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abolition

  • Prostitution : synthèse pro/anti pénalisation du client

    J'ai bien réfléchi sur la question de l'abolition de la prostitution et la pénalisation du client et je pense avoir trouvé une synthèse intéressante.

    - quand un client s'implique dans la prostitution illégale, c'est lui qui est sanctionné si on l'attrape, ce qui n'empêche pas de donner la priorité à la lutte contre le proxénétisme.

    - mais à côté de cela, on autorise une prostitution légale en profession indépendante avec des lieux clairement identifiés, des normes précises, et une protection juridique et sociale pour les travailleurs du sexe.

    En outre, en édictant des normes de conduite (répression des violences, des insultes, des menaces et cetera...), on peut espérer permettre plus facilement aux prostituées de porter plainte en cas de violences ou de comportements injurieux. Il faut mettre en place un système dans lequel le bénéfice du doute profite toujours aux prostituées. Si le client sait qu'on la croira préférentiellement, il saura qu'il a tout intérêt à se montrer le plus respectueux possible.

    Je ne dis pas que cela me satisfait, mais ça a le mérite de concentrer l'effort de protection vers les femmes les plus vulnérables et de toutes façons, c'est tout ce que j'ai trouvé pour l'instant.

  • Abolir la prostitution ?

    J'avoue être très tenté par la proposition d'abolir la prostitution : à vrai dire, le seul fait d'imaginer les 343 connards les menottes au mains et embarqués dans une fourgonnette de police me met en soi en joie.

    Mais, d'un autre côté, il y a quelque chose qui me chiffonne dans cette proposition : tout d'abord, il me semble que la lutte contre le proxénétisme devrait être la priorité en matière de lutte et je ne pense pas que la bonne intention de faire disparaître la prostitution officielle en viendra à bout. Ensuite, ce qui me choque plus que tout dans la prostitution c'est la situation de violence que subit une femme, situation que j'associe à l'esclavage et au viol. Rien ne me choque plus que le mot "pute" qui m'insupporte et le mépris avec lequel il est employé pour désigner des femmes qui se prostituent. Il n'y a qu'à voir l'usage que font les 343 connards du déterminant possessif accolé à ce mot pour comprendre qu'ils considèrent ces femmes comme un bien que l'on peut traiter comme on l'entend dès lors qu'on paie, et encore. Ils font hypocritement semblant de croire qu'il ne s'agit que d'une relation contractuelle librement consentie.

    Mais justement, c'est un peu là où le bât blesse pour moi : je veux l'abolition de la prostitution parce que la plupart du temps, c'est une situation de violence, pas parce qu'il y a paiement en échange d'une relation sexuelle. Non que j'approuve d'une quelconque manière un tel "échange commercial" mais plutôt que je juge qu'il est difficile de le rendre répréhensible moralement.

    Pour moi, la sphère de la prostitution est plus large que la définition qu'on lui reconnaît : le mannequinat avec les porcs de photographes qui tentent de monnayer des recommandations contre des faveurs sexuelles, et dans la même veine les échelons du star-system pour les femmes sont au fond de même nature que la prostitution traditionnelle. Je pense que cet univers interlope n'est pas réglementé ni contrôlé et il devrait l'être. Mais du coup, où commencent et où s'arrêtent les limites ?

    Je voudrais être certain de légiférer sur une base saine : je ne lutte pas contre les pratiques sexuelles déviantes ou non mais bien contre l'esclavage des femmes. Il ne serait pas honnête d'occulter que des jeunes femmes choisissent parfois de se prostituer, je ne parle évidemment pas de celles que l'on trouve dans les réseaux, parce qu'une passe avec un homme riche rapportera le salaire d'une caissière en une nuit. Bien que je désapprouve formellement de telles relations, je ne suis pas certain que ce soit le rôle de la loi de légiférer à ce sujet, dès lors que ces jeunes femmes sont protégées.

    En même temps, si on encadre ces pratiques, il est évident que le jeu de la libre concurrence amènera assez vite sur le "marché" des prostituées à bas coût. Tout cela est fort sordide, au final mais pas simple à définir.

