J'avais dit que le congrès du Parti Démocrate Européen accoucherait certainement de choix très prometteurs. C'est fascinant de constater à quel point les décisions prises en son sein et les orientations fixées hier lors de son congrès convergent avec le projet de société du MoDem. En exclusivité pour les lecteurs de ce blog, habitués ou non, le projet économique du PDE :
Un Gouvernement économique européen
a) Achever la construction européenne
Face à la crise, l’Europe est inachevée : nous devons la compléter.
Les semaines de crise financière mondiale et la difficulté d’atteindre une position européenne commune ont confirmé que l’Union économique et monétaire est incomplète et que de véritables instruments de coordination font défaut, même au sein de la zone euro. La cacophonie européenne n’a été que partiellement corrigée par les décisions et les initiatives successives entreprises par le Conseil Européen et la Commission.
La crise est systémique, il faut donc fournir une réponse systémique au niveau européen. Une réponse passant par la formulation d’un nouveau modèle européen de société et de développement.
Au cours de la prochaine législature européenne il nous faudra entreprendre des réformes économiques et structurelles profondes pour gérer la crise et préparer la relance politique et économique de l’Europe.
Il faut à l’Europe de nouveaux instruments de gouvernance pour surmonter le déséquilibre actuel entre une politique monétaire unique, des politiques économiques peu coordonnées et une surveillance inefficace des banques. L’Europe a une politique monétaire commune mais il nous manque une politique économique commune et des instruments au service de la croissance. Un déséquilibre à surmonter dans l’intérêt des citoyens, pour protéger le travail et l’épargne, pour tirer pleinement profit du potentiel de croissance de l’Union économique et monétaire. Tant que ceci ne sera pas fait, nous nous retrouverons avec l’Europe des règles, mais nous n’aurons pas une Europe de la gouvernance économique, financière et sociale. Nous nous retrouverons en fait dans une structure manifestement inapte non seulement à affronter des crises et des chocs exceptionnels, mais aussi à échafauder de nouvelles politiques publiques européennes.
Quelles sont les principales carences structurelles ?
a)La relation politique entre la Banque Centrale Européenne et l’Eurogroupe est trop faible
b) Le budget communautaire est trop limité, l’Europe n’a pas de véritable dépense fédérale
c)Il n’existe pas de véritable surveillance européenne des banques, même pas dans la zone euro.
d)Il n’y a pas de véritables instruments pour une politique économique commune.
e)La coordination des politiques pour la croissance économique est insuffisante, inexistante au niveau des politiques fiscales
b) Propositions pour de nouvelles politiques et de nouveaux instruments européens
Le moment est venu de créer une avant-garde de pays en matière économique, sociale, fiscale et écologique. Ceci est possible et nécessaire, par le recours déterminé et courageux aux instruments politiques et institutionnels existants mais aussi par l'invention de nouveaux instruments.
Il nous faudra en premier lieu augmenter le pouvoir décisionnel de l’Eurogroupe et de son président par le biais d’une “coopération renforcée” dans la zone euro.
Le nouvel Eurogroupe devra garantir en même temps plus de cohérence, de concorde générale et plus de flexibilité.
Ceci permettra également de renforcer la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne, certes nécessaire, mais absolument insuffisante pour satisfaire les exigences européennes. Transformer l’Eurogroupe en une véritable entité politique protégerait aussi la Banque Centrale Européenne contre les attaques démagogiques récurrentes. D’autre part, sans une base politique stable, l’Union monétaire elle-même risquerait à long terme de s’affaiblir et l’Europe ressortirait encore plus dépourvue en cas de nouveaux chocs financiers mondiaux.
Il faudra compléter ce cadre par d’autres instruments opérationnels : notamment une supervision unique pour les groupes bancaires pan-européens, confiée à la Banque Centrale Européenne, sans multiplier le nombre d’institutions et d’organismes.
Ceci nous permettrait de réaliser un triple objectif : 1. nous augmenterons notre influence comme acteur global; 2. nous démontrerons par les faits notre engagement à affronter concrètement la crise et à promouvoir la croissance économique et la cohésion sociale ; 3. nous donnerons une première impulsion importante au processus de réforme des institutions de Bretton Woods.
De nouvelles politiques publiques européennes s’imposent.
Nous les démocrates voulons réaliser en Europe un nouvel équilibre entre les pouvoirs publics et les pouvoirs financiers sans contrôle, pour construire une véritable économie sociale de marché.
Il nous faut retrouver au niveau européen une capacité de qualifier la dépense qui s’est aujourd’hui perdue au niveau national. Jusqu’à ce jour nous nous sommes préoccupés et attachés uniquement à maintenir une certaine quantité de dépenses nationales. Aujourd’hui nous devons veiller à la qualité d’une nouvelle politique de dépense publique nationale et européenne.
Ceci veut dire concevoir des politiques et des instruments permettant de soutenir la croissance, notamment en mobilisant des ressources publiques et privées au service de projets d’un développement juste et durable conçus et réalisés à l’échelle européenne.
Nous devons créer un Fonds pour la croissance et les investissements qui sera financé entre autre par des euro-obligations, à souscrire volontairement, sur le modèle du “Plan Delors” proposé pour faire face à la récession de 1993.
