Très souvent, quand je considère l'agitation qui secoue les réseaux sociaux un immense sentiment de vacuité m'envahit.
Je prends un exemple : cette semaine, quelques cadres et élus du MoDem se sont ralliés à Anne Hidalgo à Paris. Cela a entraîné quelques cris de triomphe à gauche et des échanges aigre-doux sur les forums et groupes MoDem. Çà et là, on en discute comme d'une fin du monde et le premier des événements de la semaine. Il y a même eu quelques titres dans la presse.
Eh bien sortez dans les rues de Paris et interrogez les passants, c'est bien simple : c'est passé complètement inaperçu. Tout le monde l'ignore.
En fait, parlez du MoDem à un Parisien moyen, tout ce qu'il ne connaît, c'est Marielle de Sarnez. Il ignore absolument tout des autres quels que soient leurs efforts pour s'agiter. Et encore, je parle des Parisiens qui remplissent leurs devoirs citoyens et suivent de très loin la politique. Les autres, c'est encore pire.
L'inconvénient, c'est que ce qui vaut pour ce genre de non-événement vaut aussi pour tout le reste. Tout le monde ignore que quelques cadres ont fait défection, mais tout le monde ignore également les propositions de Marielle de Sarnez pour Paris. A vrai dire, pas grand monde ne connaît dans le détail non plus celles d'Hidalgo ou de NKM...
Rien de plus fastidieux que les élucubrations des donneurs de leçons de tous horizons assurant connaître ce que veulent les "vrais gens" et prétendant parler en leur nom. Ça, ça pullule sur la Toile politique.
En fait, c'est super-dur de passer les filtres de l'actualité. Il faut vraiment un très très très gros bruit pour que son écho atteigne les oreilles les plus éloignées.
Du coup, il ne faut pas se biler quand des aigris, des paranos ou des furieux viennent cracher leur venin. Il y a trois personnes qui les lisent, personne ne les écoute et tout le monde s'en fout ou presque.
Un blog comme le mien ne sert quasiment à rien. Un peu en interne et c'est tout. La blogosphère, les réseaux, ce sont des positions qu'il faut tenir, mais qui ne servent à rien ou presque. Face aux moyens phénoménaux de la mairie de Paris, c'est clair qu'il y a une disproportion insurmontable.
Corollairement, les tractages et la présence sur les marchés, c'est quasiment aussi inefficace. Cela ne touche personne. A la limite, si on réussit à occuper tout un arrondissement et à le repeindre en orange avec quelques slogans bien sentis, on peut avoir un peu plus de chance de faire du bruit.
Il y a eu une année où le MoDem avait eu des initiatives sympas sur un marché du 15ème : les militants offraient des fleurs aux femmes et distribuaient des oranges (ou même des jus d'orange) aux passants. Ça ne brassait pas d'idées, mais on se faisait connaître. Le problème, c'est que les partis disparaissent sitôt les élections terminées alors qu'il faudrait de l'endurance et occuper le terrain sur le long terme.
Il n'y pas meilleure assurance d'être inaudible que de paraphraser d'autres offres politiques. J'ai compris que le MoDem allait décliner quand je l'ai vu commencer à applaudir les Éva Joly, Augustin Legrand et admirer les Piketty et compagnie. Les stars "au grand coeur" de la gauche bobo, en somme. Ce jour-là, j'ai compris que ce parti s'était complètement asséché. Il ne restait plus qu'une base militante qui tournait en rond.
Tenter de débattre pragmatiquement d'idées, a fortiori d'en trouver, dans les réseaux militants, c'est la croix et la bannière. La plupart du temps, ils relaient des idées convenues, font du copié-collé, adorent parler des alliances et de leurs valeurs, commentent l'actualité éruptive et répètent sinon à l'envie, en fait de propositions, les annonces à la mode. Tout effort pour engager le débat, ouvrir la réflexion se heurte au mieux à un désintérêt poli, au pire à une méfiance hargneuse. Bien sûr, il y a toujours des esprits éclairés qui soulèvent des problèmes intéressants, mais la plupart du temps on fait un grand foin de propositions aussi futiles qu'inutiles.
Ah, les dernières en date au hasard : le vote blanc, la réforme fiscale.
Ah, l'archétype de cette politique "citoyenne" comme s'en prévalent pompeusement leurs promoteurs, c'est l'énième avatar de gauche Nouvelle Donne. J'ai lu leurs propositions. Vous croyez qu'il n'y a pas assez d'impôts ? Première proposition, en créer un nouveau, je la cite :
Créer un impôt européen sur les bénéfices des entreprises.
