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  • Au début était la Finance. Elle dit, et l'économie fut.

    Au début était la Finance. Elle dit : «que l'économie soit !»  Et l'économie fut. Fiat economica et economica fuit. Tiens, faudrait que je demande à l'Amicus Curia comment ça se dit, économie en latin. Industria, ça ne ferait pas l'affaire ? En grec, c'est oïkonomikè, mais en latin, aucune idée. En tout cas, l'Amicus Curiae (l'Institut Montaigne, pas le blog démocrate du même nom) a son idée sur la genèse du monde, enfin, du monde économique. C'est une note d'Alain Lambert qui m'a alerté sur leur dernière publication. Ils évoquent la relance avec des solutions pour le moins...hérétiques (!) pour des libéraux. Dans la plupart des commentaires que j'ai lus sur la crise, j'ai observé une dénonciation de la finance, telle un rejeton rebelle et désobéissant qui s'en serait pris, mauvaise fille, à sa mère nourricière, l'économie. L'Institut Montaigne semble avoir pris acte de l'inversion du lien de subordination et propose donc des solutions à partir de la finance, parce que désormais, c'est la finance qui alimente l'économie, et non l'inverse.

    Et leurs solutions, ça décoiffe, parce que c'est tout à fait inattendu pour des libéraux. Accrochez-vous les amis ! Voici leurs propositions :

    1 - une suspension des pratiques et des règles de marché les plus déstabilisatrices aujourd’hui ;

    2 - l’organisation de la traçabilité des produits financiers ;

    3 - un programme coordonné de nationalisations bancaires temporaires dans les pays du G20, prélude à une séparation entre banques commerciales d’un côté, banques dites d’investissement de l’autre ;

    4 - la création de nouveaux instruments pour pérenniser le financement des États souverains, actuellement en danger.

    Vous avez lu le point 3 ou j'ai rêvé ? Nationalisations bancaires, oui, oui, j'ai failli avaler mon câble USB en lisant ça. Et ce n'est pas tout : séparations définitives entre banques commerciales et banques d'investissement (idée intéressante, au demeurant).

    903782708.jpgCe qu'ils appellent pratiques déstabilisatrices, c'est en gros celles qui provoquent la peur sur les marchés. Vous vous rappelez, lecteurs fidèles, certainement la note qu'ai écrite à ce sujet. Note que j'avais ensuite explicitée en évoquant les paradis fiscaux. On se retrouve, en tout cas, les libéraux et moi (enfin l'Institut Montaigne) sur l'importance de la peur dans cette histoire, et notamment la nécessité de ne pas paniquer mon troupeau de brontosaures. Première pratique à dégager à leurs yeux : le mark to market. En effet, évaluer une valeur au jour le jour, compte-tenu de l'instabilité naturelle du marché, c'est de nature à générer de nombreux désordres. Donc, exit, le mark to market. Ils proposent un autre modèle que le mark-to-market pour déterminer la valeur des entreprises, mais primo, je n'ai pas eu le temps de me pencher dessus, et secondo, je ne suis pas sûr d'avoir la compétence pour le comprendre.

    Pour les nationalisations, bon, ça reste tout de même des libéraux, faut pas trop non plus leur en demander : elles doivent être temporaires et ne pas trop fausser les règles de la concurrence, mais, quand même, ils ont prononcé, écrit et suggéré le mot ! De ces nationalisations temporaires découle d'ailleurs leur proposition suivante :

    ...pour encourager les banques à irriguer à nouveau l’économie et les détourner d’activités de marché trop risquées, susceptibles de mettre leur solvabilité en péril, nous recommandons que les reprivatisations de banques débouchent sur leur dissociation entre les banques de crédit et les banques de marché. Autrement dit séparer les banques commerciales, qui financent les entreprises, les ménages et les collectivités, des banques dites d’investissement. Cette dissociation, qui doit être coordonnée au plan mondial, et d’abord au niveau du G20, permettrait de mieux allouer un capital devenu rare vers les activités susceptibles de nourrir directement la croissance économique future. On notera par ailleurs que la suppression du Glass-Steagall act en 1999 (loi qui interdisait justement l’amalgame entre banques commerciales et banques d’investissement) a entraîné les banques américaines dans une course à la taille et dans une confusion des genres (comme les activités de « banque intégrée ») qui n’ont évité ni les collusions et conflits d’intérêts, ni les difficultés de solvabilité, comme le prouve la crise actuelle. L’industrie financière redécouvre avec cette crise que la juxtaposition des missions et des activités n’encourage ni la cohérence, ni l’efficacité de l’action économique.

    Attendez, ce n'est pas tout : ils proposent de taxer comme des brutes les activités de spéculation ! Concernant les banques finançant les activités de spéculation, nous recommandons une fiscalité renforcée, après leur « reprivatisation ». Un taux d’imposition de 60, 75 ou 80 % pourrait ainsi être envisagé. Cette politique fiscale différenciée permettra ainsi de réduire à sa portion la plus congrue des activités financières devenues trop dangereuses pour nos économies et nos sociétés. Ben m... alors, si on ne peut plus spéculer en paix. V'là encore aut' chose...

    La principale difficulté, comme le souligne l'Ami de la Curie, sera d’établir la liste précise des activités financières devant être soumises à une telle taxe. A leurs yeux,  les activités de trading sur fonds propres, de courtage, de production et de distribution de produits dérivés et structurés, de titrisation, de financement des hedge funds peuvent rentrer dans cette liste.

    In fine, je trouve que leurs propositions sont audacieuses et...inattendues ! La question, c'est de savoir quel gouvernement aura le courage de le faire, sachant, en fait, que ce n'est pas au niveau d'un gouvernement que cela peut se décider, mais du monde entier. En gros, il faut amener l'affaire devant le FMI et l'OMC. Et pour que cela ait des chances d'être considéré, le mieux serait que ce soit présenté par un partenaire majeur, comme l'Europe, par exemple...