J'ai déjà eu l'occasion d'écrire ce que je pensais de Benazir Bhutto et de prendre notamment le parti de Fatima, sa nièce. Benazir Bhutto est une icône brisée parce qu'elle représentait des espoirs pour nombre de Pakistanais laïques et pour les pays occidentaux, face à l'extrémisme. Il est bien évident que son assassinat profite à Al Qaeda. Mais Elle est aussi une icône brisée parce qu'elle a donné par le passé l'image la plus détestable de la démocratie. Parce que par son attitude, elle a associé démocratie et corruption, parce que face aux intégristes, au moment où elle aurait pu agir, elle a joué avec le feu, notamment en reconnaissant le régime intégriste des Talibans et en ne luttant pas contre le pouvoir maléfique des madrasas pakistanaises. Et enfin, parce que comme le rapporte Fatima, sa nièce, elle a au moins laissé assassiner son frère qui s'opposait à sa politique.
Peut-être avait-elle changé. Peut-être. Mais, quelque part, l'attentant ignoble qui l'a emporté, lui est aussi revenu comme un boomerang.
Il y a une porosité incroyable entre l'ISI (services secrets pakistanais) et les éléments extrémistes de toute sorte à commencer par les soutiens d'Al Qaeda. On ne sait pas encore qui a commandité l'attentat. On se doute, évidemment, que les fanatiques ne se voulaient pas voir privés du leadership de l'opposition, ce que Benazir était en partie capable de faire. Mais les rouages du pouvoir sont tellement tordus, au Pakistan, qu'allez savoir si ce ne sont pas des intégristes qui n'ont pas été manipulés par des éléments plus ou moins controlés au sein du pouvoir.
Certains s'imaginent que Fatima, la nièce de Benazir, pourrait être un nouvel espoir. Mais elle courrait un danger terrible si elle se rendait au Pakistan, et, de toutes façons, je ne crois pas qu'elle ait la moindre envie d'honorer la mémoire de sa tante.
Quand certains disent que la démocratie a été assassinée avec sa disparition, je les invite à rectifier leur discours : la démocratie est morte depuis belle lurette, au Pakistan. Ce qui risque de basculer, avec la mort de Benazir Bhutto, c'est la stabilité du pays.
Commentaires
Certes elle ne fût pas exemplaire et les soupçons de corruption le prouvent mais comment manoeuvrer dans un pays ou la corruption est entretenue à l'intérieur et comme de l'extérieur.
Les grosses entreprises se font un malin plaisir à foutre un bordel monstre dans ces pays instables parce que justement ne disposant pas d'une assise démocratique solide pour s'en prémunir.
Mais au delà je trouve assez juste que vous parliez de la porosité entre l'ISI (services secrets pakistanais) et Al Qaeda, mais vous oubliez juste de mentionner la porosité qu'il y a entre la CIA et l'ISI ...
Je n'ose même pas évoquer les liens entre la CIA et Al Qaeda... des vidéos d'Al qaeda siglés par des agences américaines ont défrayé la chronique il n'y a pas si longtemps... mais ils sont où les journalistes d'investigation que nous avons connus au New york Times ou au Washintgon post ?
Pour ce qui est de Fatéma, la nièce de Bénazir, elle est il me semble, à des années lumières de la clairvoyance de sa tante et de son habilité politique ... (Benazir était un animal politique exceptionnel, féroce cruelle parfois mais exceptionnelle pour un pays comme le Pakistan !)
Peu de pays musulmans peuvent se targuer d'avoir produit une femme politique de ce niveau...
Voir dans Fatema Bhutto, une remplaçante me parait être une pure hérésie ;-)
Manoeuvrer le Pakistan n'est pas si simple mon cher ami... Même les américains n'y arrivent pas ! ;-)
Entièrement d'accord avec Farid, être au pouvoir n'est pas forcément faire ce qu'on veut, et la marge de manoeuvre est parfois très réduite !
@ Farid (et Mirabelle puisqu'elle est d'accord avec lui)
On peut tout de même manoeuvrer sans se retrouver au point de voir son mari surnommé monsieur 10% par les Pakistanais eux-mêmes. La corruption n'est pas une fatalité, et je n'accepte pas de réduire son absence à de la naïveté.
