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La Turquie, l'Europe et le syndrome de Servius

Barack Obama a fait un tabac en rappelant la position historique des USA sur l'entrée de la Turquie en Europe : levée de boucliers générale en Europe, particulièrement en France.

Il y a plusieurs causes qui expliquent l'opposition des Français : tout d'abord, Erdogan a donné un très mauvais signal en s'opposant à ce que soit nommé Rasmussen, l'ex-premier ministre du Danmark, parce que c'est sous son mandat qu'a éclaté l'affaire des caricatures de Mahomet. Si Erdogan n'est pas capable de faire des distinguos entre religion et politique à ce niveau-là, il est clair qu'il n'est absolument pas envisageable de voir la Turquie entrer dans l'Europe.

Il y a ensuite Chypre : tant que la Turquie reconnaîtra une partie d'une territoire appartenant à l'Union (Chypre a adhéré) elle n'a aucune chance de rejoindre l'Union. Il y a là un imbroglio juridique, parce que, d'une certaine manière, cela signifie que la Turquie est en guerre avec l'Union Européenne !

La troisième cause est plus subtile, et nous retrouvons là le syndrôme de Servius Tullius, le sixième roi historique (légendaire ?) de Rome. On parle de royauté pour la Rome archaïque, mais en réalité, les rois étaient élus. Celui qui mit fin à ce système de démocratie directe, ce fut justement Servius Tullius, car il établit des catégories de citoyen selon leur fortune et mit en place un régime censitaire. Tite-Live trouve ça très bien et prête même à Servius Tullius l'intention d'avoir voulu établir la République, mais, de n'avoir pu aboutir en raison...de son assassinat par Tarquin le Superbe.

L'Europe a le même problème que Servius Tullius : jusqu'ici, ce qui fait aussi que le Parlement européen a encore des pouvoirs très limités, c'est surtout que la richesse relative des citoyens européens n'est pas identique. Or, les gouvernements peinent à admettre que les plus pauvres finissent par prendre des décisions pour les plus riches. Mais que se passera-t-il si un pays de 70 millions d'habitants intègre d'un coup l'Europe ? Avec une population disposant d'un revenu en deçà des minimas européens et un poids démographique qui va bouleverser la représentation démographique du Parlement Européen, on peut comprendre les hésitations de l'Union. Qu'ils entrent, et les budgets d'aide publique de l'UE vont littéralement exploser.

Même si la Turquie n'est pas réputée être une terre d'extrémistes, s'ajoute à cela le problème de l'islamisme qui n'est pas soluble dans la démocratie européenne. Certes, l'AKP en a rabattu, et, in fine, il a sans doute fait plus de réformes démocratiques que n'en a jamais fait un parti laïc en Turquie. Il n'en reste pas moins que les pratiques de l'AKP dans les Universités et les récentes sorties d'Erdogan n'incitent pas à l'optimisme. A cela, il faut adjoindre le très haut niveau de corruption dans l'administration et le système judiciaire turcs.

Les derniers rapports d'Amnesty International vont toutefois dans le bon sens, même s'il reste beaucoup à faire. La Turquie a signé la Convention Européenne des Droits de l'Homme et adopté la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants .

On en revient bien donc, avant toutes choses, à mon syndrôme de Servius : le problème principal, actuellement, c'est le niveau économique et la démographie de la Turquie. Le reste, je ne dis pas que ce n'est pas important, mais ce n'est pas ce qui pose le plus de problèmes pratiques d'autant plus que la Turquie montre tout de même clairement une réelle bonne volonté depuis plusieurs années.

 

Commentaires

  • En effet le problème de la Turquie c'est le poids de sa population et si la Turquie intégrait l'UE ça poserait des problèmes que je qualifierais de techniques qui ne sont s pas insurmontables.

    Le budget de l'UE est trop faible pour absorber un pays de 70 millions d'habitants dans des conditions convenables, il est donc pas impossible de l'augmenter......Certaines études démographiques indiquent que d'ici 2050 il faudra que l'UE absorbe 25 à 50 millions d'immigrants afin de pallier au vieillissement de sa population ( seul 2 pays ont un taux de fécondité supérieur à 2).Les Turcs qui se sentent européens, qui sont intégrés pourraient représenter dès lors une solution plus que très intéressante.

    le système de vote à la double majorité qualifiée serait sans doute aussi à revoir car l'arrivée d'un pays aussi important pourrait créer certains déséquilibres qui seraient accentués par le TDL ( et l'intégration d'une minorité de blocage, le principe de Ioanina).

    En ce qui me concerne je suis pour l'intégration de la Turquie car je considère que l'UE est un "processus" qui a montré ses bienfaits et qu'en ce sens toutes formes de "procès" pour éviter l'intégration d'un pays n'est pas en adéquation avec ce que l'UE représente à mes yeux.

  • En effet le problème de la Turquie c'est le poids de sa population et si la Turquie intégrait l'UE ça poserait des problèmes que je qualifierais de techniques qui ne sont s pas insurmontables.