En fait, c'est bien simple : tout le début de leur programme ne parle que d'impôt et de la meilleure manière de le recouvrer. Aucun poncif ne nous est épargné : sur les banques, les paradis fiscaux, l'impôt progressif, Piketty, les sociétés...
Alors, dans la première partie, il n'est question que d'impôts et dans la seconde, que de dépenses...J'ai bon ? Et après nous avoir assommé d'impôts et de dépenses supplémentaires, ces gens-là nous entonnent leur habituel couplet sur la démocratie et la dictature des marchés (au passage, en accroissant la dette, ils nous en rendront encore plus dépendants...).
Déjà, moi, un parti qui commence par un slogan qui contient le mot "changer", je me méfie aussitôt. Bon, je m'acharne contre un groupuscule qui n'est pas prêt de parvenir à se faire connaître mais il incarne tellement bien les discours en creux entendus pendant toutes ces dernières années sur les réseaux...Il n'y manque que la politique 2.0 (ou 3.0, je ne sais plus où, on en est, peut-être 4.0 finalement) et autres délires électro-cosmogoniques des "réservoirs et fabriques" à idées de tout poil.
Marx, c'est mieux écrit et plus construit, entre nous. Je me rassure sur un point : ceux-là, ils ne risquent pas de dépasser les 0.5% (en étant très optimiste parce que c'est déjà beaucoup pour une secte) : on les sent tellement "proches" des préoccupations ordinaires de leurs concitoyens...
Voilà, je suis un peu désabusé, je pense. Il y a une initiative que j'ai aimée au MoDem, c'était le shadow cabinet, même si je trouvais que les interventions manquaient souvent de fond. L'idée a été reprise à l'UDI et certains dossiers creusés. Espérons que l'Alternative se dote d'un vrai contre-gouvernement en faisant connaître ses contre-mesures. J'avais pour ma part été ébloui par ce qu'avaient su faire les LibDems en Angleterre avant qu'ils accèdent au pouvoir.
Commentaires
"Tout le monde ignore que quelques cadres ont fait défection"
Cela n'empêche pas les opposants du Modem d'utiliser ce genre de défections pour perpétuer les critiques sur notre position, sur les centristes, etc. (critiques qui finiront par être validées s'il y a de plus en plus de départs, espérons que nous). Évidemment la défection du seul conseiller parisien du Modem a fait plus de bruit que ce dont tu parles là. Mais il y a quand même eu des articles, et pas lus seulement par des parisiens (je ne le suis pas, et je n'ai pas découvert l'article par un lien twitter ou autre, mais sur Google News, et sans chercher).
Dire que "ce n'est pas grave"... Hum. Cela me semble quand même regrettable, étant donné que le parti n'est pas non plus en grande forme. Évidemment, à Paris, ce doit être la section Modem la plus fournie en adhérents, donc numériquement, quelques départs... Mais c'étaient des cadres, ça joue quand même. Et au-delà il y a des départs, des doutes, que ce soit sur la charte et l'Alternative ou sur les municipales. Donc il me semble qu'en interne, ça reste quelque chose à considérer, non ? Peut-être pas à Paris. Mais dans les petites sections locales, de telles choses ont fait des ravages par le passé (aux régionales par exemple).
@ L'Héré
Un peu désabusé, oui ; mais sur le fond, je vous rejoins. Cela dit, deux citations :
"Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer" (Guillaume d'Orange)
"Fais bien ce qu'il t'appartient de faire et pour lereste, ne t'en mets pas en peine" (Epictète).
Sinon, une petite remarque stylistique concernant votre titre : un filtre est fait pour être traversé, franchi ou passé, non pas surmonté... ;-)
apparemment, l'UDI fait ca bien, gérer un contre gouvernement, qu'a rejoint Bayrou
http://www.lepoint.fr/politique/emmanuel-berretta/udi-et-si-j-etais-ministre-28-11-2013-1762984_1897.php
Le shadow cabinet comme solution a la crise politique sans précédent que nous vivons , les bras m'en tombent.. Alors oui les partis politiques avec leurs états majors centralisés et omnipotents ( dont marielle de sarnez est l'archétype dans sa manière de mener la section de paris ) sont morts ...Il y a des choses à réinventer et c'est en ce sens que l'alternative est passée totalement à coté
@Lolo
ET concrètement, que proposez-vous ?
@Christian
J'aime bien Épictète :-)
Vous avez raison pour votre observation stylistique : il faut que je corrige en infranchissables.
Salut Parisien
J'ai lu l'article du Point.