Par ailleurs, la famille Bhutto est une famille de grand propriétaires terriens dans un état où une forme de demi-esclavage (du servage en fait) persiste. Je n'ai jamais entendu qu'ils l'aient aboli.
Ce ne sont certainement pas les grandes entreprises qui malmènent ce pays. Le mal est bien plus profond. C'est sa structure encore largement féodale, alliée à un poids immense de l'Islam le plus noir et le plus réactionnaire qui font de cet état une poudrière.
A cela s'ajoutent les jeux troubles non seulement des USA avec la CIA, mais encore de la Chine, pendant des années, pour nuire, le premier à l'URSS via l'Inde, et la seconde à l'Inde tout court, en raison de conflits transfrontaliers et de la question du Tibet.
Je pense que la porosité entre CIA et ISI, c'est à peu près fini, mais c'est tout récent, et bien trop tard.
Bénazir était en effet une politique hors pair, mais on dit de Fatima qu'elle a le caractère aussi trempée que sa tante. Il va de soi que donner des interviews aux USA et diriger le Pakistan sur le sol même de ce pays, c'est sans commune comparaison possible. Je vous le concède très aisément.
Jamais je n'ai laissé entendre que diriger le Pakistan était facile. Je pense même que c'est de plus en plus difficile, et j'attends avec une inquiétude grandissante la suite des événements.
Quant aux liens d'Al Qaeda et de la CIA, attention aux rumeurs malsaines et nauséabondes qui traversent le net. Il y a eu longtemps des liens très forts entre les islamistes fanatiques et la CIA, et pour cause, c'est cette dernière qui les a générés dans les années 60 et 70 pour combattre l'influence de l'URSS. Mais depuis septembre 2001, c'est bien fini. Il faut faire attention à ce que l'on propage...
A ce propos, il y avait hier soir sur Arte un excellent documentaire :http://www.arte.tv/fr/histoire-societe/Pakistan-/1654846.html
je comprends ton point de vue, l'Hérétique, mais c'est celui d'un homme occidental. Pour mieux comprendre, un livre qui m'avait beaucoup plu : une Autobiographie
http://www3.fnac.com/search/quick.do?OrderInSession=1&posted=false&filter=-17&text=bhutto&SID=93b445a9-aaa5-a504-1bb0-0855d342be0d&TTL=301220071625&Origin=fnac_google_home&category=book&UID=0F62B7329-91A8-9541-0C71-6306DD2F1B15
Quant à Fatéma, c'est vrai qu'elle ressemble à Bénazir plus jeune ... le temps dira ... mais aura-t-elle envie si elle en a les compétences et les moyens, de suivre ce chemin ?
A ce propos, il y avait une excellent émission sur Arte hier soir :
http://www.arte.tv/fr/histoire-societe/Pakistan-/1654846.html
Quant à Bénazir, je recommande chaleureusement une lecture de son autobiographie qui permet de mieux la comprendre :
http://www.chapitre.com/FNAC/fr/ANCIEN/product/bhutto-benazir/une-autobiographie
@ Mirabelle
Je ne doute pas en effet, que ce soit le point de vue d'un occidental. Si ce pouvait être le point de vue d'un Pakistanais, le pays ne serait aps en crise actuellement.
Pour Fatima, nul ne le sait encore. Il y d'autres Bhutto qui peuvent reprendre le flambeau. Elle n'est pas la seule.
heu ... certes, mais je parlais de sa situation de femme, première ministre d'un pays à majorité musulmane, mariée par sa mère mais avec une éducation à l'anglaise ... bref, toute une tradition et une situation intime complexe dont nous sommes à mille lieux ... je voulais dire par là qu'elle ne maîtrisait pas forcément tout dans son entourage ...
Quant à sa famille, pourquoi vouloir absolument perpétuer une tradition familiale en politique ? il y a certainement des démocrates qui doivent pouvoir émerger ... malgré les symboles ... comme en Inde et la famille Gandhi .. cela ne leur a pas tellement mieux réussi !
@ Mirabelle
Les circonstances ne sont pas favorables à l'émergence de visages complètement neufs. Pour l'instant, les choses fonctionnent trop encore par dynastie pour envisager une solution alternative.
C'est chose faite avec la nomination aujourd'hui de son fils aîné Bilawal, âgé de 19 ans, nouveau Président du PPP !
En lui souhaitant courage et surtout bonne chance !