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Made in France by François Bayrou

Le Made in France façon Bayrou suscite manifestement des adhésions nombreuses mais également des interrogations. A vrai dire, j'ai fait comme François Bayrou : j'ai consulté avec la plus grande attention le rapport d'Yves Jégo sur le Made in France. Évidemment, Yves Jégo rit un peu jaune : ce n'est pas dans son camp (celui de Nicolas Sarkozy) mais en face, dans l'opposition, qu'on lit ses rapports. Bayrou s'intéresse depuis un bon moment à cette piste : en fait, il suit avec beaucoup d'attention les études qui paraissent et enquête lui-même depuis la fin 2008.

Le Made in France côté acheteur n'est évidemment qu'un aspect de la stratégie globale de François Bayrou pour stimuler la production française, mais je vais m'y intéresser en particulier. 

J'entends beaucoup de commentateurs assurer qu'il s'agit là de la reprise d'une vieille idée ; c'est bien possible, mais Bayrou y ajoute une dimension typiquement de notre époque : l'information. Il ne suffit pas de dire qu'il faut acheter français, il faut s'assurer que l'information donnée sur l'origine du produit ne soit pas biaisée et trouver un moyen de centraliser les données.

Et on est là au coeur du problème. Tenez, chez moi, mon lave-vaisselle est à l'agonie et rend l'âme. Du coup, j'escompte hâter ses funérailles et le remplacer, cette fois, par un lave-vaisselle français. Je me suis rendu sur hexaconso puis la fabrique hexagonale mais pas d'informations sur l'électro-ménager français là-bas. Nada également sur le site Made in France. J'avais par chance entendu parler de l'association Pro-France, dont Yves Jégo est le président : ouf, j'ai trouvé là-bas un lien qui renvoyait au site Veritas, organisme de certification : une fois sur le site Veritas, j'ai fini par repérer la liste des produits labellisés Made in France. J'ai compté le nombre de clics, sans parler des lectures de page nécessaires : plus d'une douzaine. Ça va, je suis persévérant... Bon, dans la liste, on trouve les lave-vaisselles Fagor-Brand-Sauter-De Dietrich, ouf ! Après, évidemment, il restait à savoir si de gros distributeurs assuraient la vente des marques concernées. Ouf une deuxième fois : c'est le cas chez Darty ! IL ne me reste plus qu'à devenir moyennant un prix très raisonnable l'heureux possesseur d'un lave-vaisselle français. Cela devrait venir pour Noël. Au passage, les peix pratiqués par Fagor tordent le cou à l'idée que le produit français serait plus cher que les autres ; au contraire, chez Darty, les lave-vaisselle fagor font partie des moins coûteux.

Inversement, quand je me rends sur des sites de fabricants français, notamment dans le textile, je vois qu'ils ne sont pas distribués dans les chaînes de textile. Je m'extasiais récemment d'avoir trouvé des chaussettes françaises chez Arthur, mais en fait, bleuforêt, archiduchesse en produisent depuis longtemps. D'une certaine manière, je me demande si ce n'est pas le commerce électronique qui pourrait sauver ces petits fabricants, puisque les gros ne les distribuent pas ; mais même sur internet, il est préférable de s'organiser en centrales. 

En fait, il manque une très grosse centrale de l'envergure d'un priceminister ou quelque chose de ce genre pour lancer en grandes pompes le Made in France. Cela reste à inventer, puisqu'actuellement, ce sont des volontaires (Hexaconso, la fabrique hexagonale,Made in France, Pro France) qui font à leur manière le job. 

J'ai lu et entendu dans la presse cette semaine que Bayrou faisait du neuf avec du vieux puisque l'idée était ancienne. Je pourrais répondre avec humour qu'il entre en force dans l'économie du recyclage, technologie particulièrement novatrice à l'heure actuelle. Mais au fond, ce sont ses contradicteurs qui n'ont pas perçu l'étendue exacte de son idée. 