Nous devons renforcer le Fonds d'ajustement à la mondialisation, aujourd'hui insuffisant, pour remédier aux conséquences sociales que subissent des régions et des groupes frappés par de graves phénomènes tels que la délocalisation.
Nous devons concentrer la politique de cohésion sur l’augmentation de la productivité des régions plus arriérées grâce à de plus fortes interventions économiques.
Enfin, le moment est venu d’augmenter le budget communautaire, qui ne permet pas pour l'instant d'affronter les nouveaux défis, et repenser les sources de financement de l’Union Européenne.
Commentaires
Le projet économique du PDE est tout à fait séduisant. Je retiens le concept d'économie sociale de marché, la volonté d'encadrer sérieusement le système financier et l'idée d'un fond d'obligations pour relancer l'économie.
Quid d'une harmonisation fiscale ? Le PDE a-t-il un projet dans ce domaine ? Je pense notamment à la fiscalité des entreprises, ainsi qu'aux taux de TVA...
"Il nous faudra en premier lieu augmenter le pouvoir décisionnel de l’Eurogroupe et de son président par le biais d’une “coopération renforcée” dans la zone euro."
=> :-))) On arrive enfin au fond du problème, sans institution communautaire dédiée aux réflexions liées à la relance par des moyens budgétaires et incitatifs (fiscal, règlementaire, régional, sectoriel, etc.), aucune mesure économique de relance n'a de sens, et nous sommes réduits à des mesures monétaires dont la principale préoccupation n'est pas la croissance, et des mesures nationales parfois contradictoires sans effet de levier. Passer par une coopération renforcée est l'unique moyen de dépasser cette problématique en prenant compte des différentes politiques économiques nationales permettant une convergence progressive de ces politiques. Véritable problème, la mise en œuvre de la coopération renforcée, facile à dire, très difficile à réaliser, mais bon, cela va clairement dans le bon sens...
D'accord avec Arnaud, même si cet obsession de croissance me branche moyennement. Je crois que le rôle de l'économie est de rendre les citoyens plus libres, pas nécessairement plus "riches". Mais bon, c'est déjà pas trop mal et puis c'est de ma faute si je n'ai pas encore publié :-)
Les déclarations relatives au budget européen restent floues. Que veut dire "concentrer la politique de cohésion sur l’augmentation de la productivité des régions plus arriérées grâce à de plus fortes interventions économiques"? Ces interventions sont déjà très fortes, souvent au delà de ce que ces régions peuvent absorber. En revanche, la cohésion bénéficie également à des Etats membres qui devraient pouvoir s'en passer. Accroître le budget européen? Cela ne me paraît très improbable dans le contexte actuel (les caisses sont vides). Repenser le système de financement du budget européen: oui tout à fait, il faut le rendre plus autonome des trésoreries nationales. Et puis il faut le réorienter sur des dépenses dont la valeur ajoutée est plus forte que celle de la cohésion pour les régions et Etats membres qui n'en ont pas besoin et... que celle d'une grande partie des dépenses agricoles....(je jette le pavé dans la mare).
Il manque ici deux choses essentielles pour rendre un projet aussi fort que crédible : des illustrations et des chiffres.
Si le débat des européennes tourne uniquement autour des orientations de gouvernance et non de l'action operationnelle, faut pas trop compter intéresser les français ni leur donner le sentiment que tout ça est très utile pour leur quotidien...
+1 pour la remarque d'ArnaudH
@Claudio Pironne
D'accord sur le fait que l'obsession de croissance ne doit pas être une fin en soi. en occident on pourrait dans certains domaines d'activité développer l'idée d'une décroissance relative au profit d'un bien être.
des économistes commence à développer un indice du bien-être....
Cependant cette approche n'est pas pour demain ni même pour après demain car les états du sud qui sont très très pauvres ont besoin pour se développer qu'il y ait une forte croissance mondiale....
@pastel
de mémoire le budget européen (environ 130 milliards) n'est pas à la hauteur des ambitions de l'europe. Il sera nécessaire de l'augmenter car les nouveaux entrants potentiels auront besoin de moyens pour se mettre à niveau. Ce budget représente 1% de la richesse de l’UE. Pourquoi le budget de l’Europe est-il plafonné à 1.24% de la richesse de l’UE ?
la raison pour laquelle il est nécessaire de concentrer le développement sur les régions les plus pauvre est qu’il est nécessaire qu’elles rattrapent au plus vite les régions les plus riches. L’idée d’un SMIG européen commence à faire son chemin. Cela ne pourra se faire que si les états sont +/- au même niveau.
à europium: encore une fois, les nouveaux Etats membres bénéficient d'ores et déjà de transferts extrêmement importants (pouvant aller jusqu'à 4 % de leur RNB) qu'ils peinent à absorber. La convergence est d'ailleurs rapide, en raison de l'extraordinaire intensification des échanges avec les pays de l'Europe centrale et orientale depuis 1990.
Le "plombier polonais" n'a pas ravagé nos campagnes ni notre marché de l'emploi. Il faut arrêter avec ces fantasmes.