J'ai commencé le livre de C.K. Pralahad, 4 milliards de nouveaux consommateurs. Passionnant ! J'avais pris connaissance de l'ouvrage grâce à un compte-rendu d'un militant (ou sympathisant MoDem).
Une manière totalement inédite d'aborder le problème de la pauvreté. Je viens juste de commencer le 1er chapitre (le marché à la base de la pyramide) de la 1ère partie (la nouvelle création de richesses). L'idée de base est brillantissime de simplicité : en gros, il n'y a pas de petits profits, et donc, les pauvres, en dépit de revenus très faibles, constituent un marché immense, avec un pouvoir d'achat conséquent. Il y a là un immense marché latent, une société de consommateurs dont les grandes multinationales ne se sont jamais préoccupées jusqu'ici, et c'est bien cela le plus grand tort qu'elles lui ont fait, à cette société.
Pralahad, dès ce premier chapitre balaie un certain nombre d'idées reçues. Il appelle ce marché le BOP (Bottom of Pyramid). Les pauvres représentent à ses yeux un marché viable. Leur nombre fait leur pouvoir économique. Même à 200 dollars par mois, un pouvoir d'achat, multiplié par 4 milliards de consommateurs, cela donne un marché de 800 milliards de dollars par mois ! Oui, par mois ! Une opportunité de profits monumentale. Il essaie de démontrer que contrairement aux idées reçues, mettre en place des réseaux de distribution sur ces marchés n'a rien d'insurmontable. Par exemple, nombre de sociétés rurales sont difficilement joignables, mais la connectivité sans fil, qui s'est considérablement développée change radicalement la donne. Il donne l'exemple de deux sociétés l'une indienne, l'autre brésilienne, qui ont formé aux techniques commerciales des femmes des villages, devenues ainsi leurs représentantes de commerce jusqu'au fin fond de la brousse.
Il y a en fait, trois pré-requis à la création de la capacité de consommer :
- un prix abordable. (c'est la base. Notons que les acheteurs pauvres aiment autant le luxe que les acheteurs riches et en consomment dans la même proportion. Ce qu'il faut, c'est le mettre à leur portée en prévoyant des unités de consommation à la mesure de ces acheteurs. Par exemple, vendre de minutes d'abonnement de téléphone portable, des doses d'huile d'olive à l'unité, et cetera...)
- l'accès (eh oui : les acheteurs pauvres ne peuvent guère venir jusqu'aux marchandises. Il faut donc que les marchandises viennent jusqu'à eux.)
- la disponibilité (cette dernière est très importante car les acheteurs pauvres ne peuvent généralement différer leurs actes d'achat. Il faut donc qu'ils aient à portée de manière immédiate ce qu'ils sont en mesure d'acheter un instant T.
J'en suis là, donc je ne peux rien en dire de plus dans l'immédiat, mais ce livre m'enthousiasme. Pralahad observe que les bons sentiments et les aides diverses n'ont en rien résolu le problème de la pauvreté. Les priorités des pauvres ne sont pas forcément les nôtres. Nous pensons, nous Européens, tout de suite à l'éducation, la culture, la santé, et cetera...Comme si ces formules plaquées convenaient en tous lieux et en tous temps. De quoi amorcer une pomémique poussée sur la notion de biens supérieurs...C'est en créant des éco-systèmes de la richesse que nous pouvons envisager d'aider les populations en déshérence. Et pour cela, le mieux est de les considérer comme des consommateurs à l'égal de ce que nous sommes dans nos sociétés développées. Ce qu'il faut, désormais, c'est que les entreprises, françaises, européennes, fassent la démarche intellectuelle dans les têtes de leurs dirigeants ; mais je crois que cela commence à germer au sein de certaines d'entre-elles notamment les géants de l'agro-alimentaire.
C'est singulier, quand j'y pense, de considérer à quel point cette analyse conforte l'interprétation autrichienne de ce qu'est un marché et le modèle catallactique en général. Passionnant. Je rigole aussi derrière mon écran en pensant à la tête des gauchistes et des gens bien intentionnés (cathos de gauche, par exemple, sans parler des tiers-mondiste, des décroissants et des alter) qui vont lire ces lignes. Une solution libérale et capitaliste pour le tiers-monde, horrescunt referrentes, hé hé hé...