Il a raison de créer un buzz énorme sur la question et les fabricants français peuvent le remercier, parce que juste avant Noël, c'est du pain bénit pour eux : on en parle partout, et, du coup, les Français vont davantage penser à acheter français. Cet homme-là n'est même pas encore élu qu'il stimule déjà la production française... :-)

Nous vivons dans une société d'hyper-communication : une communication spécifique, quand les circonstances s'y prêtent, peuvent générer une vraie lame de fond. Comment croyez-vous qu'Apple soit sorti de l'ornière il y a dix ans ? On la voyait morte, puis l'idée géniale a fait surface, assortie d'une communication extraordinaire. Quand j'y pense : Apple est sorti du marché des ordinateurs il y a une dizaine d'années et revient aujourd'hui par la porte des tablettes avec leur i-pad, et plus généralement l'internet mobile. Or, l'informatique mobile remplace désormais les outils statiques...Qui l'eût cru ? Mais ils ont aussi une communication extraordinaire : ils réussissent à faire faire des heures de fils à une floppée de fan à chaque sortie d'un nouveau produit. Vous imaginez un peu ce que cela serait si on parvenait, en France, à orchestrer une campagne de ce niveau sur le Made in France ? On ferait exploser les compteurs et les chaînes de fabrication des producteurs français !

Au-delà ce cet aspect, ce qui est novateur, dans l'approche de Bayrou, c'est d'avoir compris qu'il y avait une demande forte en ce sens. Les sondages convergent pour garantir un effet certain de la mesure qui consisterait à attribuer un pourcentage de label Made in France.

Bayrou a dressé dans son État d'urgence une esquisse de sa stragégie : une prise en tenaille entre d'un côté le sentiment du consommateur, fortement favorable à son label et de l'autre un environnement favorable à l'entreprise en jouant sur la fiscalité : pour l'instant, seuls les salariés et l'entreprise financent l'essentiel de notre protection sociale. Ce n'est pas juste, car la protection sociale concerne la totalité de notre société. Comme l'observe parfois Jean Peyrelevade, les entreprises françaises sont celles qui obtiennent les marges les plus faibles d'Europe sur leur valeur ajoutée. Or, ce sont précisément ces marges qui permettent d'investir en recherche et développement. Rééquilibrer le coût de la protection sociale permettrait en passant aux entreprises de desserrer l'étau qui les étrangle. Une CSG qui taxerait TOUS les revenus (plus-value,capitaux, travail,retraites, et cetera...) favoriserait donc l'investissement sur notre sol. Plus généralement, à l'inverse de ce qui est fait depuis des années, le projet de François Bayrou est spécifiquement orienté vers l'offre et non vers les demande.

François Bayrou a fait de la production sur le territoire national son principal cheval de bataille. Le «Made in France» est l'axe stratégique principal de son programme économique. La seule autre force politique à s'en préoccuper, même si ce n'est qu'un axe secondaire de son projet, c'est le Front National .

Sauf que le FN propose, en fait de programme économique et industriel, de taxer moins les biens produits en France et plus ceux venus de l'étranger. Programme dangereux s'il en est : les pays touchés par ces mesures ne manqueront pas d'en faire autant et toute l'industrie d'exportation française sera frappée durement. C'est bien les risques de ce protectionnisme-là contre lesquels Bayrou met en garde dans son État d'urgence ; je pense d'ailleurs qu'il vise directement le Front National dans son livre sur ce sujet.

Les autres forces politiques essaient d'enfourcher un cheval de bataille qu'elles ont toujours délaissé : l'UMP n'a pas cru bon de prêter aux travaux d'Yves Jégo l'attention qu'ils méritaient, quant aux autres...dans les milieux de gauche aisés, quand on prononce le mot "France" ou qu'on évoque les identités régionales, on est renvoyé au nationalisme et aux dérives identitaires. Autant dire que ce n'est pas la gauche bien-pensante qui risque d'avoir ce genre d'idées : elle traite le made in france comme elle traite la francophonie. Par le mépris.

Ce n'est pas un hasard si c'est un agrégé de lettres classiques, pétri d'humanités françaises qui a cette idée : Bayrou s'est toujours montré en pointe dans la défense d'une certaine idée de la France. Rappelez-vous les Européennes de 2009 : on lui a reproché de parler de la France quand il s'agissait d'élections européennes. J'entends parfois, à l'inverse, certains le qualifier d'européiste.

 Sa démarche marque bien, pourtant, à quel point il croit à une France forte. Forte, mais pas isolée : il ne la dissocie pas de l'Europe, mais, comme le disait le MoDem en 2009, l'Europe est forte de ses nations, et les nations européennes sont fortes de l'Europe. C'était la conclusion du groupe Identités et Valeurs du MoDem. C'est cette dialectique dans laquelle évolue Bayrou, ce qui permet à la fois de dire de lui qu'il a une posture gaullienne, et en même temps de reconnaître en lui un Européen convaincu.

