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La Démocratie parfaite est d'abord une affaire de culture

J'avais mis au défi Fred, de Démocrate sans frontière, de me dire ce qu'il pensait du classement des démocraties par l'EUI. Il l'a fait. Je rebondis sur son étonnement, le 4ème critère de The Economist, la culture démocratique.

C'est pour moi un aspect essentiel d'autant qu'il conditionne la participation politique, et surtout, ce que le peuple est près à accepter ou non. Notamment, les leaders sans partage du pouvoir, la théocratie et les régimes militaires. Pour qu'une démocratie fonctionne, elle doit faire consensus. C'est une condition sine qua non, et c'est bien pour cela qu'elle échoue partout où ce n'est pas le cas. Si la démocratie a repris avec une telle vitalité et une telle facilité en Tchécoslovaquie, au lendemain de la Révolution de velours, c'est que 40 années de communisme et sept années de nazisme n'avaient pu mettre sous l'éteignoir la culture démocratique de ce pays, considérablement développée dans l'entre-deux guerres. Partout où elle avait été moins solidement implantée en Europe orientale, elle s'est imposée avec moins de facilité. Il en va des peuples comme des caractères et des vertus d'Aristote dans son éthique à Nicomaque. Même si la disposition y est moindre, en pratiquant, on peut acquérir les moeurs démocratiques. Mais c'est plus long et cela demande plus d'efforts.

Mais, in fine, je m'accorde surtout avec l'idée que François Bayrou développe dans son Abus de pouvoir sur les peuples et l'histoire des peuples : les peuples, comme les individus, ont une mémoire, les souvenirs fussent-ils logés dans leur inconscient collectif. Cette mémoire n'est pas seulement politique : qui se souvient que la Pologne était plus développée économiquement que l'Espagne en 1939 ? ou, pour reprendre l'exemple de la Tchécoslovaquie, que ce pays avait une industrie florissante (armements, automobiles, chaussures, pour citer quelques fleurons emblématiques) ? Rien d'étonnant à ce que Polonais et Tchèques se soient assez vite retrouvés à l'aise dans une économie moderne. Je pourrais multiplier ainsi les exemples. Bref, quand la démocratie s'est implantée dans la culture collective d'un peuple, assurément, la solidité d'un régime démocratique y est plus assûrée. The economist a donc bien raison de donner une telle importance à ce critère.

Et puis Fred conclut son billet ainsi :

Moralité ? Ce classement est l'occasion de mettre en perspective nos pratiques politiques. Il me laisse pourtant insatisfait.

Qu'est-ce qu'une démocratie qui ignorerait le droit des générations futures à une planète vivable ?

Qu'est-ce qu'une démocratie qui ignorerait la responsabilité des personnes, dont l'objectif ne serait pas de maximiser la contribution de chaque personne au bien commun ?

Qu'est-ce qu'une démocratie nationale qui verrait dans les droits de l'homme hors de chez elle, une "contradiction permanente" avec sa "politique étrangère" ?

ces critères ne sont pas, sauf erreur de ma part, dans le champ de réflexion de The Economist. Il y a encore à construire, non seulement la démocratie, mais la conscience de la démocratie.

Je comprends bien le souci de Fred, mais les critère qu'il cite entrent dans le champ d'exercice de la démocratie non dans son champ de définition. Et pour le bien commun, je le renvoie à ce qu'en dit Schumpeter (ça va fumer, non d'un hérétique !)

Commentaires

  • toute cette semaine sur france culture:
    17h, Les nouveaux chemins de la connaissance, reinventer la démocratie.
    disponible en podcast
    merci pour ton blog l'hérétique

  • @ heretique = merci pour ce rebond. Un peu d'esprit polémique stimule les neurones !

    Je suis tout à fait d'accord sur ta première partie : une culture démocratique partagée peut être le terreau de la vie démocratique d'un pays, au-delà même des institutions politiques nationales.

    Je suis tout à fait en désaccord sur la 2ème partie : les trois critères que je propose et que tu rappelles en italique sont bien, selon moi, des éléments de définition de la démocratie.

    Car selon moi (et surtout selon quelques bons auteurs dont je m'inspire !) la raison d'être de la démocratie, ce n'est pas une optimisation entre diverses mécaniques politiques, c'est la reconnaissance de l'égale dignité des personnes - c'est l'identité de nos droits.

    Si on ne reconnaît pas ces droits hors de nos frontières, notre démocratie nationale perd tout sens et devient fort fragile (Cf. déclaration stupéfiante du droit-de-l'hommiste canal historique Bernard Kouchner).

    Si on ne reconnaît pas ces droits aux générations futures, la représentativité des électeurs d'aujourd'hui (ceux qui ont encore un climat vivable) devient celle d'une oligarchie rentière, non d'une démocratie.

    Si les institutions démocratiquement instituées déresponsabilisent les personnes (assistanat, stock-options, éloge de la réussite immédiate par l'argent, etc.), elles transforment la démocratie en libéralo-communisme…

    Pour faire le lien entre les deux parties du billet : ce que je remets en cause dans le critère "culture politique démocratique" de The Economist, c'est la façon dont il est mesuré, par de simples sondages d'opinion sur la vertu prêtée à la démocratie (ce qui permet aux Etats-Unis d'arriver très bien classés, simplement parce qu'ils croient à la démocratie, alors qu'ils l'appliquent relativement peu !).

    Ce qu'il faudrait mesurer, c'est la capacité d'une société à donner toute leur place, à reconnaître toute leur humanité et leurs droits, à toutes les personnes (citoyens d'aujourd'hui, étrangers, générations futures). Voilà ce que j'appellerais une démocratie !

  • En accord complet avec ce que tu dis Frédéric : il faut seulement , et seulement cela, intégrer que nous devons le respect à chaque homme, humain, présent ET à venir. Puisqu'ils sont notre continuité. C'est tellement simple. Nous sommes issus d'une lignée. Et nous ne sommes que "de passage" sur cette terre.

    Comme le dit François Bayrou dans son livre : "Les Romains, lorsqu'ils honoraient les généraux triomphants, sous les ovations du peuple et les arcs de triomphe, plaçaient sur son char un esclave chargé d'une double tâche : d'abord il tenait au-dessus de la tête du général triomphant la glorieuse couronne de laurier; et ensuite il était chargé de sans cesse lui répéter à l'oreille le rappel de sa fragilité "cave ne cadas" (attention à ne pas tomber), ou "memento mori" (souviens-toi que tu vas mourir)...

    C'est je crois le principe fondamental que nous devons appliquer et que je retiendrai de ce "programme" !
    N'est-ce pas ce qui importe avant tout ? Respecter chaque être et se faire respecter en retour. Prôner la responsabilité donc l'éducation. C'est cela une démocratie et elle est loin d'être mesurable avec des critères économiques...

  • @ Uthar
    Merci !
    @ Fred
    C'est sur la notion de bien commun, difficilement objectivable que j'ai tiqué principalement. The economist pense surtout à la démocratie libérale, il est vrai. Mais le welfare n'est pas nécessairement un signe de démocratie. Il ne lui est pas spécifique.
    Pour le reste, je suis plutôt globalement d'accord, particulièrement sur la déresponsabilisation.

  • On peut remarquer que la démocratie d'un pays a souvent été avec l'enthousiasme d'être concurrentiel (sans que ce soit LE but).

  • faudrait peut être revoir les programmes scolaires !

  • @ mirabelle
    Pourquoi ?

  • parce que comme tu le dis, c'est une affaire de culture ! et je dirais plus : d'éducation...

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