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Livres et e-books

La guerre des e-books se propage petit à petit au net : face aux géants que sont Amazon ou Google, les grandes chaînes de librairies réagissent en mettant au point leur propre format d'e-book. A témoin le Nook de Barnes et Noble, conçu pour affronter le Kindle d'Amazon.

Ce qui m'inquiète dans toutes ces grandes manoeuvres, c'est le sort futur de nos libraires : que deviendront-ils si les nouvelles publications se vendent au lieu de figurer sur du support papier ? Par ailleurs, étant donné le coût des lecteurs d'ebook à l'heure actuelle, mis à part pour de gros lecteurs, l'achat du lecteur n'est pas rentable par rapport aux éditions papier.

La Toile n'en a pas fini de bouleverser le modus vivendi économique qui prévalait jusque là dans le domaine du livre, mais, hélas, pas pour le meilleur : ce sont les très grosses maisons d'édition (et on risque d'y voir bientôt des regroupements) qui vont peu à peu ramasser la mise, tandis que les petites s'effondreront les unes après les autres. Nous venons bientôt vers le temps où ce seront Amazon et Google qui décrèteront ce qu'est la bonne ou la mauvaise littérature.

L'espoir de voir surgir une littérature et un lectorat autonomes et non-inféodés à des intérêts divers est illusoire. En réalité, rien ne résiste au rouleau compresseur des intérêts économiques qui sont en jeu, et les plate-formes participatives n'y résisteront pas l'ombre d'un instant : au contraire, elles vont servir de caution à ces intérêts-là qui pourront ainsi montrer que la liberté de création est préservée. Le mécanisme est rôdé : j'ai écrit récemment un article sur la presse, pour montrer comme l'amateurisme et le gratuit la menaçaient (et pourtant, il existe des compromis intelligents). Il y a à vrai dire quelques précédents antérieurs à l'internet numérique dans le domaine culturel : la politique de la ville de Paris, par exemple, dans le domaine de la musique, sous Clémentine Autain et Christophe Girard s'est voulue favorable aux musiciens amateurs, mais toujours au détriment des professionnels : par exemple, les professeurs de piano payés par la ville, contre un SMIG (a-t-il été appliqué ?) se sont vus interdire de donner des cours librement. Autre exemple : le Québec a massacré la culture classique à tous les niveaux, éducation nationale, édition, et cetera, et promu les amateurs à tout crin. Dans l'amateurisme foisonnant, il a évidemment parfois surgi quelques bonnes pousses, mais in fine, au prix d'une réduction qualitative de la culture sans précédent au Québec. Si l'ère des errements semble désormais se finir, il est trop tard pour réparer les dégâts. Je n'aurais pas de mots supplémentaires assez durs contre l'amateurisme, dès lors qu'il a la prétention de remplacer le professionnalisme sans en avoir pour autant la qualité.

Il est question d'offrir aux e-books 5.5% de TVA au lieu de 19.6 actuellement : dès lors qu'une innovation ne propulse pas clairement la création culturelle, je ne vois pas pourquoi on devrait lui faire un tel cadeau. Frédéric Miterrand appelle les éditeurs français à se rassembler autour d'une plate-forme unique de distribution des e-books pour faire face aux majors américains.

Que deviendront alors les libraires ? Je dirais que l'espoir réside dans une option que lève Constance Krebs sur le site la revue des ressources : que les libraires réagissent en mettant en place leur propre plate-forme où ils dispenseront leurs conseils de lecture et leurs choix. Alors, l'achat de murs pour le libraire ne viendra qu'en second. Peut-être, mais il se trouve que pour ma part, je fais partie de ces réfractaires qui préfèrent largement aller fouiner dans une boutique et discuter en face-à-face avec un homme ou une femme rompu(e) aux nouveautés de l'édition. Et je préfère largement cela au commentaire ou à la note écrit en SMS qui figurera en appréciation chez Amazon et compagnie sur tel ou tel ouvrage.

On invoque la Renaissance comme période de référence pour qualifier ce qu'il se produit aujourd'hui pour la littérature compte-tenu des opportunités nouvelles en matière de diffusion. Il serait bon de se souvenir que la littérature et les idées se diffusent quand les esprits sont prêts à les accueillir ; et la technicité ne changera rien à ce fait incontournable. Souhaitons que nous ne soyons pas à l'orée de Siècles obscurs. L'immédiateté efface tout au nom de la rentabilité et de la nouveauté. Voilà les deux ennemis immédiats des idées et de la littérature.

Les Grecs de Troie sont entrés dans la légende, mais bien peu savent qu'ils ont vraiment existé. 50 ans après avoir fait chuter Troie, leur civilisation puissante s'était effondrée. Il fallut 3000 ans pour retrouver la trace de leur existence, et encore 60 années supplémentaires pour réaliser qu'ils avaient bien une écriture : les tablettes de linéaire B que déchiffra le génial architecte Ventries. Mais eux, ils avaient encore des tablettes en argile. Nous, les incendies qui menacent nos palais modernes ne laisseront même pas cela...

Commentaires

  • Allez vous osez nous répondre sur la dette ou allez vous tenter de masquer une énième fois la vérité aux peuples Français ?

  • Excellent article, merci .

  • Les libraires commenceront à être menacés le jour où les "liseuses" et autres "eBook" procureront aux lecteurs un confort de lecture et d'usage comparable à celui de notre bon vieux codex... C'est pas demain la veille :)

    Coïncidence, j'ai twitté sur le même sujet à partir de mon blog professionnel ce matin :
    Putain, Hortefeux a un Kindle !
    http://sylen.blogspot.com/

  • Salut Pierre
    zut, dommage que je le sache maintenant, j'aurais fait un lien.
    Oui, je suis d'accord que les codex sont bien plus confortables à la lecture :-)
    @ Claire
    Merci
    @ Max
    Non, je ne la masquerai plus : imposons ces salauds de pauvres : la crise, c'est à cause d'eux puisqu'ils ne pouvaient pas rembourser leurs crédits pris indûment...

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