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crédit lyonnais

  • Le péché originel du Crédit Lyonnais

    En droit canon catholique, on distingue deux types de péchés : les péchés véniels, c'est à dire ceux que l'on peut pardonner, et les péchés mortels qui entraînent une rupture de la vie de grâce que l'on mène avec Dieu. Par ailleurs, on peut pécher de quatre manières : en pensée, en parole, en action, et par omission.

    S'il y a bien une question que je me pose, dans l'affaire Tapie, c'est de comprendre pourquoi diable le Crédit Lyonnais, qui était le mandataire de Tapie pour vendre ses sociétés, a commis le péché mortel en droit commercial, d'être à la fois vendeur et acheteur (tout du moins, c'est ce qu'a jugé une cour d'appel en 2005).

    Tapie s'est appuyé sur deux faits :

    - le premier, que le Crédit Lyonnais a consenti des prêts à plusieurs acteurs du pool de 8 acquéreurs, prêts à racheter les sociétés de Tapie

    - le second, que dans le tas, une société a été considérée comme une filiale du Crédit Lyonnais.

    La question qui me turlupine, c'est de comprendre comment le Crédit Lyonnais a pu prendre un tel risque. Quel que soit le statut, in fine, de la société off-shore qui a été partie prenante de pool d'acheteurs, s'il y avait le moindre risque, le Crédit Lyonnais ne devait pas le courir. Dans la théologie fondamentale, c'est l'essence même du droit commercial que de ne pouvoir être à la fois le vendeur pour quelqu'un et en même temps l'acheteur : s'il y a le moindre risque qu'une telle confusion se produise, on ne le prend pas.

    Les acteurs du Crédit Lyonnais n'étaient pas tombés de la dernière pluie : ils ne pouvaient pas ne pas savoir ou faire une telle erreur. Alors bon sang : pourquoi ?! Pourquoi l'ont-ils fait ? Qui a pris la décision et à quoi pensait(ent)-il(s) à ce moment-là ?...

    Il y a des questions comme ça, qui à mon avis, resteront à jamais sans réponses. Sans doute est-ce dans le contexte politique et financier de l'époque qu'il faut chercher pour essayer de trouver des éléments de nature à formuler des hypothèses plausibles...

    Je me suis demandé, si, finalement, la décision de recourir à un tribunal arbitral n'avait pas été motivée par le souci d'en finir avec une affaire qui n'avait que trop traîné et que personne ne souhaitait voir se prolonger...

  • Tout sur l'affaire Tapie

    J'ai trouvé comment bien comprendre les tenants et aboutissants de l'affaire Tapie : il suffit de se rendre sur le site de l'Assemblée Nationale, et de lire l'excellent compte-rendu de séance du 03 septembre dernier à 9h30.

    J'ai notamment lu avec un très grand intérêt l'excellent historique que dresse de cette affaire le député Charles de Courson (Nouveau Centre). J'ai mis en gras les extraits les plus importants dans un premier article. Pour les feignasses qui n'ont pas le courage de tout lire, je résume très sommairement les faits. En gros, le Crédit Lyonnais a prêté des sous à Tapie pour entrer dans le capital d'Adidas. Evidemment, ces sous, il était convenu qu'il faudrait les rembourser. Le problème, c'est que les sociétés de Tapie ne sont pas en bonne santé. Il ne dégage pas assez de bénéfices pour rembourser toutes ses échéances. Il essaie donc de les revendre, mais ne parvient pas à en tirer une offre suffisamment alléchante. Un accord est alors passé avec le Crédit Lyonnais pour que celui-ci se charge de la revente.

    (là, je cite Charles de Courson)

    <Courson on>

    Le 12 février 1993, la vente intervient, au prix convenu, auprès de huit acquéreurs, parmi lesquels la société Clinvest, filiale du Crédit Lyonnais, qui était déjà titulaire de 10 % du capital d'Adidas et en acquiert, dans cette opération, 9,9 % supplémentaires, mais également la société Rice SA constituée par Robert Louis-Dreyfus, qui prend une part de 15 %. Certains acquéreurs ont bénéficié d'un prêt spécifique dit à « recours limité » accordé par le Crédit Lyonnais et prévoyant notamment qu'en cas de revente, la plus-value serait partagée à raison, grosso modo, d'un tiers pour l'emprunteur et de deux tiers pour la banque. En revanche, en cas d'échec de la cession des parts à un prix égal ou supérieur au principal du prêt à l'échéance de ce dernier, le Crédit Lyonnais prenait à sa charge la totalité du risque.

    </Courson off>

    Royal. Je vais me lancer dans la finance et l'entreprise, moi, si je trouve une banque capable de me donner de telles garanties...

    Toutefois, il y a avait une petite condition, pour que tout ce montage marche : il fallait une expertise du mobilier et des objets d'art du couple Tapie (je suppose que cela devait rentrer dans le cadre de la liquidation des échéances). Sauf que l'expertise n'a jamais eu lieu.

