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Capitalisme, Socialisme et Démocratie : les intellectuels inemployables et la haine du capitalisme

Je ne résiste pas à l'envie de publier cette analyse de Jospeh Schumpeter sur la surnumération des "intellectuels" dans une société. Incroyable acuité intellectuelle de cet homme...Je trouve que l'on trouve très bien expliquée ici la "haine" du petit intellectuel pseudo-gauchiste pour le capitalisme. A vrai dire, l'intellectuel gauchiste s'en accomode finalement très bien dès lors qu'il en tire un avantage.

Chapitre XIII, II, Sociologie de l'intellectuel 4ème point.

 En second lieu, qu'il y avait ou non chômage des intellectuels, leur multiplication donne naissance à des conditions d'emploi peu satisfaisantes - affectation à des travaux inférieurs ou salaires moins élevées que ceux des ouvriers les mieux rémunérés.
En troisième lieu, la surproduction des intellectuels peut créer des incapacités de travail d'un type particulièrement déconcertant. L'homme qui a fréquenté un lycée ou une université devient facilement psychiquement inemployable dans des occupations manuelles sans être devenu pour autant employable, par exemple, dans les professions
libérales
. Une telle faillite peut tenir soit à un manque d'aptitude naturelle - parfaitement compatible avec la réussite aux examens universitaires -, soit à un enseignement inadéquat : or, ces deux risques se multiplient toujours davantage, en nombres relatifs et en nombres absolus, au fur et à mesure qu'un nombre plus élevé de sujets est drainé vers l'enseignement supérieur et que le volume d'enseignement réclamé grossit indépendamment du nombre des individus que la nature a doués du don d'enseigner. A négliger ces déséquilibres et à agir comme si la création d'écoles, de lycées, d'universités supplémentaires se ramenait purement et simplement à une question de gros sous, on aboutit à des impasses trop évidentes pour qu'il soit besoin d'y insister. Quiconque ayant à s'occuper de nominations à des postes est personnellement qualifié pour formuler une opinion autorisée et peut citer des cas dans
lesquels, sur dix candidats à un emploi, possédant tous les titres universitaires requis, il n'en est pas un seul qui soit capable de l'occuper convenablement.
Par ailleurs, tous ces bacheliers et licenciés, en chômage ou mal employés ou inemployables, sont refoulés vers les métiers dont les exigences sont moins précises ou dans lesquels comptent surtout des aptitudes et des talents d'un ordre différent. Ils gonflent les rangs des intellectuels, au strict sens du terme, c'est-à-dire ceux sans attaches professionnelles, dont le nombre, par suite, s’accroît démesurément. Ils entrent dans cette armée avec une mentalité foncièrement insatisfaite. L'insatisfaction engendre le ressentiment. Et celui-ci prend fréquemment la forme de cette critique sociale qui, nous l'avons déjà reconnu, constitue dans tous les cas, mais spécialement en présence d'une civilisation rationaliste et utilitaire, l'attitude typique du spectateur intellectuel à l'égard des hommes, des classes et des institutions. Récapitulons : nous avons trouvé un groupe nombreux dont la situation nettement caractérisée est colorée d'une teinte prolétaire; un intérêt collectif modelant une attitude collective qui explique d'une manière beaucoup plus réaliste l'hostilité du groupe envers le régime capitaliste que ne saurait le faire la théorie (équivalant à une rationalisation au sens psychologique du terme) selon laquelle l'indignation vertueuse de l'intellectuel dressé contre le capitalisme serait simplement et logiquement provoquée par le spectacle d'exactions honteuses - théorie qui ne vaut pas mieux que celle des amoureux quand ils prétendent que leurs sentiments sont la conséquence logique des mérites de l'objet de leur passion 1. En outre, notre théorie rend également compte du fait que, loin de diminuer, cette hostilité s'accentue chaque fois que l'évolution capitaliste se traduit par une nouvelle réussite.

 Excellent, vraiment excellent. J'adore ce passage. Trop beau, et trop fort, il n'y a rien à ajouter.

Commentaires

  • La sociale économie, ce serait quelque part, l'acceptation du capitalisme comme raison économique. Mais réglementé et moralisé par des intellectuels, qui ne le remettraient pas en cause par idéologie.

  • Salut Thibault,

    Oui, c'est l'idée que je me fais de la sociale-économie; En fait, je pense même que c'est la solution au pessimisme aporétique de Schumpeter.
    Je commente pour l'instant l'Esprit des Lois, mais je vais faire une lecture commentée de Capitalisme, Socialisme et Démocratie sur le blog.

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