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L'entreprise et le politiquement correct

J'ai l'habitude ici de conspuer avec énergie les travers de la gauche, tant ils ont le don de m'horripiler : pseudo-éthique qui couvre des actes biens différents des déclarations, notamment dans le domaine social. On plaide, à gauche, pour la mixité sociale, mais on s'empresse de placer ses enfants dans un établissement privé plutôt que de les voir "mixés" avec les classes populaires, les immigrés voire les délinquants. Et, bien entendu, on se garde bien de mettre les pieds dans les quartiers dits populaires...

François de la Chevalerie, du Cercle des Échos a eu l'idée de se demander s'il existait un politiquement correct de droite correspondant. Je ne parle évidemment pas des divagations des gauchistes anti-libérales de toute sorte.

Très subtilement, il a observé qu'à droite, on porte aux nues l'entreprise et la création d'entreprise, mais qu'in fine, les personnalités les plus en vue s'empressent d'aller pantoufler dans la haute administration, les entreprises publiques, ou les très grandes entreprises, toutes planques dont la santé et l'existence ne doivent absolument rien à leur action. Créer une entreprise, comme le souligne l'auteur, c'est difficile et risqué.

Dès lors, vanter la création d’entreprise s’apparente à de la propagande destinée surtout aux recalés, aux jeunes, aux chômeurs, aux immigrés, à tous ceux qui n’ont pas d’autres choix que de créer leur entreprise, dixit, leur propre emploi.

Cette dérive aboutit à la mise en œuvre de fausses bonnes solutions, comme par exemple, le statut d’auto preneur ou le concours de création d’entreprises innovantes du Ministère de la Recherche. Dans les deux cas, les résultats sont accablants avec peu de création d’emploi, une instabilité chronique. Qui plus est, ce paradoxe affecte l’ensemble de l’économie.

Exceptionnellement impliqués à titre personnel dans des créations d’entreprise, les banquiers comprennent mal l’univers peu palpitant des PME, à la trésorerie souvent exsangue. En témoigne leurs difficultés à accéder aux crédits bancaires, voire à des marchés. Cette situation génère des frustrations ou de l’amertume assez comparables à celles que ressentent, de leur coté, animateurs sociaux et éducateurs.

J'ai un ami qui a créé son entreprise en octobre dernier. Il opère dans le secteur de la sécurité et des alarmes. Sa société s'appelle MSDS et dispose d'un site de présentation. José est mon plus vieil ami, on se connait de très longue date. Je sais que c'est quelqu'un de très rigoureux (je lui dois la moitié des aménagements de mon modeste appartement, toujours faits à titre gracieux, et à chaque fois d'une qualité bien au-delà de ce que j'aurais pu espérer d'un professionnel).

Il aimait la liberté (c'est un esprit très indépendant), avait de l'expérience, un petit carnet d'adresses pour débuter, et surtout, l'esprit d'entreprise. Il s'est donc lancé il y a près d'un an. Je vous le donne dans le mille, il n'a pas choisi le statut d'auto-entrepreneur dont on entendait parler sur toutes les ondes... Il a choisi la SASU (Société par actions simplifiée unipersonnelle). Pour comprendre les avantages d'un tel choix, je renvoie au site ad hoc.

Toute la difficulté pour une entreprise jeune comme la sienne, c'est d'assurer un certain roulement. Certains mois, trop de clients, et il est difficile de répondre à la demande. A d'autres moments, pas assez d'affaires ; il met alors à profit ce temps pour prospecter, ce qu'il ne peut faire quand son carnet de commandes est plein. Il faut à la fois trouver de nouveaux clients et fidéliser la clientèle existante (avec des contrats de maintenance, par exemple).

Une des difficultés, c'est de parvenir à financer son salaire. Il n'y est pas à 100% et demeure encore un peu tributaire des ASSEDIC, avec toutefois, à court-terme, l'espoir de dégager un revenu mensuel suffisant pour disposer d'une garantie. On a beau être entreprenant, il est difficile d'assumer une multiplicité de rôles et de fonctions : chef d'entreprise, technicien, commercial, webdesigner et cetera. A plusieurs reprises il a pu engager quelqu'un mais toujours ponctuellement. Il fait sinon appel à des services spécialisés pour sa comptabilité ou son site internet.

Quand il voudra créer un emploi, il aura la même difficulté. Un demi-poste, un quart de poste, peut-être, dans un premier temps. Évidemment, il peut faire appel à de l'intérim, mais ce n'est pas une solution viable à long terme.

Autre souci, bien penser sa gamme de produits : un professionnel est toujours tenté de proposer le meilleur, mais ce qu'il lui a fallu apprendre, c'est que le meilleur était relatif, et, notamment, relatif au budget que le client souhaite mettre dans son installation.

Ce n'est pas tout : sa clientèle est d'un genre particulier. Elle est d'abord constitué de syndics. Il faut donc s'adapter à son mode de fonctionnement. Les relations avec les fournisseurs ne sont pas moins simples. Ils ne connaissent apparemment pas la crise, ou alors la concurrence est insuffisante. La plupart du temps, il faut appeler trois, quatre, cinq, parfois six fois pour obtenir satisfaction et surtout résister à la féroce envie de leur beugler à la tronche ou de leur raccrocher au nez quand l'attente se fait trop longue et l'énervement devant le temps perdu trop prompt.

La création de son entreprise n'a pas nécessité de très gros investissements, et il donc quasiment pu se passer d'emprunter. S'il lui fallait aujourd'hui redevenir salarié, il confesse que cela lui serait très difficile. Il a goûté à la liberté et aurait du mal à s'en passer. La charge de travail est très lourde, mais être son seul maître est le plus voluptueux des premiers dividendes de son choix.