    Tapie devait donc tout payer. Plus de prêt du Crédit Lyonnais qui lui aurait permis d'attendre le moment propice pour vendre ses sociétés à bon prix. Mais justement, c'est là-dessus qu'il attaquera plus tard le Crédit Lyonnais, parce qu'une cour d'appel a estimé en 2005 que le Crédit Lyonnais ne pouvait pas à la fois être vendeur et acheteur (il faisait partie des 8 acquéreurs, via ses filiales !) et que donc il avait été déloyal. Pire, la cour a estimé que si Tapie avait obtenu un prêt au bon moment à cette période et avait été informé de l'intérêt de Robert-Louis Dreyfus, il aurait pu faire faire une plue-value significative.

    Vous avez vu ? Il y a des condtionnels partout...C'est fort du collier : quelle banque aurait accepté de prêter de l'argent à Tapie à l'époque ?! Par ailleurs, comme l'a justement relevé François Goulard, dans ce même débat, depuis quand la juridiction française reconnaît le "droit au prêt" ?

    Bon, évidemment, en cassation, le Crédit Lyonnais a tout de même fait appel, la cour a quand même estimé que jusqu'à nouvel ordre, les banques étaient libres de prêter à qui bon leur semblait et quand elle le jugeaient bon.

    L'affaire traînait. Le CLY a donc décidé, d'un commun accord avec les époux Tapie de s'en remettre à une procédure d'arbitrage, c'est à dire des juges choisies communément par les deux parties pour trancher leur différend.

    Quand je dis le CLY, au fait, c'est un abus de langage : les décisions doivent être validées par un comité de recouvrement qui veille aux intérêts de l'Etat dans la gestion des actifs et des passifs du Crédit Lyonnais. Cet organisme est consitué de trois fonctionnaires, un député et un sénateur.

    Les trois fonctionnaires ont reçu l'instruction ministérielle de valider la demande d'arbitrage, alors que le député était plus que réservé sur cette procédure. Majorité d'emblée donc.

    Or, c'est ce tribunal arbitral qui a fixé le montant du préjudice subi par Tapie à 295 millions d'euros ! Ah, un détail, les parties s'engageaient à renoncer à d'éventuels recours en faisant appel à un tribunal arbitral.

    La suite demain...

     

     

     

  • Affaire Tapie, historique de Charles de Courson

    Charles de Courson a réalisé un excellent historique de l'affaire Tapie le 03 septembre dernier. J'ai mis en évidence ce qui m'a paru le plus important. Dans cet article, l'objet est de montré comment Tapie est arrivé à la faillite de son groupe, et ce qu'il est ensuivi alors.

    En juillet 1990, Bernard Tapie a acheté 80 % du capital d'Adidas pour le prix de 243,9 millions d'euros, soit 1,6 milliard de francs. Cette opération a été financée en totalité par un prêt consenti par un pool bancaire, dont 30 % par la société de banque occidentale, SDBO, filiale à l'époque du Crédit Lyonnais. Les prêts consentis pour cette acquisition, à court terme, étaient remboursables en deux échéances, à hauteur de 91,5 millions d'euros, soit 600 millions de francs, en 1991 et de 152,4 millions d'euros, c'est-à-dire un milliard de francs, en 1992.

    Dès le départ se posait donc la question du remboursement de la somme de 1,6 milliard de francs, puisque le groupe n’était pas capable en tant que tel de payer une telle somme.

    En janvier 1991, la société anonyme « Bernard Tapie Finance » acquiert une participation complémentaire de 15 % dans le capital d'Adidas, pour un montant de 10,2 millions d'euros, grâce au concours bancaire d'une banque allemande, Hypobank.

    Ayant fait face à la première échéance grâce à l'intervention de partenaires qui ont pris une participation minoritaire de 45 % dans BTF, la société n'a néanmoins pu honorer totalement la seconde échéance.

    Élu entre-temps député des Bouches-du-Rhône en mars 1988, Bernard Tapie est nommé à deux reprises ministre de la ville par décret du 16 avril 1992, puis par décret du 26 décembre 1992 – Pierre Bérégovoy étant à l'époque Premier ministre, et François Mitterrand Président de la République. Il entreprend alors de vendre sa participation dans Adidas, incompatible avec ses fonctions ministérielles.

    Après avoir cédé, le 13 août 1991, 20 % d'Adidas à la société britannique Pentland, il convient, en juillet 1992, de vendre le reste de ses titres à ce même groupe, qui renonce toutefois en octobre 1992 au motif que l'audit auquel il avait été procédé avait révélé la mauvaise santé financière d'Adidas. La société Bernard Tapie Finance rachète alors la participation de 20 % de Pentland avec l'aide financière du Crédit Lyonnais, la totalité de la société étant alors valorisée à hauteur de 423,8 millions d'euros, soit 2,78 milliards de francs.