    Le budget de l'UE est trop faible pour absorber un pays de 70 millions d'habitants dans des conditions convenables, il est donc pas impossible de l'augmenter......Certaines études démographiques indiquent que d'ici 2050 il faudra que l'UE absorbe 25 à 50 millions d'immigrants afin de pallier au vieillissement de sa population ( seul 2 pays ont un taux de fécondité supérieur à 2).Les Turcs qui se sentent européens, qui sont intégrés pourraient représenter dès lors une solution plus que très intéressante.

    le système de vote à la double majorité qualifiée serait sans doute aussi à revoir car l'arrivée d'un pays aussi important pourrait créer certains déséquilibres qui seraient accentués par le TDL ( et l'intégration d'une minorité de blocage, le principe de Ioanina).

    En ce qui me concerne je suis pour l'intégration de la Turquie car je considère que l'UE est un "processus" qui a montré ses bienfaits et qu'en ce sens toutes formes de "procès" pour éviter l'intégration d'un pays n'est pas en adéquation avec ce que l'UE représente à mes yeux.

  • "Avec une population disposant d'un revenu en deçà des minimas européens et un poids démographique qui va bouleverser la représentation démographique du Parlement Européen, on peut comprendre les hésitations de l'Union. Qu'ils entrent, et les budgets d'aide publique de l'UE vont littéralement exploser."

    Le cadre financier, qui fixe le volume global ainsi que celui des rubriques du budget (y compris PAC, fonds structurels, etc.) se décide à l'UNANIMITE des membres du CONSEIL, sur simple avis du Parlement européen. C'est ainsi maintenant et le Traité de Lisbonne codifie cette pratique. Cet argument ne tient donc pas la route.

  • @ pastel
    Je m'en doute ; mais une fois un pays admis dans l'UE, il peut bénéficier de fonds structurels importants.

  • Bon, à chaque article sur la Turquie, je dois le répéter, les Turcs eux-même le disent : ils ne sont pas au point économiquement, socialement et démocratiquement et ils savent que leur adhésion ne se fera concrètement que dans 15, 20 ou 25 ans.

    Mais dès lors que la Turquie passe une étape dans le processus de négociation, cela provoque diverses analyses et réactions épidermiques en Europe avec pour crainte une adhésion à court terme, ce qui est totalement faux.

    On ressort donc la Turquie du chapeau et hop ! on fait le lit des extrémistes à l'occasion des élections européennes (on nous a fait le coup en 1999 et en 2004, relisez les tracts de De Villiers et de Le Pen). Prenons garde de ne pas débattre à court terme et de ne pas attiser les haines, je dis cela de façon générale.

    Enfin, pour Rasmussen, mieux valait s'opposer à sa nomination comme pour celle de Barroso, des atlantistes qui ont soutenu la guerre en Irak. Ces gens-là auraient dû quitter la scène internationale avec le départ de G.W. Bush, mais ce n'est pas le cas. En Europe, on découvre, redécouvre l'atlantisme et le néoconservatisme, surtout en France.

  • Miterrand avait raison sur un point, l'adhésion des 12 derniers entrants a été trop rapide, il aurait fallu attendre 10 à 15 ans pour le faire, quitte à créer une étape intermédiaire.

    Il aurait fallu attendre car aucun modèle de fonctionnement à 27 était près, car le budget de l'UE qui était valable à 15 est resté le même à 27, car ces 12 pays n'étaient pas près.

    Ces faits ont conduit en partie a 3 votes négatifs lors de divers réferenda, ont conduit à rendre l'UE moins crédible, a rendre l'intégration de pays qui ont vocation à rentrer dans l'UE plus difficile....

  • @Europium,
    Entièrement d'accord, il voulait une constitution pour l'europe avant l'entrée des derniers états.

  • @ OG
    Ce que tu dis à propos de Rasmussen était une bonne raison de s'opposer à sa nomination. Mais, pas celles qu'Erdogan a invoquées, en revanche...
    Rassure-toi, je suis plutôt du côté des ouistes à la Turquie, une denrée rare en France. Pour l'instant, du moins...

  • à l'hérétique: il n'y a pas de droit acquis en ce qui concerne le montant des fonds structurels alloués, idem pour la PAC. Pour la PAC, un régime transitoire a été institué et ce n'est qu'en 2013 que les 12 derniers entrants en bénéficieront au même titre que les anciens. Il faudra ensuite la réformer afin d'en diminuer le coût. Pour les fonds structurels idem. En 2004-2006 les 12 ne percevaient qu'un tiers de l'intensité d'aide auxquels ils auraient pu prétendre si on leur avait appliqué les mêmes critères qu'aux anciens. En 2007-2013, on a fixé un plafond global pour les transferts, qui varie entre 3.5 et 4 % du RNB de l'Etat bénéficiaire. Il faudrait sans doute revoir ce chiffre à la baisse en cas d'adhésion de la Turquie. Tout est matière à négociation, et dépend également de la capacité d'absorption de ces aides.
    Enfin, s'imagine-t-on l'atout que constituerait une Turquie prospère et démocratique, pour le poids de l'Europe et la force de son marché intérieur?