Il reste quand même quelques petits soucis à régler à l'UDI.
Soutenir des gens comme Balkany ou Reynaud-Ceccaldi, c'est un peu un casus belli pour moi. Et je ne parle même pas de Gaudin à Marseille.
Comme le dit si bien l'Hérétique, dans le 92, on a un festival comme:
Balkany
Ceccaldi-Raynauld
Schuller
Aeschlimann
Pemezec
Il y en a même à Gauche comme Kaltenbach à Clamart.
On a aussi Buchet qui a été comdamné deux fois pour harcèlement (il a fait appel, il repassera une troisième fois au tribunal).
D'ailleurs, à Sud de Seine (regroupant Clamart, Fontenay-aux-Roses,Malakoff et Bagneux), la légende veut que l'on est deux excité (Kaltenbach et Buchet) calmé par Catherine Margaté (maire de Malakoff) et Marie Hélène Amiable (maire de Bagneux).
"Marx, c'est mieux écrit et plus construit, entre nous." Et même en-dehors de nous :-)
Nouvelle donne, Nous citoyens, le FN, Mélenchon et Cie, ont un point commun : reconnaître et afficher que la France, en tant qu'État et système public, et même en tant que Nation (société, économie), est gagnée par la paralysie, l'impotence, la névrose de l'échec.
Et un deuxième point commun : s'appuyant sur cet échec de l'UMP et du PS, qui devient évident pour la majorité des citoyens ( http://www.ouest-france.fr/sondage-hollande-au-plus-bas-mais-ump-et-fn-ne-feraient-pas-mieux-1719494 ), ces partis font passer pour solutions évidentes des "grands n'importe quoi".
Leur rente de situation, c'est l'absence totale de relation entre la langue de bois des politiques de pouvoir ("crise" depuis 40 ans, "inversion de courbe…"), et la réalité que chaque citoyen vit au travail, dans sa famille, en société. Puisque les politiques de pouvoir sont aussi impuissants, et sont payés pour ça, pourquoi qualifier de fumistes les nouveaux arrivants ?
Le plus désespérant, c'est que, quand un grand Mouvement politique s'est créé avec une analyse décente de la situation, avec l'ambition d'y répondre par un changement politique, économique et social profond, avec des solutions à la fois ambitieuses et sérieuses, etc.,… les électeurs s'en sont amusés, dans leur grande majorité. Ils nous ont qualifiés soit d'opportunistes, soit de traîtres, soit de gens au positionnement flou — mais je plaisante : dans la grande majorité, ils n'en ont rien su ou presque, c'est le propos de ton billet.
Bien sûr, espérer qu'il en soit autrement, c'est peut être se montrer "original" au sens ironique du terme, ou démago, ou naïf. Les électeurs sont blasés de la politique parce qu'ils en connaissent les limites. Ils ont vu trop d'échecs précédés des meilleures intentions. Beaucoup sans doute se disent que la seule solution raisonnable, c'est de se débrouiller chacun pour soi, et de mettre un bulletin "m…" dans l'urne, affaire de montrer qu'on n'est pas dupes.
Salut Fred,
Je pense qu'on paie en effet la langue de bois depuis de longues années, et, à vrai dire, à ce niveau-là, ce n'est plus de la langue de bois mais de la langue de plomb.
Pour le reste, tu le sais, on peut avoir les meilleures intentions du monde et ne pas parvenir à convaincre.
Une donnée qu'on oublie, c'est que le corps électoral n'est pas forcément plus pur que ceux qu'il élit. Comment expliquer autrement les réélections des Balkany, Aeschliman, Dassaut, Ceccaldi, Gaudin, Kastendeuch et quelques autres encore...
C'est pas simple...
Salut l'hérétique.
Je me permet de te corriger sur un point:
"Eh bien sortez dans les rues de Paris et interrogez les passants, c'est bien simple : c'est passé complètement inaperçu. Tout le monde l'ignore." => Non tout le monde s'en contrefout totalement.
La guéguerre des partis c'est inintéressant au possible, même pour moi qui suit la politique. Les gens s'en foutent. La plupart ce qui les intéressent c'est est-ce qu'il auront assez de sous pour tenir jusqu'à la fin du mois. Le reste, les partis peuvent naitre ou mourir dans la plus parfaite indifférence.
@Kaoru
Ben non, tu ne me corriges pas, on est parfaitement d'accord :-)
Je fais toutefois une petite restriction : les gens peuvent aussi s'enflammer sur des débats de société, et ça, en revanche, ce n'est pas une histoire de sous.