    Il est peut-être utile de préciser qu’au même moment, la livre sterling a dévalué. Pentland, qui avait prévu une couverture de change, s’est ainsi retrouvée avec une plus-value de change de l’ordre de 150 ou 200 millions d’euros. Il y avait donc probablement un intérêt financier pour la société britannique à renoncer à l’achat, du fait du profit à réaliser sur sa couverture de change.

    À la suite de l'échec de la vente d'Adidas à Pentland, et malgré la cession de certaines de ses participations, dont celle dans TF1, la société Bernard Tapie Finance demeure dans l'incapacité d'honorer la seconde échéance, le solde restant dû s'élevant à 91,5 millions d'euros, soit 600 millions de francs. Un mémorandum est alors signé le 12 décembre 1992, par le groupe Bernard Tapie et la SDBO, en vue de la vente d'Adidas par l'intermédiaire de cette dernière, qui a ainsi repris la totalité des engagements financiers du pool bancaire. Le Crédit Lyonnais se substitue donc à tous les autres banquiers alors qu’un principe ancien en matière bancaire veut que l’on partage le risque. Le produit de la vente doit pour sa part être affecté au remboursement des dettes de BTF et du groupe Tapie.

    Le 18 décembre 1992, un mandat irrévocable d'intérêt commun à titre onéreux vient confier à la SDBO la vente de 78 % du capital d'Adidas détenu par BTF, au prix de 317,86 millions d'euros, c'est-à-dire 2,085 milliards de francs, au plus tard le 15 février 1993, soit un montant quasiment similaire à celui qui a été offert à Pentland, ce qui est assez logique. Le mémorandum prévoyait notamment la fusion des sociétés BTF SA, GBT et FIBT en une entité unique, afin de pouvoir affecter la plus-value dégagée par la société Bernard Tapie Finance – BTF SA – pour la cession d'Adidas au désendettement des autres sociétés du groupe. Cette fusion n'a en réalité jamais pu intervenir en raison de l'opposition manifestée par les actionnaires minoritaires des sociétés concernées, qui ont à juste titre soutenu qu'un délit d'abus de biens sociaux aurait résulté de la couverture des dettes d'un pôle par l'autre. La SDBO disposait donc de deux mois pour conclure la vente de la société, dont la situation se détériorait.

    Le 12 février 1993, la vente intervient, au prix convenu, auprès de huit acquéreurs, parmi lesquels la société Clinvest, filiale du Crédit Lyonnais, qui était déjà titulaire de 10 % du capital d'Adidas et en acquiert, dans cette opération, 9,9 % supplémentaires, mais également la société Rice SA constituée par Robert Louis-Dreyfus, qui prend une part de 15 %. Certains acquéreurs ont bénéficié d'un prêt spécifique dit à « recours limité » accordé par le Crédit Lyonnais et prévoyant notamment qu'en cas de revente, la plus-value serait partagée à raison, grosso modo, d'un tiers pour l'emprunteur et de deux tiers pour la banque. En revanche, en cas d'échec de la cession des parts à un prix égal ou supérieur au principal du prêt à l'échéance de ce dernier, le Crédit Lyonnais prenait à sa charge la totalité du risque.

    Robert Louis-Dreyfus bénéficie dans le même temps d'une option d'achat de la totalité du capital d'Adidas au prix de 708,9 millions d'euros, soit 4,65 milliards de francs, valable jusqu'au 31 décembre 1994. Le rachat sera finalisé le 22 décembre 1994.

    Ainsi, entre l'échec de la vente d'Adidas à la société Pentland en octobre 1992 et la cession réalisée le 12 février 1993 pour 78 % du capital, la société Adidas est passée d'une valorisation totale de 423,8 millions d'euros, soit 2,78 milliards de francs, à 407,5 millions d'euros, soit 2,673 milliards de francs : la valorisation de la société entre 1992 et 1993 ne varie donc que légèrement.

    En résumé, le Crédit Lyonnais assumait, dans cette opération, la totalité du risque en cas d'échec et bénéficiait des deux tiers du profit en cas de succès, situation qu’en particulier les anciens banquiers présents au sein de la commission ne pourront que trouver extraordinaire.

    Le 13 mars 1994, un protocole d'accord a été signé entre la SDBO, le Crédit Lyonnais et Bernard Tapie, mettant fin aux relations bancaires des parties et soldant les comptes du groupe Tapie. Le protocole d'accord est assorti d'une condition suspensive, à savoir la production dans un certain délai d'expertises sur le mobilier et les objets d'arts de M. et Mme Tapie. Le 23 novembre 1994, la justice a prononcé la caducité de ce protocole en raison de la non levée de condition suspensive, ce qui a conduit à rendre dès lors exigibles les prêts accordés au groupe Tapie. Par conséquent, le 30 novembre 1994, l'ensemble des sociétés du groupe Bernard Tapie a été placé en redressement judiciaire et a été progressivement mis en liquidation.