    On en revient quand même finalement à la place de la sexualité dans nos sociétés. Les relations sexuelles ont un statut particulier dans nos lois, que nous le voulions ou pas, car dans le cas contraire, vendre la force de ses bras et louer l'usage de son sexe reviendraient l'un comme l'autre à louer son corps. Pour décréter l'un mauvais, il faudrait en faire autant pour l'autre.

    Une violence faite à une femme, ce n'est pas seulement une relation sexuelle non consentie : c'est aussi une douleur qui lui est infligée lors d'un rapport sexuel, et de ce fait, cela va bien au-delà de la seule prostitution. Les premiers rapports sexuels entre jeunes gens rentrent aussi dans cette catégorie et, pour moi, le jeune mâle imbécile qui fait mal à sa compagne la première fois n'est guère plus estimable que le client de la prostituée...

    Bref, je m'aventure dans des méandres dont je ne connais pas l'issue.

    C'est un débat difficile et je ne puis conclure. Je comprends la position de Libre affichage  mais il y a quelque chose qui continue pourtant de me heurter. J'ai lu aussi l'article de la tovaritcha spartakiste Rosaelle sur le sujet : Je ne suis pas sûr de la suivre. Je lis chez elle ces lignes : 

    Ok. On va dire que c'est comme ça. C'est vrai que des prostituées sont violentées par des clients, voire pire. On va laisser volontairement de côté la question des réseaux et de la traite des femmes. Oui mais... Si je suis ce raisonnement, et on n'est pas loin de la réalité, dans l'échangisme, il arrive que des femmes soient forcées par leur compagnon (j'ai lu des histoires à ce propos), et qu'elles soient violentées, allant contre leur volonté, on s'en sert comme jouet sexuel. Donc faudrait interdire l'échangisme? De la même manière, faut interdire aussi la pornographie, puisque les femmes qui y bossent sont soumises aux fantasmes des réalisateurs et on sait pas si elles sont pas forcées, d'ailleurs, et si elles aiment faire ça. Interdisons la pornographie!

    Peut-être. Peut-être faudrait-il interdire en effet tout cela. Pourquoi considérer comme une évidence que les films pornographiques auraient une légitimité ? On est tout à fait dans la problématique de la violence faite aux femmes en tout cas.

     Il faut aussi interdire le sado-masochisme, ça tombe sous le sens.

    Ça en revanche, non : on n'est pas dans le cadre d'une violence faite aux femmes, en tout cas, pas telle que je l'ai définie. Je rappelle qu'il y a une contrainte dans la violence qui ne se trouve pas dans le sado-masochisme envers et contre toutes les apparences puisqu'il s'agit de relations qui apportent du plaisir aux deux partenaires. Or, par essence, le plaisir et la contrainte sont antagonistes.

    Faut arrêter le bordel: le sexe n'est pas un instrument de domination machiste de la société patriarcale. C'est surtout un acte entre deux personnes consentantes, quel que soit le lieu ou les circonstances. Si ça n'en est pas, ce sont des violences.

    Là, d'accord, mais le problème demeure entier ; il est où le curseur des violences ? Je ne sais pas s'il est vain de débattre. Je sais que Platon a écrit nombre de dialogues qualifiés d'aporétiques, c'est à dire sans issue apparente. Ils ont pourtant fait progresser la pensée philosophique.

    Je ne sais pas s'il y a une issue, mais la violence faite aux femmes mérite en tout cas bien qu'on en débatte quand bien même nous aboutissons à une aporie.

  • Peine de mort : constitutionnalisation de l'abolition

    Tribune d'Hervé Morin dans le magazine Valeurs Actuelles

     

    Le combat contre la peine de mort est un long combat. Il sera bientôt terminé dans nos lois mais il n’est pas fini dans les têtes, comme l’illustre le récent débat en France sur l’exécution de Saddam Hussein. Deux cents ans après que Le Peletier de Saint Fargeau ait demandé en 1791 l’abolition de la peine capitale, le vote dans quelques jours par notre Parlement de l’interdiction de la peine de mort dans notre Constitution est le dernier pas d’une longue marche. Plus de vingt-cinq ans après l’abolition de la peine de mort, le 9 octobre 1981, sur la volonté de François Mitterrand, Jacques Chirac fait bien de parachever l’œuvre de son prédécesseur.