 

 

Commentaires

  • (attention typo : les peix pratiqués)

    "même sur internet, il est préférable de s'organiser en centrales. "

    Allons : un type comme toi, qui comprend comment fonctionne le référencement, doit savoir qu'Internet permet même à des petites marques de se faire connaître. Mais ça demande une vraie stratégie, avec un peu de moyens (ce n'est pas si coûteux) adaptés. Autrement dit, si tu veux voir plus souvent et plus facilement du "made in france", il faut surtout que les pme se prennent par la main et investissent internet.

    A mon avis, tout ceci est bien plus culturel que technique ou politique...

  • "il s'agit là de la reprise d'une vieille idée ; ... mais Bayrou y ajoute une dimension typiquement de notre époque : l'information."

    Tout à fait. Bien vu.

  • @L'hérétique,
    Le terme de centrale il est vrai...
    Plateforme de lancements commune? Voui j'ai un peu la tete dans les étoiles. ;)
    Très beau billet

  • toujours pas compris si le Made in France selon Bayrou a pour but de régler le probleme du chomage, celui du deficit commercial ou celui du pouvoir d'achat des francais ?

  • a titre de précision, Apple n'est pas sirti du marché des ordi il y a 10 ans, il est entré sur celui de la musique. Il y a toujours eu des ordi Apple

  • Chercherait-on à taquiner la muse en jouant sur les mots?
    Disons donc ou ex-piquons qu'Apple a diversifié sa production, a exploré d'autres pistes... :o))

  • Chère Hérétique,
    favoriser la vente de produit made in France comme vous (ou Bayrou) le préconisez est une condition nécessaire mais loin d’être suffisante. Car si comme vous je peux faire l’effort d’acheter français ou européen (et accessoirement BIO pour ce qui est alimentaire) une majorité de citoyens n’a pas cette chance, et de plus en plus ont tout simplement du mal à boucler leur mois : alors ils achètent au mieux … chinois. Pour ne pas parler des produits qui ne se font tout simplement plus en France, voir en Europe, ex. l’électronique high-tech. Même si la totalité des citoyens ayant les moyens appliquaient cette discipline de consommation « citoyenne » … ce ne serait qu’un palliatif, un moyen de ralentir à la marge la désindustrialisation de la France (et la crise sociale et économique qui vas avec). Le vrais problème (que Bayrou a du mal à reconnaitre … et il n’est pas seul malheureusement) c’est la Mondialisation. Qui est tout saut viable sur la durée … et encore moins une fatalité.

  • Robert Rochefort : Si les Français réussissent à acheter 10% français, cela suffit à établir l'équilibre.
    J'ajoute que si ceux qui peuvent font un effort de plus, soit 15%, cela permet à ceux qui peuvent moins de faire...ce qu'ils peuvent.

  • Si, si, on trouve aussi du textile made in France en grandes surfaces : "Bleu Forêt" dont tu parles encore est vendu chez Leclerc par exemple.

    Les collants femme en laine, à rayures multicolores, y sont à 14€50. Les chaussettes hautes homme en laine mais intérieur coton (double tissage je suppose) à 10€50.

    Certes on peut trouver des chaussettes un peu moins chères dans d'autres marques mais comme celles-ci sont de très bonne qualité, et donc a priori plus résistantes, on s'y retrouve.

  • Bonsoir,

    Vous écrivez la formule fabuleusement creuse, surtout en ces temps troublés : l'Europe est forte de ses nations, et les nations européennes sont fortes de l'Europe. C'était la conclusion du groupe Identités et Valeurs du MoDem. C'est cette dialectique dans laquelle évolue Bayrou.

    Je me permets de vous conseiller de ne pas se revendiquer de l'Europe, ce n'est plus très vendeur de nos jours. Une Europe à vomir, une Europe contre les peuples ; et certains voudraient se pavaner au nom de cette Europe de m... ?... c'est pas le meilleur moyen d'espérer faire un bon score au premier tour.

    S'ils continuent comme ça, les ultra-libéraux vont tellement dégouter les peuples de l'idée d'Europe, qu'il faudra bien quelques siècles avant d'envisager à nouveau une union européenne quelle qu'en soit la forme.

    Sinon, pas mal l'escroquerie du "acheter français"... il reste quoi en industrie française ? plus grand chose.