On est assez loin du salaud d'exploiteur du peuple capitaliste dont les gauchistes adorent imaginer la pendaison. Loin aussi du chef d'entreprise au sourire bright invité sur tous les plateaux de télé, dont la propagande gouvernementale vante les qualités.

Entreprendre, c'est dur, mais apparemment, le jeu en vaut la chandelle. Au moins pour José, du moins. Sans doute parce que c'est avant tout un entrepreneur...A l'évidence, devenir entrepreneur, c'est décidément tout un métier...

Commentaires

  • Bonjour, ton point est très important. L'éloge de l'entrepreneur, je vote pour, en tant qu'entrepreneur ;-)

    A ma connaissance, il n'y a, à droite, aucune personnalité de premier plan qui ait créé son entreprise ou fait carrière dans le monde de l'entreprise privée.

    (Il y en a au centre : François Bayrou ... et à l'extrême droite : Jean-Marie Le Pen !).

    Je mets évidemment à part les avocats d'affaires (Frédéric Lefebvre), les associés de cabinets d'avocats d'affaires (Nicolas Sarkozy), les lobbyistes et consultants pour grands groupes industriels para-étatiques (Gérard Longuet), etc., bref tous les métiers très honorables mais qui vous font travailler avec la sphère para-publique ou la jet set du business, mais jamais ou presque avec des entrepreneurs.

    L'exception la plus connue est Luc Chatel, qui a été DRH chez L'Oréal http://fr.wikipedia.org/wiki/Luc_Chatel , un fleuron du marketing français ... mais où les relations entre personnes sont plus marquées par la paranoïa politique des détenteurs de rente, que par l'initiative entrepreneuriale.

    En revanche, cela ne me semble pas suffire à prouver que "Dès lors, vanter la création d’entreprise s’apparente à de la propagande destinée surtout aux recalés...".

    Je penserais plutôt que les politiques de droite sont aveugles et sourds à la réalité des entreprises, puisqu'ils ne les rencontrent jamais (pas plus que ceux de gauche), et ne les perçoivent qu'à travers les recommandations qui peuvent leur arriver à travers le tout-Paris : défiscalisation des grandes fortunes et des héritages, pour l'essentiel.

    Revendication qui évidemment, ne concerne en rien les entrepreneurs comme ton ami José ou ma pomme ... mais plutôt les descendants de descendants d'entrepreneurs, dans le meilleur des cas.

    Finalement, grande entreprise mondialisée et entrepreneur se rejoignent sur une attente vis-à-vis des politiques : qu'ils les laissent travailler, au lieu de multiplier les procédures, réglementations, avantages fiscaux pour chasseurs de primes et programmes incitatifs pour chasseurs d'incitations. Qui ne font ni chaud ni froid aux multinationales, déjà surimplantées aux îles Caïman ou ailleurs ; et ne sont pour l'entrepreneur… qu'une sorte de droit à la concurrence déloyale, accordé au plus paperassier.

    Je charrie un peu - mais pas beaucoup.

  • @L'hérétique,

    Merci de nous avoir fait partager cet irréprochable témoignage d'où l'on voit fleurir les problématiques des TPE-TPI aujourd'hui : le temps, l'embauche, la compétence, le financement et les effets de seuil.

  • N'oublions pas Jean Lassalle. Quel bosseur !

    Au fait j'ai bien envie d'adhérer à son association des Montagnards du monde pour l'Afrique par exemple. (Mais pardon c'est hors sujet).

  • Encore une fois un excellent article dont le point de vue est solidement argumenté.

    Merci,

  • C'est vrai que le milieu de la TPE/PME est mal connu.

    Pour la gauche "décomplexé", patron = voyou.
    Sur que l'on va avancer et être constructif...

    En réalité , il existe, comme me l'a argumenté mon patron, deux type de patron.

    Le patron de grand groupe lui est un gestionnaire. Il gère, avec son équipe, le groupe et rend des comptes aux actionnaires.

    Le petit patron (PME/TPE) lui construit. En général, il met l'argent sur la table, son propre argent. C'est la différence entre un grand patron et un patron de TPE/PME.

    C'est les TPE et PME qui aujourd'hui créent l'emploi. C'est donc ce type de structure qu'il faut favoriser. Ce que fait le MODEM (2 emplois sans charges, small buissness act à la française, Modulation de l'impôt sur les sociétés fonction de l'investissement...)

  • Tout à fait. Et il y a beaucoup à dire la dessus...

    Il y a un univers entre une 'entreprise' conglomérat immense gérée par des salariés et dont une partie des profits vient directement de favoritisme fiscal ou réglementaire et l'entreprise faite par un vrai entrepreneur.

    Rothbard (un économiste très libéral) s'étonnait de la fascination de certains libéraux pour les grandes entreprises dont il jugeait l'existence souvent due à des interventions de l'Etat dans l'économie et dont la philosophie était très loin de la logique entrepreneuriale.


    Il ne s'agit pas des gros contre les petits, mais bien de s'assurer que certains gros ne sont pas gros grâce à des privilèges plutôt que grâce à la valeur qu'il créé. Les entreprises du cac40 ont en moyenne un niveau d'imposition sur les bénéfices de mémoire 3 fois moins importants que les PME/ artisans (de mémoire) grâce à de l'optimisation fiscale.

    (Sinon merci pour l'appréciation dans un de tes messages précèdent.. content que le site soit apprécié.)

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