    Reconnaissons le, il y avait du courage dans la décision de François Mitterrand en 1981 de dire aux Français que s’il était président de la République, il abolirait la peine de mort alors que l’opinion y était hostile. Valéry Giscard d’Estaing avait eu envie de le faire, il en avait été empêché par une partie de sa majorité. François Mitterrand l’a fait alors que les Français ne le souhaitaient pas. Et c’est bien ; et c’est cela la grandeur du politique : ne pas suivre systématiquement l’opinion, mais être à l’avant-garde, être un précurseur, même si c’est en contradiction avec ses concitoyens ; le décider quand même parce que l’on pense que c’est bien pour la communauté dont on a la charge.

    Si nous considérons que ce qu’il y a de plus précieux, c’est l’homme ; que personne, pas même la loi, ou la volonté du peuple n’a le droit d’attenter à la vie d’un homme ; que la peine de mort correspond au réflexe d’une société primitive légitimant la violence en l’inscrivant dans son droit alors qu’une société doit en appeler à la raison du coeur pour reprendre la belle expression de Tocqueville, c’est-à-dire conduire les citoyens à la vertu Républicaine et à l’intelligence collective, la peine de mort n’a pas sa place. Une société qui condamne la mort n’a pas le droit de la donner.

    L’abolition de la peine de mort c’est un acte de foi dans l’homme, mais aussi un acte de raison. Je sais qu’à chaque crime on a envie de mort ; je ne doute pas un seul instant que s’il fallait que l’on touche à l’un de mes enfants, l’envie de vengeance serait plus forte que tout et que je ne supporterais pas de voir l’assassin en vie… et un jour libre. Mais si je veux bien me raisonner – beaucoup – je me dis que cela ne changerait rien car le son de la voix de l’être cher ne sonnera plus, quoique l’on fasse.

    Refuser la peine de mort, c’est aussi un acte d’espoir dans l’homme qui s’amende, se répare. J’ai visité beaucoup de prisons, discuté avec beaucoup de criminels. A chaque fois, je n’oubliais pas ce que de plus atroce ils avaient pu commettre et ce que cela pouvait m’inspirer ; mais le travail sur eux-mêmes, la reconnaissance de leur propre ignominie font, qu’après une longue et nécessaire peine, ils ressortent de prison et réussissent parfois une belle réinsertion et surtout récidivent très rarement. En quittant le soir la prison, je me disais à chaque fois qu’on avait eu raison d’abolir la peine de mort.
    Mais je me disais aussi que la France n’avait fait qu’un bout de chemin en n’améliorant pas la condition pénitentiaire, afin de tout mettre en œuvre pour que la récidive soit la plus exceptionnelle possible et qu’après la peine sévère il puisse y avoir la rédemption de l’homme.

    L’échafaud disait Hugo, c’est le plus insolent des outrages à la dignité humaine, à la civilisation, au progrès. A moins de penser qu’avec la peine de mort, on élimine le crime, elle n’apporte rien dans la prévention de la délinquance. Toutes les études qui ont été menées démontrent que la peine de mort ne dissuade pas plus du crime que la prison. L’existence de la peine de mort est sans effet sur la criminalité. D’ailleurs, si c’était le cas, les Etats-Unis n’auraient pas trois fois plus de crimes que la France.

    Au lieu de la colère et de la vengeance inscrite dans nos lois – ce que représente la peine de mort – mettons au fronton de notre démarche « une sévérité puissante, calme et juste ».

    L’inscription de l’interdiction de la peine de mort dans notre Constitution, c’est enfin un message aux Chinois qui exécutent allègrement les opposants politiques, à certains pays du Golfe qui lapident des femmes seulement coupables d’avoir été amoureuses et aux Etats-Unis qui ont oublié qu’ils sont aussi le pays des Droits de l’Homme.