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Les fleurs du mal

Lorenzaccio, sous la plume d'Alfred de Musset disait que Florence était une rose sur un tas de fumier. A cette époque, pour des Musset ou des Baudelaire, les fleurs du mal sont surtout la beauté qui émane du mal. A notre époque, il me semble que notre mélange s'est déplacé sur un terrain quasi-exclusivement mora.

Tenez, commentons le scandale Lance Armstrong : ses 7 victoires au Tour de France de cyclisme, je les ai toujours jugées plus que louches. Le dopage ne fait pas de doute. Ce type s'est donc enrichi de manière malhonnête. Et pourtant, il finance aussi une fondation destinée à lever des fonds pour lutter contre le cancer et investir dans la recherche.

Au Mexique, les pires maffieux financent des oeuvres sociales grâce à l'argent de la drogue et la prostitution et le drame, s'ils disparaissent c'est qu'il n'y a aucune structure pour se substituer à leur présence "sociale".

Apporter la liberté à un peuple et chasser son tyran, en principe c'est bien. Et pourtant...l'Irak n'a plus d'hôpitaux, son industrie est devenue inexistante et il connaît une violence endémique infiniment supérieure à celle qui existait sous la dictature de Saddam Hussein.

D'un point de vue philosophique, Bien et Mal, radicalement opposés ne devraient pas être solubles l'un dans l'autre. Et pourtant...

A refaire l'étymologie du mot Diable, je trouve l'adjectif διάβολος,  celui qui inspire la haine en grec ancien mais derrière l'adjectif il y a aussi le verbe διάβαλλω jeter d'un côté et de l'autre (par suite désunir). Le verbe a aussi le sens de tromper. C'est d'ailleurs le sens original du suffixe (une préposition) διά : en divisant, en séparant. Mais notre verbe signifie aussi passer à travers, détourner.

Il y a donc l'idée d'un chemin qui ne va pas vraiment droit dans ce mot. Les Grecs utilisaient d'ailleurs ce verbe surtout pour évoquer les traversées de leurs navires en Méditerranée, or, avec les vents contraires et le climat changeant, je devine que le chemin n'était pas vraiment direct.

Au fond, le mal, ce n'est pas ce qui se mélange au bien : le mal, c'est sa propre association avec le bien. Nous vivrions autrement dans un monde bien plus simple.

Aristote dans son Éthique à Nicomaque s'est justement échiné à décortiquer les divers niveaux d'intentionnalité dans les actions, déterminant celles qui lui semblaient volontaires et celles qui ne l'étaient pas.

Et c'est ce paradoxe de constater qu'une bonne intention n'atteint pas nécessairement son but. A moins qu'elle ait été définie à tort comme bonne...Bonne de quel point de vue ? De celui de l'agent de l'action ou de celui qui en subit les effets ? Subtile dialectique grammaticale entre l'agent et l'objet...Agir sur l'autre c'est fatalement en faire son objet d'une manière ou d'une autre...

Commentaires

  • Superbe "coup de gueule" :)
    J'aime beaucoup ce billet.

  • @L' héré,
    En souvenir du bon vieux temps, ai rapporté du S-E des pots de miel, vous avez le choix entre miel de lavande fine ( cachée de derrière les fagots) ou miel de thym, généreuse de nature p'tre les deux?
    Pas pour vous acheter, mais pour que gustativement, vous et votre famille puissiez trouver,une source de plaisir.
    Contactez moi via mail, n'hésitez pas, j'ai tant subi...Aucun souci à avoir de ma part. De plus, un réel plaisir pour moi de vous faire partager.

  • Oups, rien compris, trop compliqué pour moi...

  • Tiens, un billet philosophique, chouette !

    "D'un point de vue philosophique, Bien et Mal, radicalement opposés ne devraient pas être solubles l'un dans l'autre."

    Oui, dans une vision manichéenne (au sens étymologique : doctrine de Manès, ou mazdéisme) qui fait de Bien et Mal deux forces équivalentes et opposées (Ormuz et Ahriman). Mais dans la théologie chrétienne, par exemple, le Mal est une émanation du Bien : Dieu créateur incarne le Bien, il crée les anges et l'un d'entre eux, Lucifer-Satan, se révolte et amène ainsi le Mal. Le Malin, le Mal, est donc une créature du Bien. Le Mal naît de la division, du rejet par le Diable (on retrouve la votre étymologie : celui qui divise, qui rejette) du principe divin. Ou, pour reprendre la fameuse formule de Goethe dans son "Faust", "l'esprit qui toujours nie".

    Même chose dans le Taoïsme où les notions de Bien et de Mal ne sont pas employées explicitement, mais renvoient à des couples de polarités : blanc/noir, chaud/froid, sec/humide, masculin/féminin, etc. Le célébrissime symbole du Tao exprime cette succession perpétuelle des polarités, mais dans le noir il y a une tache de blanc et dans le blanc une tache de noir. Donc là encore, il y a bien, sinon fusion, du moins osmose. Rien n'existe que par opposition à autre chose, aucune polarité n'existe seule, tout concave a un convexe. Dans cette vision des choses, "Bien" et "Mal" ne sont que des jugements de valeurs instantanés portés sur une situation en mutation permanente et neutre par elle-même. Le Yi-King, le "Livre des mutations" chinois, ne porte pas de jugements de valeur sur les situations qu'il décrit. Il dit seulement : "là, il y a du risque" ou "là, il y a des chances de succès", indépendamment de toutes considérations morales.

    Bref, l'idée que Bien et Mal sont liés et, en quelque sorte, dépendants l'un de l'autre n'est pas un mystère neuf... Ce qui ne veut pas dire qu'il est résolu. Si vous avez l'occasion, je vous conseille un superbe roman sur ce thème : "La Nef" de William Golding (en anglais : "The Spire" - 1964). Un évêque anglais du XIIIème siècle décide de faire construire une cathédrale majestueuse. Mais il se rend bientôt compte que le chantier immense nécessaire à cette construction attire et fixe avec lui tout un monde interlope de joueurs, d'escrocs, de coupeurs de bourse et de prostituées... Pour la plus grande gloire de Dieu, il livre ainsi ses ouailles à la tentation et aux risques. Et puis, très vite, notre évêque en vient à se demander si, au fond, cette cathédrale doit servir la gloire de Dieu ou bien plutôt son propre orgueil de prélat.

    Sinon, puisque vous évoquez le terme "oblique" dans la culture grecque, je ne résiste pas au plaisir de rappeler que c'est aussi l'un des surnoms d'Apollon, "Loxias", l'oblique, l'ambigu, celui dont les oracles rendus à Delphes par la voix de la Pythie sont très souvent à double sens ou un peu tordus...

  • Arf ! Je crois mieux comprendre Ch Romain que L'Hérétique là. :)

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