  • @ pastel
    Votre dernier argument fait mouche. J'en suis bien conscient.

  • l'hérétique a écrit
    "je suis plutôt du côté des ouistes à la Turquie, une denrée rare en France. Pour l'instant, du moins..."
    il y a une autre denrée rare, ceux qui vont voter pour les européenes....
    http://www.lemonde.fr/elections-europeennes/article/2009/04/13/les-elections-europeennes-menacees-d-une-abstention-record_1179953_1168667.html

  • Bonjour !

    Je voudrais vous dire que je suis turc et suis trés étonné de vos commentaires. Pas de turcophobie, pas d'islamophobie, pas de dénigrément de mon peuple ou de mon pays.

    CA CHANGE ET JE VOUS DIS MERCI ET BRAVO.

    On peut être contre l'adhésion de la turquie à l'UE et débattre mais non pour des raisons articielles en nous injurant.

    encore un fois merci

  • Bonjour Poruak

    En fait, je ne suis pas fondamentalement contre à terme, mais je m'interroge sur les difficultés qui ne manqueront pas d'entraver cette adhésion.

  • @ pastel
    C'est très inquiétant. Et désespérant.

  • Oups, pas @ pastel mais @ europium, pardon.

  • « ... levée de boucliers générale en Europe »

    Ah bon ? Nicolas Sarkozy n'est pas favorable à l'entrée de la Turquie dans l'UE, contrairement à son prédécesseur. Idem pour Angela Merkel, contrairement à son prédécesseur. Mais les autres ? Où est cette levée de boucliers générale, à part dans le reflet des médias franco-français ?

    Observons aussi que Barack Obama s'est bien retenu de faire cette déclaration à Strasbourg ou à Londres... D'ingérence, je n'en vois pas.

  • Oui, abstention record et parmi ceux qui votent vote protestataire record aussi. Les européennes sont devenues la poubelle du suffrage universel en France. C'est plus que désespérant, c'est impardonnable. Quand on fait l'effort de s'informer, il serait facile d'apprendre que le Parlement européen a plus de pouvoir que l'Assemblée nationale. Mais il est facile de dénigrer, de hurler au "déficit démocratique", de pester contre Bruxelles...

  • @ Pierre
    C'est vous qui parlez d'ingérence, pas moi...
    Sur la Turquie regardez les autres googlenews et vous allez voir...

    @ pastel
    les médias ne font rien non plus pour populariser cette élection. Je ne sais pas quoi faire de plus que ce que je fais...

  • Mais aucun reproche à vous l'hérétique! Si le votre est un des seuls blogs que je fréquente régulièrement c'est bien pour cela et pour sa qualité en général.
    Pour les médias, oui, c'est comme toujours, ils n'y connaissent rien à l'Europe, ça ne les intéresse même pas plus que ça, et après on va pousser des hauts cris (et encore, notre belle "élite" s'en fout pas mal) sur l'abstention, le vote radical etc... à ch..r!

  • @ Poruak
    Ceux qui ne mélangent pas politique intérieure et politique européenne envisagent la question de l'intégration de la Turquie de façon différente, OG l'a très bien rappelé...
    La question de l'entrée de la Turquie permet de mobiliser malheureusement un électorat extrême droitier!!! et Sarko le sait bien!!!!

    La Turquie fait partie du conseil de l'Europe depuis 1949, pourquoi dès lors n'aurait-elle pas le droit d'intégrer l'UE?

    Sur un autre registre pourquoi l'ensemble des hommes politiques communiquent aussi mal sur l'enjeu des élections européennes?

  • Et faudra pas s'étonner que des groupes politiques d'autres Etats membres, qui s'organisent mieux pour les européennes, tireront les ficelles au PE. Nous on aura les connards du NPA, de l'extrême-droite, les souverainistes, des socialistes qui sont là en attendant de retourner à Paris, Barnier qui ne sera lui aussi que de passage en attendant de devenir Commissaire....bon j'espère qu'il y aura un max de député Modem, seule liste qui convainc par la compétence et l'engagement de ses candidats!

  • @ europium
    Oui, moi aussi, je pense que l'intégration de la Turquie tôt ou tard va dans le sens de l'histoire.
    Je crois que je m'en vais provoquer la blogosphère une fois de plus en l'énonçant haut et fort dans un très prochain billet.
    Cela dit, il faudra encore du temps.
    @ pastel
    Espérons que ceux qui ont le sentiment européen se mobiliseront !

  • Pourquoi le modem, Bayrou et les têtes de listes ne lanceraient-ils pas un appel à aller voter pour les européennes histoire de faire démarrer la campagne électorale( du moins sur le plan médiatique), nous sommes quand même à moins de deux mois de l'échéance électorale. Au vu des des sondages la classes politique devrait se bouger...

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