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Ce n'est pas la violence scolaire mais l'homophobie que vise Indochine

Tout comme Corto, j'ai eu une sensation assez curieuse en regardant le clip d'Indochine, College Boy.

L'esthétisme lissé et violent qui s'en dégage nous emmène, me semble-t-il, bien loin d'une campagne de prévention contre le harcèlement à l'école.

La victime, dans le clip, ne présente aucune des caractéristiques d'une victime ordinaire en milieu scolaire.

Il est beau, intelligent, musclé et son désir de revanche se manifeste dans les coups de poing rageurs qu'il assène dans le vide.

L'environnement dans lequel il évolue est celui d'une high school anglaise très traditionnelle. Ce sont là des traits très caractéristiques de l'identité sexuelle des jeunes gays, car elle se constitue souvent dans un contexte de forte réaction, généralement associée au conservatisme, à la tradition et/ou à la religion.

Enfin, la mise en croix finale du jeune homme l'assimile à une figure christique.

Il n'y aucune raison pour qu'un groupe s'en prenne spécifiquement à un jeune homme d'apparence charismatique (un fort magnétisme se dégage de lui) et bien fait de sa personne, sauf à ce qu'il porte en lui une différence qui heurte la conviction ordinaire du conservatisme commun.

Dans le clip, il y a un fort soupçon que cette différence ne soit pas autre chose que l'homosexualité.

Ainsi, c'est sur un fond homophobe qui ne s'exprime pas, demeure dans le non-dit, que se dresse une violence croissante tout au long du clip.

Ces images magnifiées, esthétisées, noires et violentes m'apparaissent davantage  des paysages intérieurs que les réalités très diverses que prend le harcèlement en milieu scolaire. Les jeunes filles violées qui se sont suicidées, les garçons fluets ou corpulents qui se sont pendus ou qui périssent battus, de jeunes homosexuels qui subissent des brimades continuelles sont sans doute bien plus symptômatiques du caractère le plus extrême de cette violence-là.

A côté de cela, il existe une violence ordinaire, souvent verbale, qui frappe plus simplement les individus isolés. L'une des premières règles sociales à assimiler, pour contourner ou éviter un sort funeste, c'est d'apprendre à ne pas être seul dans une cour. Du côté des victimes, c'est fondamental.

Du côté des harceleurs, c'est une grave erreur que de ne vouloir punir qu'une figure emblématique. Je l'ai dit plusieurs fois par le passé, quand il y a un phénomène de bande, c'est la bande toute entière qu'il faut frapper avec force, quoi qu'il en coûte, de manière à ce que nul coupable n'échappe à son châtiment.

La justice passe son temps à relaxer des complices actifs ou passifs de délits ou de crimes en bande. La jour où elle admettra qu'être là et assister est constitutif du délit ou du crime, on commencera peut-être à avancer.

Commentaires

  • @ L'Hérétique

    Si vous vous intéressez aux phénomènes de violence collective, je vous conseille l'un des films les plus remarquables que je connaisse sur le sujet : "Fury" de Fritz Lang, avec Spencer Tracy.

    En 1934, Lang fuit l'Allemagne nazie et arrive à Hollywood. Il réalise très vite que, par certains côtés, les citoyens de la libre Amérique seraient bien prêts eux aussi pour une forme de fascisme rampant et décide de le leur dire (ce que le prix Nobel Sinclair Lewis leur dira aussi, en 1935, avec son roman "Impossible ici" ("It can't happen here"). Il réalise alors "Fury".

    "Fury" raconte l'histoire d'un homme accusé à tort de meurtre et enfermé dans la prison d'une petite ville américaine. La nuit venue, les habitants se liguent, attaquent la prison avec l'intention de lyncher le prisonnier et mettent le feu à sa cellule. Une équipe de reportage qui revient de couvrir un match dans les environs arrive à temps pour filmer toute l'affaire.

    La fiancée de la victime attaque en justice les habitants. Tous plaident non-coupable. La scène-clé du film se situe dans le prétoire, lorsque la partie civile fait projeter sur grand écran les scènes filmées pendant le lynchage. Car les accusés se voient alors, se découvrent alors en train de commettre leur meurtre, dans l'hystérie collective ; ce meurtre dont ils avaient plus ou moins effacé de leurs souvenirs à quel point ils y avaient contribué. C'est pour eux une révélation et une horreur.

