La lutte est rude en Libye. L'insurrection doit apprendre le langage des armes et elle paie cher cet enseignement. Misrata est une ville martyre : Kadhafi fait tout pour tenter de provoquer l'agonie de ce qu'il y reste de population, allant jusqu'à miner le port.
Malgré tout, même si l'expédition militaire ne ressemble en rien à l'avancée éclair des forces rebelles au début de la révolution, elle n'en finira pas moins par porter ses fruits.
La bataille des airs est une guerre d'usure : elle ne détruit les forces ennemies que petit à petit. Toutefois, comme elle dispose d'un véritable relais au sol, fût-il encore bien inexpérimenté, on peut penser qu'elle finira par faire tomber Kadhafi et ses séides. Je ne puis que renvoyer à la fine analyse d'Olivier Kempf (Blogue géostratégique EGEA) à ce sujet.
L'OTAN sait qu'elle doit à tout prix éviter l'erreur fatale de toucher des populations civiles. Pour l'instant, elle se tire de cette embûche avec honneur.
Il faut aussi dire que ce sont les Anglais et les Français qui mènent la danse et assurent l'essentiel de l'opération avec leurs aviations. Or, ces deux peuples ont l'expérience des bombardements. Je veux dire par là qu'ils les ont vécus dans leur chair pendant la Seconde Guerre Mondiale. Les pilotes britanniques en particulier sont réputés prendre plus de risques pour ne pas toucher de civils en passant à basse altitude. C'est pour cela qu'ils avaient subi plus de pertes en 1991 en Irak, d'ailleurs.
On peut donc penser que pouvoirs politiques et état-majors français et britanniques sont très soucieux d'épargner les populations civiles. Bien sûr, Kadhafi dispose d'un certain soutien de la Tripolitaine, mais, dès lors que les forces alliées et les rebelles prendront bien soin de ne pas exercer de représailles ni de frappes contre les populations civiles, on peut espérer que ce soutien s'érode au fil du temps.
Le temps ne joue pas en faveur de Kadhafi. Il devra l'admettre tôt ou tard. Ses troupes se sont certes adaptées aux frappes de l'OTAN en apprenant à se disperser rapidement puis à se reformer au moment des attaques, mais les ressources de Kadhafi ne sont pas infinies.
L'inconvénient, évidemment, c'est que les moyens que les alliés mettent en oeuvre ne sont pas immenses. Même si les Anglais et les Français engagent des forces qui sont loin d'être négligeables, elles sont très minces (voir ce qu'en dit O.Kempf sur son blogue) au regard des ressources nécessaires pour une campagne rapide, ce qui a contraint les Américains à revenir dans le jeu.
Néanmoins, à terme, je suis convaincu que la France et l'Angleterre en particulier auront gagné un prestige considérable en agissant comme elles ont décidé de le faire depuis le début de cette révolution.
Commentaires
Le monde entier savait ce qui était arrivé récemment à la Libye. Il est tout au sujet des problèmes de politique ». Je ressens de la pitié pour les victimes innocentes. J'espère qu'ils ne pouvaient s'en remettre et ils pourraient commencer une vie paisible.
Je ne sais pas si je partage totalement votre optimisme.
En principe, les cibles opérables sous la résolution ONU 1973 auraient normalement dû se raréfier assez rapidement.
Le fait que tel ne soit pas le cas montre une adaptation des forces pro kadhafi à la contrainte militaire exercée par l'OTAN.
Le délai pour atteindre l'attrition de l'adversaire ne diminue pas aussi vite qu'on aurait pu le souhaiter, non pas pour ce type d'opérations (ça on sait que c'est long), mais par rapport au format et à la nature de l'opération qui a été vendue à la communauté internationale et aux opinions publiques des pays contributeurs.
Pour que le temps joue en défaveur de l'adversaire, il faudrait exercer contre lui une pression qui crée une urgence ou au moins un sentiment d'urgence dans son esprit.
Cette pression correspond en gros à des opérations plus offensives, donc hors cadre de la résolution 1973. Difficile à envisager en l'état.
Reste les manœuvres subtiles relevant des stratégies indirectes (bloquer les avoirs, filer des armes aux opposants, liquider les membres de la famille, etc).
Manifestement, elles sont en cours.
Pourtant, il n'y a toujours pas de résultat.