Je me demande si les médias ne feraient pas mieux de laisser Susan Boyle tranquille. J'ai lu qu'elle envisageait de tout quitter parce qu'elle ne supporte plus la pression qui entoure ses performances vocales extraordinaires. A vrai dire, je l'ai écoutée chanter, et en effet, très rarement j'ai entendu une voix comme la sienne. Susan Boyle a un talent immense. Mais ce que je déplore, c'est que dans nos sociétés, il n'est plus possible de révéler un talent sous quelque forme que ce soit sans descendre dans une arène. Les mises en scène médiatiques me font d'ailleurs penser aux arènes des gladiateurs. On hurle, on crie, on supporte tel ou tel candidat, ou encore, au contraire, on baisse le pouce pour exiger un probable mise à mort.
Malheureusement, la principal talent, pour émerger dans la sphère médiatique, c'est avant tout de pouvoir y survivre. Or, rien ne destinait Susan Boyle, individu fragile, dans son existence, à accéder un jour aux plateaux télévisés dans de telles conditions.
Le traitement réservé à Susan Boyle par les médias du monde entier est indigne. Sans cesse on évoque son existence, ce qu'elle est, dans des termes dégradants, afin de célébrer le conte de fée médiatique qu'elle vit. Conte de fée ? La voilà soumise aux regards de tous, à toutes les adulations mais aussi toutes les jalousies.
Ce qui est effarant, c'est qu'avec un bel ensemble, presse, radios et télévisions présentent la parcours imprévu et extraordinaire de Susan Boyle comme le summum de la réussite, comme un conte de fée réalisé. Or, qu'est-ce qu'un conte de fée ? Un conte de fées est un univers merveilleux ou les êtres et les créatures s'expriment en dehors de l'espace et du temps, et dans lequel le héros affronte plusieurs obstacles avant de finalement trouver le bonheur (souvent sous la forme d'un mariage). Dans un conte de fée, le récit se déroule dans un passé indéterminé ; le merveilleux réside pour l'essentiel dans la présence de personnages surnaturels et d'objets enchantés. La frontière entre le conte de fée et le réel est complètement étanche : le fabuleux n'y est ni expliqué, ni rationalisé.
Le cauchemar a quant à lui plusieurs définitions, mais, celle d'Hippocrate, le fameux médecin grec, celui qui écrivit le Serment du même nom, m'intéresse tout particulièrement. Il utilise le terme Éphialtès. Éphialtès, dans la mythologie grecque est un géant. Son nom signifie "celui qui se jette sur". C'est qu'en effet, Hippocrate se représentait le cauchemar comme une sorte de crise de stress qui oppressait la poitrine subitement. En somme, comme un poids écrasant s'installant sur le coeur. Il y a donc là une étymologie qui exprime une agression violente.
Ainsi, si la frontière entre le conte de fée et le réel est étanche, elle ne l'est pas avec le cauchemar. Je pense même que c'est cette étanchéité avec le réel qui garantit la porosité entre le conte et le cauchemar. Que restera-t-il de Susan Boyle, quand le strass, les paillettes et les spots lumineux venus de nulle part se seront éclipsés ? Sans doute rien. Cette femme n'est pas faite pour le show-bizz. Si elle parvient à résister à l'insupportable pression médiatique jusqu'au bout, ne sera-t-elle pas victime de quelqu'escroc à la recherche d'une victime facile ? Combien de faux et nouveaux amis aura-t-elle alors ?
J'avais écouté un jour Jack Lang (pourtant pas forcément une référence pour moi, mais, ce jour-là...) s'exprimer sur sa volonté de développer les parcours artistiques dans les écoles. Il avait jugé alors que découvrir l'art à l'école ne devait pas avoir pour but de former des champions ou des maîtres en leur art, mais de cultiver la part d'art que chacun d'entre nous a à l'intérieur de soi. C'était sagement parler. Est-ce que l'art devrait servir à autre chose qu'à se cultiver soi-même ?
Commentaires
Très juste billet l'hérétique,
Que voulez-vous, elle semble etre considérée comme un objet, de plus les acteurs semblent fonctionner dans le profit rapide...Alors effectivement...
Je regrette pour elle, qu'elle ne sache pas imposer sa volonté . Peut-etre aura-t-elle un sursaut?
La plupart des chanteurs/chanteuses classiques sont moches. Et ça ne les empêche pas d'être beaucoup plus doués que les blondes à forte poitrine de la télé.
Si tous ces idiots arrêtaient de juger les gens sur leur apparence, ils ne seraient pas étonnés que Susan Boyle ait une belle voix.
Je trouve l'Article très intéressant bien que je ne sois pas d'accord avec toutes les conclusions (Si le Rêve est dépendant de la Vie Réelle, je ne ressens pas que le Cauchemar ne le serait pas).
D'autre part je ferai remarquer que le vedettes qui ne veulent pas dés le départ qu'on les embête médiatiquement semblent y arriver trés bien.
Enfin et cela va peut-être dans le sens de votre conclusion, pourquoi insister sur le don ?
Jacques Brel disait, avec une forte conviction non feinte, que pour lui la vraie chanson c'était :
1 % d'inspiration et 99 % de transpiration!!
@ Chui Kalm
Oui, mais là, il ne s'agit pas d'une vedette.
La reconnaissance du talent est positive, la surmédiatisation peut se transformer en cauchemar. Cela ne date pas d'hier, même s'il est vrai que les outils actuels amplifient ce bond médiatique et autorisent toutes les dérives. En même temps, les grands talents ont beaucoup plus de facilitié de reconnaissance qu'avant. Chaque avantage a ses inconvénients.
@vincent15 : Nathalie Dessay est une très belle femme, Angela Gheorgiu aussi ;o))
Attention au risque Jack-Langien : on demande à l'école de tout faire (musique, arts plastiques, philosophie comprimée en un an; manque le droit, qui me parait bien plus essentiel), c'est facile et ça ne mange pas de pain. Mais au final, les élèves ressortent lessivés...et incultes à force d'être gavés de tout et rien avec plus ou moins de talent et sans cohérence (apprentissage ou épanouissement personnel). Tout ne doit pas se décider dans un ministère à Paris.
@L'Hérétique
Vous avez raison. (A vrai dire, je ne connaissais pas très bien son histoire).
Très bon billet
Je m'attendais à tout sauf que Susan Boyle fasse son entrée sur ce blog.... lol
Je vais faire honneur à ma réputation: je m'en fous un peu. Il faut pouvoir faire fasse à la notoriété, même soudaine et passagère. A chacun sa peine. Ca vallait quand même mieux pour elle que de continuer sa petite vie misérable, non? Surtout si elle touche 115 000 Euro en cas de victoire au final.
Attention, je n'aime pas du tout la Starakadémisation de notre société hypermédiatisée. Je trouve que des personnages comme Simon Cowell sont un véritable fléau. Mais le sort de Susan Boyle ne m'empêche vraiment pas de dormir, oh que non...
Ni celui de Leroy-Morin d'ailleurs...;-)