux.

Il n'est pas trop tard pour tout reprendre à zéro, et Obame cherche de nouvelles manières de faire pour trouver une issue à ce conflit. Il est grand temps de changer notre logiciel géopolitique et géostratégique là-bas...

Commentaires

  • http://www.courrierinternational.com/article/2009/11/23/washington-mobilise-les-tribus-contre-les-talibans

  • J'ai le sentiment que la coalition travaille déjà de cette manière ? En tout cas le corps français essaie de travailler en étroite collaboration avec la population locale, apparemment.

  • "Il va de soi qu'il ne faut pas faire la très grave erreur de confondre chefs tribaux et seigneurs de guerre"

    C'est plein d'humour, car les seigneurs de la guerre sont, soit des chefs tribaux, soit des chefs militaires suffisamment puissants pour avoir vassalisé les chefs tribaux.

    Je trouve aussi ta stratégie de la verroterie quelque peu obsolète dans sa conception (même si l'armée française continue à l'utiliser dans quelques contrées où elle est installée pacifiquement ... avec des étiquettes du genre "contribution au développement local"...).

    Par exemple, si la Grande Assemblée (Loya Jirga) n'a guère eu d'autre résultat, depuis la chute des talibans, que d'entériner le choix de Hamid Karzaï comme président, c'est entre autres parce que :

    a) c'est une institution essentiellement pachtoune, et les pachtounes ne sont que la moitié de la population du pays ;

    b) une Assemblée de ce type décide par consensus, et arriver à un consensus demande une base d'accord suffisante au départ (sur des principes ou des finalités), ce qui ne semble pas être le cas dans l'Afghanistan occupé.

    Bref, c'est une sorte de "Grenelle". Ce qui est souvent utile - il nous en faudrait un sur les dépenses publiques, je pense - mais dans des conditions rarement réunies. Elles le seraient peut-être aujourd'hui si Obama annonçait, comme je le pense probable (mais pas certain ;-) ), une stratégie centrée sur al Qaïda et conduisant les Etats-Unis à se désengager des affaires afghanes proprement dit.

    Voir sur wikipedia l'histoire de la Loya Jirga de 1993 http://en.wikipedia.org/wiki/2003_Loya_jirga

  • @l'hérétique,
    Quand en Suède, j'ai pu voir des interventions d'Hubert Védrine sur ce sujet ;)

  • J'oubliais de dire ... que sur l'essentiel je suis d'accord avec le billet. Une guerre se mène en considérant l'adversaire. Cf. billet en lien signature :

    Le but de l'intervention - la définition de "gagner la guerre" - est de détruire al Qaïda, ou au moins de la priver de base territoriale, en l'occurrence, de la chasser des montagnes afghano-pakistanaises. Les talibans ne sont pas en eux-mêmes la cible.

    Le contrôle des montagnes appartiendra, pour longtemps, aux clans pachtounes.

    La "victoire" relève d'un accord avec eux.

  • Tout à fait d'accord. Vous omettez toutefois de préciser que les Américains ont mis en oeuvre avec succès cette malliance avec les tribus en Irak à partir de 2006 contre Al Quaida (dans la province d'Al-Anbar, puis dans l'ensemble des zones sunnites). Comme quoi leur capacité à s'adapter, et leur connaissance des théories et pratiques contre-insurrectionnelles britanniques (Malaisie, Irlande du nord) et françaises (Indochine, Algérie, le film de Pontecorvo sur la bataille d'Alger étant largement diffusé dans les écoles d'officiers), ne doivent pas être sous-estimées.

  • @ Megalon : oui, encore qu'il s'agisse de la doctrine d'une personne précise, le général Petraeus, rejetée pendant des années par le haut commandement américain (sa nomination à la tête des forces US en Irak date de début 2007, puis à la tête du haut commandement supervisant les deux guerres au printemps 2008). Dire que "les Américains" (l'armée américaine dans son ensemble) partagent cette culture de la contre-insurrection négociée, me semble très très excessif.

    2ème difficulté, la société afghane est amha beaucoup, beaucoup plus hermétique que la société irakienne. D'où le risque que la négociation avec les chefs de clan se limite à une très peu durable distribution de verroterie.