  • Bonjour,
    Je ne suis pas étonnée par l'initiative de Bayrou, le Centre (ou l'ex UDF) a toujours été "la boite à idées" de la Droite.

    Comme le dit Abd Salam, il vaut mieux éviter de parler de l'Europe, (ou alors de la sortie de l'Europe + un projet de coopérations multiples.)
    L' Europe telle qu'elle va est devenue un repoussoir.

    Vous savez sans doute que l'aide publique aux entreprises est d'environ 50 milliards d'euros par an.

    En lisant le livre de Borloo, "Un homme en colère", j'ai découvert que, (comme pour la PAC), 80 % de cette somme allait vers les plus grosses entreprises, qui n'en n'ont pas besoin , et pas vers les PME, PMI et TPE.

    Il s'agit de plusieurs centaines de dispositifs, une "usine à gaz" comme dit Borloo, dont seules les entreprises ayant un service spécialisé peuvent tirer le plus grand profit, sans forcément payer d'impôts en France.

    Bayrou serait donc peut-être bien inspiré, de sauver du même coup ce qui lui tient à coeur, les entreprises agricoles , (avant que tous les paysans ne se soient suicidés), et de financer les PME, en proposant de réorienter ces aides, à un moment où les banques coupent les crédits aux entreprises.

    Dans mon idée, qui est peut-être celle de Bayrou, produire et acheter français permet de rééquilibrer la balance des paiements, de créer des emplois, d'avoir des retombées fiscales et sociales, de produire des biens de meilleure qualité qui durent plus longtemps.

    Ajouter effectivement le recyclage.
    Les magasins de dépôts vente, les puces et autres vide greniers permettent de donner une nouvelle vie à des produits qui encombreraient sinon les décharges.
    Un pull de bonne bonne qualité vendu 100 ou 150 euros à ceux qui le peuvent, se rachète pour 2 ou 5 euros par ceux qui ne peuvent pas se le payer neuf.

    Dans le recyclage, j'inclue les dons, les échanges et le troc, autres manières de prolonger la vie des produits.

    Les Mairies pourraient aussi collecter des
    meubles, des vêtements , l'électroménager etc , mis à la disposition des Services Sociaux pour dépanner les personnes les plus en difficulté.
    Quand on voit ce que les gens mettent sur les trottoirs pour s'en débarrasser,ou à la décharge, c'est un gaspillage inouï.

    Des produits réparables créent aussi des emplois, qui disparaissaient avec l'obsolescence programmée des produits...

    Je pratique tout cela... depuis toujours.
    "Acheter/ Jeter", il me semble que beaucoup de gens commencent à en avoir assez de ce gaspillage.

    PS:
    Il ne faut pas se culpabiliser pour les pays producteurs, la Chine par exemple, à un marché intérieur énorme.
    Avec de meilleurs salaires, et des conditions de travail qui les sortent de l'esclavage, la Chine a parfaitement les moyens de continuer à produire..., ce serait même peut-être un service à leur rendre!

    Il ne faut pas non plus se focaliser sur les exportations.
    Avant qu'on ne décide de fermer les usines en France, on achetait et on exportait aussi.
    La Droite fait des exportations sont cheval de bataille, comme si le marché intérieur n'avait aucun intérêt.
    Contournons -les, ils nous gonflent !

  • Pourquoi ne pas créer un label "Entreprise citoyenne" au niveau national et sur la base du volontariat, défiscalisant massivement les entreprises l'adoptant contre les promesses de rémunérations justes (moitié actionnaires, moitié salariés), de plafonnement des salaires patronaux indexés sur le salaire moyen de l'entreprise, de recours à des fournisseurs de proximité, d'un effectif sur le territoire national en rapport avec les ventes sur ce même territoire, d'une plus grande participation syndicale (syndicat obligatoire dans l'entreprise labellisée) aux décisions, de l'obligation d'investir dans le pays au moins 200% des bénéfices reversés aux maisons mères pour les entreprises internationales, qui pourrait s'y opposer ?

    Il faudrait faire une étiquette identifiable pour tous les produits se réclamant de ce label afin de créer un avantage marketing décisif, avec publicité soutenue par l'Etat.

    L'UE ne pourrait pas protester car rien ne n'empêcherait une entreprise étrangère d'adopter ce label pour profiter des mêmes avantages mais en se pliant aux conditions !

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