J'ai trouvé comment bien comprendre les tenants et aboutissants de l'affaire Tapie : il suffit de se rendre sur le site de l'Assemblée Nationale, et de lire l'excellent compte-rendu de séance du 03 septembre dernier à 9h30.
J'ai notamment lu avec un très grand intérêt l'excellent historique que dresse de cette affaire le député Charles de Courson (Nouveau Centre). J'ai mis en gras les extraits les plus importants dans un premier article. Pour les feignasses qui n'ont pas le courage de tout lire, je résume très sommairement les faits. En gros, le Crédit Lyonnais a prêté des sous à Tapie pour entrer dans le capital d'Adidas. Evidemment, ces sous, il était convenu qu'il faudrait les rembourser. Le problème, c'est que les sociétés de Tapie ne sont pas en bonne santé. Il ne dégage pas assez de bénéfices pour rembourser toutes ses échéances. Il essaie donc de les revendre, mais ne parvient pas à en tirer une offre suffisamment alléchante. Un accord est alors passé avec le Crédit Lyonnais pour que celui-ci se charge de la revente.
(là, je cite Charles de Courson)
<Courson on>
Le 12 février 1993, la vente intervient, au prix convenu, auprès de huit acquéreurs, parmi lesquels la société Clinvest, filiale du Crédit Lyonnais, qui était déjà titulaire de 10 % du capital d'Adidas et en acquiert, dans cette opération, 9,9 % supplémentaires, mais également la société Rice SA constituée par Robert Louis-Dreyfus, qui prend une part de 15 %. Certains acquéreurs ont bénéficié d'un prêt spécifique dit à « recours limité » accordé par le Crédit Lyonnais et prévoyant notamment qu'en cas de revente, la plus-value serait partagée à raison, grosso modo, d'un tiers pour l'emprunteur et de deux tiers pour la banque. En revanche, en cas d'échec de la cession des parts à un prix égal ou supérieur au principal du prêt à l'échéance de ce dernier, le Crédit Lyonnais prenait à sa charge la totalité du risque.
</Courson off>
Royal. Je vais me lancer dans la finance et l'entreprise, moi, si je trouve une banque capable de me donner de telles garanties...
Toutefois, il y a avait une petite condition, pour que tout ce montage marche : il fallait une expertise du mobilier et des objets d'art du couple Tapie (je suppose que cela devait rentrer dans le cadre de la liquidation des échéances). Sauf que l'expertise n'a jamais eu lieu.
Tapie devait donc tout payer. Plus de prêt du Crédit Lyonnais qui lui aurait permis d'attendre le moment propice pour vendre ses sociétés à bon prix. Mais justement, c'est là-dessus qu'il attaquera plus tard le Crédit Lyonnais, parce qu'une cour d'appel a estimé en 2005 que le Crédit Lyonnais ne pouvait pas à la fois être vendeur et acheteur (il faisait partie des 8 acquéreurs, via ses filiales !) et que donc il avait été déloyal. Pire, la cour a estimé que si Tapie avait obtenu un prêt au bon moment à cette période et avait été informé de l'intérêt de Robert-Louis Dreyfus, il aurait pu faire faire une plue-value significative.
Vous avez vu ? Il y a des condtionnels partout...C'est fort du collier : quelle banque aurait accepté de prêter de l'argent à Tapie à l'époque ?! Par ailleurs, comme l'a justement relevé François Goulard, dans ce même débat, depuis quand la juridiction française reconnaît le "droit au prêt" ?
Bon, évidemment, en cassation, le Crédit Lyonnais a tout de même fait appel, la cour a quand même estimé que jusqu'à nouvel ordre, les banques étaient libres de prêter à qui bon leur semblait et quand elle le jugeaient bon.
L'affaire traînait. Le CLY a donc décidé, d'un commun accord avec les époux Tapie de s'en remettre à une procédure d'arbitrage, c'est à dire des juges choisies communément par les deux parties pour trancher leur différend.
Quand je dis le CLY, au fait, c'est un abus de langage : les décisions doivent être validées par un comité de recouvrement qui veille aux intérêts de l'Etat dans la gestion des actifs et des passifs du Crédit Lyonnais. Cet organisme est consitué de trois fonctionnaires, un député et un sénateur.
Les trois fonctionnaires ont reçu l'instruction ministérielle de valider la demande d'arbitrage, alors que le député était plus que réservé sur cette procédure. Majorité d'emblée donc.
Or, c'est ce tribunal arbitral qui a fixé le montant du préjudice subi par Tapie à 295 millions d'euros ! Ah, un détail, les parties s'engageaient à renoncer à d'éventuels recours en faisant appel à un tribunal arbitral.
La suite demain...