    Ceci dit merci encore à L'Hérétique d'avoir remis ce sujet sur la table. Ça m'a rappelé d'acheter (je viens de le faire) le livre de l'ancien commandant (pachtou) Amin Wardak, Cf. http://www.aminwardak.com/

  • J'aimerais savoir si l'hérétique trouve juste d'envoyer nos soldats périr là bas tandis que nous discutons tranquillement de l'hétérogénéité de la société Aphgane. Ce combat n'est pas le notre, il est née de l'imagination de tarés qui pensaient pouvoir aligner ce pays au modèle occidental (démocratie libéral, économie de marché....). Les Aphgans sont les meilleurs gerillers au monde, ils vos font une mine anti personnel avec deux pots de yaourts vides. Et je ne parle pas du relief.... Cette guerre est une folie, plus vite la France en sera parti mieux on se portera.
    En vous remerciant d'avoir évoqué ce sujet, Adiren.

  • Parce que la sécurité de la France se joue là-bas pardi !


    http://hervemariemorelle.hautetfort.com/

  • @ Hervé
    en effet, et j'ajouterai au Pakistan et en Irak.
    @ Adrien
    Il est le nôtre, au contraire. Le climat et le relief afghans sont très difficiles. Les Afghans ont l'habitude de combattre, mais il existe d'autres pays au talent militaire peu commun : le Viet-Nâm qui a fait fuir successivement les Américains puis les Chinois ou encore Israël qui tient depuis des décennies à un contre dix.

  • Vous n'allez tout de même pas avaler la propagande américaine, le monde ne va pas s'effondrer parce que l'Afghanistan est aux mais d'islamistes. Envoyer notre armée la bas c'est exposer la France aux ennemis des Etats-Unis. Une défaite en Afghanistan ne signifie en rien la fin de l'histoire, nous servons la bas les intérêts des Etats-Unis, pas les intérêts de la France.

  • Heu, FrédéricLN, d'accord toi tu lis aussi bien l'anglais que le français. Pas moi hélas mais j'ai de la ressource :
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Loya_Jirga

    ;-)

  • @Adrien
    Il me semble que vous cédez à la faciliter d'assimiler la guerre d'Irak (guerre illégale bâtie sur le mensonge d'Etat des armes de destruction massives) et celle de l'Afghanistan. Il y a plusieurs différences :
    - Les fait à l'origine de notre présence en Afghanistan sont incontestables (11 septembre, quoiqu'en disent les allumés de la conspiration).
    - La présence militaire occidentale y bénéficie depuis le début d'un mandat de l'ONU ;
    - Les intérêts de sécurité qui sont défendus en Afghanistan sont occidentaux, voire mondiaux, pas exclusivement américains. Al Quaida ne fait aucune distinction, parmi les "juifs et les croisés" entre les Ricains et nous, voir ses commentaires sur la loi sur le voile, ou les communiqués de sa filiale Al Quaida au Maghreb islamique.
    Les conséquences d'une victoire des Talibans seraient la reconstitution d'un sanctuaire étatique pour Al Quaida, et une fragilisation supplémentaire d'un Pakistan doté de l'arme nucléaire.

    En outre, les enseignements que l'on peut tirer des guerres afghanes passées sont plus ambivalents que vous ne le dites, et que ce qui est communément admis. Ils ne conduisent pas forcemment à la conclusion qu'on est face à un conflit impossible à gagner. Les Soviétiques ont tenu l'Afghanistan utile (grandes villes et axes de communication) pendant dix ans
    avec un corps expéditionnaire de seulement 100 000 hommes, majoritairement composé de conscrits de piètre qualité, et en dépit du fait que la résistance afghane bénéficiait d'une aide massive du monde entier (Etats-Unis, Pakistant, Arabie saoudite, Chine....) ; le régime Najibullah fantoche qu'ils ont laissé derrière eux a tenu 3 ans face à la coalition des mujaidheen.

  • Je plussoie à votre premier commentaire :)

  • @ Adrien : comme Megalon : vous semblez oublier que l'ONU n'est pas entrée en guerre contre al Qaïda ... mais l'inverse.

    @ Françoise Boulanger : bien sûr, mais cette page en français est très pauvre. C'est pourquoi je recommande le récit beaucoup plus concret, hélas en anglais, de la dernière Loya Jirga.

  • @L' hérétique,
    En fait ce conflit déstabilise toute la région, pas seulement le Pakistan. :)
    @+

  • @ Adrien
    La fin de l'histoire, sans doute pas, mais des moyens accrus pour plusieurs mouvements terroristes et l'Enfer pour les femmes qui y vivent, si, en revanche...

  • C'est une nouvelle guerre coloniale qui n'a aucun intérêt:on ne va pas se battre pour les guerres impérialistes yankees.cela ne sert pas nos intérêts on va encore se faire haïr dans le monde !

  • @ Bonny
    Je ne crois pas que cela soit une guerre coloniale : quel en serait l'intérêt ?

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