    Cette scène est extraordinaire sur le plan cinématographique, car c'est une mise en abyme qui sert magnifiquement le propos de Lang. Les accusés du film sont des "braves gens", petits commerçants, ouvriers, fermiers ou cols blancs en tous points comparables à ceux qui vont aller voir le film de Lang. Autrement dit, il y a une homothétie, une correspondance entre d'une part les accusés du film se découvrant à l'œuvre sur l'écran du tribunal, et d'autre part les spectateurs du film de Lang se découvrant potentiellement sur l'écran du cinéma où il seront allés voir "Fury". Lang, avec ce film, dit à l'Amérique : "Vous vous croyez démocrates et préservé de la folie collective ? Regardez votre face sombre !" et il leur fait découvrir cette face sombre sur grand écran, comme dans son film les "braves gens assassins" découvrent la leur sur le grand écran du prétoire.

    Un film profondément "langien" en ce qu'il explore la problématique de la culpabilité, de la dualité humaine, de la faute et du rachat. Mais aussi un film sur l'hystérie collective et les extrémités auxquelles elle peut mener. Si vous avez 90 mn à employer, jetez-y un coup d'œil...

  • @Christian
    Merci pour la référence. Voilà un film certainement plus probant que College Boy, tel que vous le décrivez.

  • Bonne analyse, même si le clip peut aussi se voir à travers le filtre du "harcèlement scolaire".
    J'ai particulièrement apprécié l'image de ces gens, les yeux bandés, incapables de reconnaître la victime ou l'agresseur (j'ai déjà vécu ça : http://thierrydoukhan.blogspot.fr/2012/02/le-harcelement-scolaire-nexiste-pas.html).
    Cela dit, concernant la violence scolaire "ordinaire", rien ne vaut le réalisme des petits films de prévention, tournés récemment : http://www.agircontreleharcelementalecole.gouv.fr/

  • Un truc curieux tout de même... dans mon billet, j'avais mis la vidéo tirée de youtube France. Allez, 20 minutes après maxi, elle n'était plus visible et portait la mention : " cette vidéo n 'est plus disponible suite à la demande de l'auteur et en vertu de la protection des droits d auteurs " , un truc ds le genre. Je l ai donc repiqué sur Rutube.
    Etrange tout de même de faire un film que l on présente comme étant pédagogique et toussa et de censurer la diffusion du dit-film sous couverts de protection des droits d'auteurs, non ?

  • @corto
    En fait, il y a une exclusivité pour le Parisien. Si tu vas sur leur site, pas de problème.
    Je pense qu'ils veulent la contextualiser.
    @Thierry
    Je vais jeter un oeil sur votre lien

  • exclusivité pour Le parisien ? On donne ds l exclusivité lorsqu il s agit, parait-il, de faire de la prévention et de la prise de conscience ? Tout aussi curieux :)

  • @ l'hérétique :

    Les enfants à l'école se comportent comme des détenus en prison ou des singes dans un zoo : ils doivent cohabiter, ils ont donc besoin d'une hiérarchie et elle ne manquera pas de s'établir par des rapports de forces.

    Ce qui caractérise une victime c'est sa propension à se laisser faire, son éventuelle différence n'est qu'un détail. Il sert de faire-valoir aux autres.
    S'il n'y a pas d'homosexuels, de petits gros, d'enfants atteints de strabisme ou de roux on prétextera un regard de travers pour lui en coller une.

    En bas de la hiérarchie il n'y a plus que 3 possibilités :
    1) Rester effectivement tout seul dans la cour.
    2) Trouver des potes aussi bas que vous dans l'échelle et renoncer à avoir un(e) petite amie, à être invité dans les fêtes etc ...
    3) Suivre plus fort que sois en acceptant tacitement d'être le larbin de service.

    Le seul moyen d'en sortir la tête haute c'est de se défendre, et plus on a laissé faire avant plus la défense devra être spectaculaire pour dissuader à jamais les autres de vous reprendre pour le souffre douleur.

    Ton analyse part du principe que la violence c'est mal, que ça ne résout rien. C'est archi faux, la violence (pas forcément physique) résout toujours tout d'une manière ou d'une autre.

    http://www.youtube.com/watch?v=DuAaQz7_RX0

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